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Prima a Corsica : « Les sondages sont erronés, nous serons en tête au soir du 1er tour »


Nicole Mari le Mercredi 2 Décembre 2015 à 23:21

Près de 350 personnes, dont la plupart venues des communes plus ou moins environnantes, à l'avant-dernier meeting de campagne de la liste Prima a Corsica, qui s'est tenu, mercredi soir, au péristyle du théâtre de Bastia. Une étape stratégique, avant la dernière à Ajaccio, pour son leader, Paul Giacobbi, sur des terres qui ne lui sont pas favorables. La partie est délicate pour le président de l'Exécutif sortant qui, largement distancé par les Nationalistes et la droite, n'est crédité que de la 4ème place dans les sondages. A quatre jours du 1er tour de scrutin, il s'agissait, plus que jamais, de déminer le terrain, de redonner confiance, d'afficher une détermination sans faille et de tirer à boulets rouges sur ses adversaires et ses devanciers. Ce dont, ni lui, ni ses colistiers ne se sont privés !



Paul Giacobbi, président de l'Exécutif regional sortant et leader de la liste Prima a Corsica.
Paul Giacobbi, président de l'Exécutif regional sortant et leader de la liste Prima a Corsica.
C'est le Bastiais François Tatti qui joue, dans sa ville, le maître de cérémonie en ouvrant le meeting par une minute de silence en hommage aux victimes des attentats du 13 novembre à Paris. Avant d’embrayer sur un discours à trois entrées, qui sera décliné unaniment par tous les orateurs : d’abord, se gausser ou s’indigner des accusations de clientélisme et de corruption qui leur collent à la campagne, ensuite, égrener l'apologie tant de leur leader que de sa mandature en décochant de violents coups de griffes contre les deux têtes de liste de la droite et l’adversaire honni qu’est le leader nationaliste modéré Gilles Simeoni, enfin déminer le terrain glissant des mauvais sondages qui plombent en martelant la certitude de la victoire, tout en lançant un appel à la mobilisation. Le ton, qui se veut volontiers railleur, un brin méprisant, est souvent coupant. Les invectives, tant sur les personnes que sur les déclarations ou les programmes, fusent, particulièrement du binôme de tête qui n’apprécie pas de devoir se justifier.
 
Pas de leçons à recevoir !
Les premières salves, tirées par le conseiller exécutif et président de la commission des compétences législatives et règlementaires sortant, Pierre Chaubon, se veulent indignées, mais restent, à son image, contenues. Dénonçant de manière globale « un matraquage quotidien », « une campagne forcément orchestrée », « des rumeurs sans fondement » et « des contre-vérités », il vante les mérites de l’Exécutif sortant et de son leader et réplique aux critiques : « Nous n’avons à rougir de rien. Nous n’avons de leçons de démocratie, de morale et de probité à recevoir de personne. Nous sommes autant que d’autres, une garantie républicaine. On a voulu nous salir, mais nous sommes honnêtes. On a voulu nous affaiblir, mais nous sommes solides ! On a voulu nous faire dévier de la route, nous nous y sommes ancrés et nous connaissons le chemin. On a voulu nous rendre fébriles, mais nous sommes sereins. On a voulu nous faire trébucher, mais nous sommes debout. Oui, debout ! Prêts à affronter tous les temps, les vents mauvais et les tempêtes, mais aussi le beau temps qui viendra Il lance un appel aux sympathisants et aux élus présents dans la salle : « Nous avons, vous avez, trois jours encore pour convaincre ! ».
 
Des sondages erronés
Le président du Conseil départemental de Haute-Corse, François Orlandi, lui emboîte le pas en se focalisant sur la victoire qu’il affirme certaine : « On a essayé de nous déstabiliser. Dès le 6 décembre, nous allons prouver que ces sondages sont erronés et nous mettrons Prima a Corsica en tête dès le 1er tour ». Face aux accusations récurrentes contre celui qu’il présente comme son mentor et ami, il prétend : « Quand on se sent perdu face à la liste de Paul Giacobbi, on dit que c'est le système ! Ce n'est pas comme ça qu'on nous empêchera de gagner ! Combien de communes, qui ne sont pas de notre bord politique, ont été aidées : demandez aux maires de Calvi, de Corte, de Lucciana, de Pietracorbara... Ils l’ont été plus que le maire de Tomino ! ». Lui, aussi, lance un appel : « Il faut que notre liste arrive en tête dés le premier tour pour conforter sa victoire le 13 décembre. Vinceremu ! »
 
Un vote utile
Les sondages, c’est bien là le problème aussi pour le conseiller exécutif et président sortant de la Commission des finances, Antoine Orsini : « Je dois, tout de go, vous donner les résultats d'un sondage qui disait que vous seriez 50 ce soir dans cette salle, le sondage d'un institut qui confond méthode des quotas et méthode des copains ». Vantant les résultats « sans précédent » de cette mandature dont « le plus important est le plus inaudible, celui de la paix », il tacle ses adversaires. D’abord le camp libéral, « les champions de l'inefficacité et de l'échec, les deux listes sœurs ennemies de droite. José Rossi est venu faire un meeting dans un lieu qui sera sa retraite politique le 13 décembre, le musée de Bastia. Camille de Rocca Serra vient vous parler d'économie, mais de quelle économie parle-t-il ? De l'économie résidentielle, de l'économie de la rente… ou de l'économie qu'il fait de son domicile parisien ». Il s’en prend, ensuite, aux Nationalistes modérés « les frères ennemis, Femu i fratelli, champions de la communication et de la récupération », leur opposant « la force tranquille de Paul Giacobbi ». Plus prudent que ses colistiers quand à l’issue du scrutin, il explique : « Nous serons en tête si vous le décidez. L'issue du 2nd tour est conditionnée par les résultats du 1er tour. C'est pourquoi je lance un appel pour éviter la dispersion des voix vers des listes qui se disent de gauche et pour privilégier un vote utile ».
 
Pas d’alternative
Un appel à la mobilisation relayé par le conseiller exécutif et président sortant de l’Office des transports, Paul-Marie Bartoli, qui ne s’embarrasse pas de la même prudence : « Mobilisez-vous. Mais, ma conviction est faite : nous avons gagné ! ». Tout en listant les réalisations de la mandature, il soupire, bonhomme : « On nous accuse de clientélisme. Que voulez-vous, ils n'ont que ce mot à la bouche ! ». Revenant sur l’actualité du transport maritime et la cession de la SNCM, il s’insurge contre les suspicions de favoritisme de l’Exécutif territorial à l’égard du groupe Rocca comme semble l’affirmer un juge du tribunal de commerce de Marseille. « Sur le maritime, on nous a accusés de tout ! On nous dit que nous avons soutenu la candidature de Patrick Rocca. C'est faux ! Ma préférence allait au groupe Stef. Le groupe Rocca a été choisi parce que son offre était la mieux disante ». Qualifiant la campagne de « nauséabonde », il égratigne, au passage, la presse, avant d’asséner : « Il n'y a pas d'alternative crédible à la présence de Paul Giacobbi à la tête de l'Exécutif. Il est incontournable ! ».
 
Trois adversaires
Le discours se durcit avec la conseillère exécutive sortante et binôme de Paul Giacobbi, Maria Guidicelli, qui attaque, bille en tête, de façon très personnelle, trois adversaires qu’elle dénigre sans façon : Gilles Simeoni, Camille de Rocca Serra et José Rossi. Elle ne digère pas, et ne le cache pas, l’amendement de Femu a Corsica lors du vote final du PADDUC et le rejet par la droite de ce Plan dont elle est fière d’être le maître d’œuvre et dont elle fait un vibrant panégyrique. Sur le premier, elle grince : « Vous avez à Bastia un spécialiste du paraître, un intermittent du spectacle… Ceux qui parlent de Riacquistu économique sont pris de vision, le social leur est venu dernièrement… Leur procédé de diabolisation n'est pas un projet pour la Corse ». Sur le second, elle persifle : « Nous n'avons pas de leçon à recevoir de ceux qui échouent de façon récurrente sur leur PLU local, le PLU de Porto-Vecchio a encore été annulé, il y a une dizaine de jours... La droite a été disqualifiée sur son PADDUC par son propre leader, Nicolas Sarkozy. Le même qui, cet été, de son repaire de Murtoli, a qualifié notre PADDUC. La Corse a trop souffert de votre lascia corre ! ». Sur le troisième, elle daube : « JR, c’est un héros de Dallas, il voulait nous faire un retour vers le passé. L'univers impitoyable de Dallas, ils le jouent entre eux. La famille libérale va périr le 6 décembre ».
 
Un seul score possible
Puis François Tatti fait lever la salle et lui demande d’ovationner Paul Giacobbi. Le président de l’Exécutif sortant surfe sur l'actualité du match du Sporting qui se joue au même moment à Furiani pour déclamer, d’emblée, tout ce que le club bastiais et le stade Armand Cesari lui doivent. Avant d’oser un parallèle électoral : « Nous espérons un score dimanche et le seul score possible est la victoire ». Il enchaîne, de but en blanc, sur la polémique de la Marseillaise avec des accents inattendus qui rythmeront, à plusieurs temps, un discours plutôt débridé : « Furiani est l'exception européenne. Si à Wembley, on a chanté la Marseillaise, à Furiani, on l'a écouté. C'est un chant séditieux, mais moi, il me convient ». Effleurant le sujet de la collectivité unique, « On n'a pas eu beaucoup de choix, la France a décidé de simplifier les institutions », il revient sur les mauvais sondages : « Ne vous laissez pas impressionner par cette campagne, elle est abjecte, elle est mobilisatrice, on progresse sur le terrain. Au cours de ma carrière, j'ai connu toute une série d'échecs annoncés, de sapins déjà sciés, d'enterrements avec absoute, vous y ajouterez bientôt les Territoriales de 2015 ».
 
Le risque séparatiste
Puis, Paul Giacobbi s’attache à démonter pêle-mêle les critiques dont il est assailli et tente de retourner le fer contre ses détracteurs. Se revendiquant comme le seul candidat « sérieux » face à la « médiocrité » des autres, il peste contre « l’amateurisme et les funambules, dangereux pour la Corse ». Puis, il prend des accents quasi-zuccarelliens pour brandir la menace séparatiste, s’aventurant sur des chemins où l’on ne l’attendait pas ! Il explique longuement que l'enjeu principal de l’élection territoriale est « le risque de voir, par une combinaison électorale quelconque qui ne passera pas un tiers des suffrages, tout d'un coup, la Corse séparée de la République française, de la Marseillaise ! J'ai été le premier à défendre la langue corse, la fiscalité corse et, ce qui est impopulaire, la terre corse. Il ne faut pas que ceux, qui ont approuvé ce que nous faisions, le dénature, que cette adhésion ne devienne une trahison. Je ne veux pas que la Corse soit laissée sans contrôle à ceux qui l'aiment si peu qu'ils haïssent sa mère : la France ! N'écoutez pas cette campagne odieuse qui voudrait effacer ce qu'est la Corse. Nous aurions dû tous chanter comme à Wembley parce que nous sommes Français et que c'est la France qui nous permet d'être vraiment Corses ».
 
La garantie républicaine
Avant de conclure : « Je vous le dis : nous sommes en tête ! Ne vous laissez pas voler cette avance ! Nous ne la devons pas au clan et au clientélisme qui n'existent pas. Ne vous laissez pas démobiliser ! Soyez capables par votre mobilisation de réduire l'écart ».
Un écart de six points avec le favori des sondages qui oblige l’Exécutif sortant à mener, à quatre jours du 1er tour de scrutin, une féroce charge à la baïonnette contre les Nationalistes modérés et la droite. Pas un mot contre le Front national, totalement ignoré ! Pas plus contre les Indépendantistes ! A peine une allusion aux autres listes de gauche pour appeler à voter utile. Mais, le plus surprenant est la main tendue au Front de Gauche et surtout à Jean Zuccarelli, ou tout du moins à leurs électeurs. Bien qu’il s’en défende, Paul Giacobbi se voit contraint de reconsidérer sa stratégie initiale et de retourner courtiser ses ex-partenaires, surtout ceux susceptibles de passer la barre des 5%, et de leur offrir, en prévision, une garantie républicaine !
 
N.M.