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Petr’Anto Tomasi : « La donne électorale européenne met la Corse hors jeu »


Nicole Mari le Samedi 2 Mars 2019 à 19:09

Le refus de Corsica Libera et du PNC, justifié séparément par communiqués, de soutenir la candidature de François Alfonsi aux élections européennes, a révélé des tensions et des divergences au sein de la majorité territoriale. Tensions que Petr’Anto Tomasi, président du groupe Corsica Libera à l’Assemblée de Corse, balaye d’un revers de main. Pour lui, la question n’est pas là. Il explique, à Corse Net Infos, que les Indépendantistes ne peuvent adouber une donne électorale qui met la Corse hors jeu. Il estime que, localement, le pouvoir nationaliste a une obligation de résultats et doit répondre plus vite et plus efficacement aux attentes des Corses.



Petr’Anto Tomasi, président du groupe Corsica Libera à l’Assemblée de Corse. Photo Michel Luccioni.
Petr’Anto Tomasi, président du groupe Corsica Libera à l’Assemblée de Corse. Photo Michel Luccioni.
- Pourquoi ne soutenez-vous pas la candidature de François Alfonsi aux élections européennes ?
- Nous n’avons pas été associés à un processus d’investiture pour un candidat aux élections européennes. Nous n’avons donné aucun accord pour une candidature soutenue par Corsica Libera, pas même dans le cadre de la majorité territoriale Per a Corsica. Nous avons livré une analyse politique de la situation et du contexte, notamment une circonscription qui est, aujourd’hui, à l’échelle de l’ensemble de la France et qui pose des difficultés à faire émerger un projet politique conforme à nos orientations. Aucune des formations politiques en présence ne nous agrée. Nous pensons que, dans ce contexte, notre message politique ne pourra pas trouver sa place. Corsica Libera ne participera pas à l’élection et lance un appel à l’abstention.
 
- Pourtant vous êtes résolument pro-européen ?
- Oui ! Nous avons développé un discours et nous continuons à le faire concernant la place de la Corse dans l’Europe et l’évolution de l’Union européenne vers une Europe des peuples, de la justice sociale et de la démocratie. Le vrai enjeu, aujourd’hui, c’est de renforcer les relations entre la Collectivité de Corse et l’Union européenne. Cela passe par des passerelles directes. Cela passera, demain, par une circonscription corse pour les élections européennes afin que le peuple corse élise lui-même directement ses représentants au Parlement européen sans avoir à passer par des accords avec des partis français. C’est, pour nous, une revendication forte.
 
- Vous avez toujours joué l’Europe contre la France. Ne pas participer à ses élections, n’est-ce pas se mettre hors jeu ?
- Nous avons dénoncé la nouvelle donne électorale qui conduit précisément à nous mettre hors jeu. Nous étions déjà hors-jeu, nous avions déjà des difficultés à exister dans le jeu politique européen sous l’ancien système. Je rappelle que la Corse faisait partie d’une circonscription Sud-Est qui allait de Bonifacio jusqu’à Lyon. Aujourd’hui, avec cette circonscription France, les enjeux, qui seront posés, ne laisseront que peu de place à des démarches qui pourraient être organisées par les peuples et les nations sans Etat. Mais nous ne comptons pas rester hors-jeu. Il y a d’autres instances que le Parlement européen où travailler, notamment le Comité européen des régions et la CRPM (Conférence des régions périphériques et maritimes) avec la Commission des îles… Il y a, aussi, de notre point de vue, la nécessité de renforcer notre présence politique à Bruxelles. D’autres peuples et nations sans Etat y ont de véritables ambassades, une véritable para-diplomatie. Je crois que, ce faisant, nous pouvons continuer à être dans le jeu politique.
 
-  Pourquoi ne militez-vous pas pour des listes à l’échelle européenne qui vous permettrait de passer outre l’Etat français ?
- Pour nous, l’Europe n’est déjà plus tout à fait et n’a pas vocation à être une union d’Etats-nations constitués, simplement centrée sur les Etats-membres. Deux tendances sont à mettre en complémentarité : d’abord, davantage de pouvoir et de prise de décision pour les territoires qu’il s’agisse, évidemment, des nations, des peuples sans Etat, mais également des régions qui ont leur mot à dire dans le débat européen. Ensuite, nous pouvons nous organiser à l’échelle européenne avec d’autres peuples en lutte pour porter le message d’une autre Europe. Il est important de proposer une alternative politique aux populismes qui apparaissent aujourd’hui, malheureusement, comme la seule alternative aux partis en place qui portent l’Europe à la ruine.
 
- Votre refus et celui du PNC reflètent un malaise dans la majorité territoriale. On parle beaucoup de tensions avec Femu a Corsica. Qu’en est-il ?
- Non ! Je ne crois pas qu’il y ait de tensions entre nous. Concernant la candidature de François Alfonsi, il y a manifestement un dysfonctionnement, mais notre position politique n’est pas dictée prioritairement par cet état de fait, mais, comme je viens de l’expliquer, par une prise en compte globale de la situation à l’échelle européenne. En ce qui concerne Corsica Libera, nous ne sommes pas dans une logique de tensions. Nous développons un discours politique que nous pensons lucide sur la situation actuelle. Nous croyons que la majorité territoriale dans sa diversité doit réagir et répondre plus vite et plus efficacement non seulement aux attentes des Corses, mais aussi aux engagements que nous avons pris devant les électeurs à deux reprises au moins, en 2015 et 2017.
 
- Qu’est-ce qui, selon vous, vous empêche d’y répondre ?
- Un certain nombre de raisons. Il ne faut pas se voiler la face quand aux difficultés qui se sont posées en 2018, issues de la fusion des trois collectivités et des blocages de l’Etat. Aujourd’hui, cette séquence politique, qui a conduit à des retards et à des blocages, doit être refermée. Il faut ouvrir une séquence nouvelle. Certes, il y a des contraintes budgétaires réelles et des contraintes politiques, nous ne disposons pas de tous les leviers, mais il faut nous focaliser sur un certain nombre d’objectifs avec une obligation de résultats pour, au moins, dans le cadre de cette mandature, voir apparaitre plus de marqueurs du nationalisme. C’est un appel à l’ensemble de la majorité territoriale pour réagir et aller plus loin. Nous sommes conscients des avancées : une situation assainie, des opérations positives sur le foncier avec l’opération de Cavallo et le fonds sur le foncier agricole. Les Corses nous demandent d’aller plus vite... Nous sommes en accord avec cette demande.
 
- Le président de la République devrait venir en Corse en mars. Que vous inspire sa venue ?
- Pour l’heure, pas grand chose dans la mesure où cette venue ne s’accompagne pas d’un discours politique qui marque une rupture, une inflexion, par rapport à l’attitude de blocage qui a été la sienne depuis notre réélection en décembre 2017. Tout changement d’appréciation politique de notre part doit être guidé par un message politique fort de la part de l’Etat français. Pour l’instant, nous sommes toujours en attente.
 
- Si le président Macron vient en Corse, le rencontrerez-vous ?
- Corsica Libera reste sur la position que nous avons développée lors des visites des différents représentants du gouvernement, c’est-à-dire : pas de rencontre en l’absence de feuille de route politique et de volonté affichée d’avancer pour répondre aux attentes des Corses. Pour l’heure, il n’y a pas de modification ou d’inflexion de notre position.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.