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Nanette Maupertuis : « Durant dix ans, nous avons mis les attentes légitimes des Corses au cœur de nos choix »


Nicole Mari le Jeudi 18 Décembre 2025 à 15:23

Lors de son discours d’ouverture de la dernière session de l’année, la présidente de l’Assemblée de Corse, Nanette Maupertuis, est revenue sur les faits marquants de 2025, notamment la commémoration du 300ème anniversaire de la naissance de Pascal Paoli, mais aussi sur la venue du pape en Corse il y a un an, et les dix ans de mandature nationaliste à la Collectivité de Corse. Elle rappelle les changements majeurs qui sont intervenus depuis l’accession aux responsabilités après 50 ans de combat et les actions accomplies. Pour elle, ces dix ans ont permis une émancipation collective qui n’est pas encore achevée.



Nanette Maupertuis, présidente de l'Assemblée de Corse. Photo Paule Santoni.
Nanette Maupertuis, présidente de l'Assemblée de Corse. Photo Paule Santoni.
C’est par la fin des commémorations du tricentenaire de la naissance du Père de la patrie corse, Pasquale Paoli, que la présidente de l’Assemblée de Corse, Nanette Maupertuis, a entamé son allocution d’ouverture de la dernière session de l’année. « A settimana scorsa s’hè compia l’annata di cummemurazione di a nascita di Pasquale Paoli, 300 anni fà. Un’annata ricca di feste, cunferenze, di realisazione artistiche in Corsica è aldilà. Da cità è paesi, giovanni è più anziani, anu onoratu u Babbu di a Patria ramintendu a so lascita tamanta. À ringrazià li tutti per sta mossa populare ! ». Une « fête du peuple corse » qui, se souvient-elle, s’est ouverte le 6 avril à Merusaglia, le village natal de Paoli, et s’est clôturée la semaine dernière à Bruxelles au Comité européen des régions avec une exposition sur l’héritage et la modernité du Général de la nation corse « omu di statu, omi di i Lumi. Paoli, celui dont Voltaire soulignait la dimension européenne, celui auquel Rousseau prédisait un rayonnement politique exceptionnel tout autant qu’un destin fabuleux pour son peuple ». Elle raconte que des membres du Comité des régions, des députés européens dont le Vice-président du Parlement, des hauts fonctionnaires « ont découvert et pu apprécier le caractère actuel des valeurs défendues par Paoli, valeurs qui résonnent aujourd’hui encore avec une intensité particulière en Europe : l’éducation, la liberté, la démocratie. Ce fut donc un moment de partage d’un pan essentiel de notre histoire, peu connu au sein des institutions européennes, mais dont la portée symbolique tout autant que littérale, marqua les visiteurs de cette exposition ».
 
Une visite papale historique
Nanette Maupertuis a tenu également à revenir sur la commémoration de la visite historique du Papa Francescu en Corse, « qui nous a fait la joie et l’honneur, l’an passé, de venir en Corse et qui attiré le regard du monde entier sur notre île. Le pape y célébra notre piété populaire « exemplaire en Europe » a dit le Saint Père. Bien qu’il nous ait quittés, les mots, qu’il avait prononcés à Aiacciu le 15 décembre 2024, résonnent plus que jamais : « Soyez courageux, soyez dans l’attente joyeuse ! ». Et pourtant dans les jours et mois qui suivirent, souvenez-vous, la violence et les meurtres rythmèrent notre quotidien ». Et de déplorer : « Combien fut douloureuse cette année 2025 ! ». Avant d’avoir une pensée pour les familles : « Je ne veux pas oublier, alors que Noël approche, les drames qui touchèrent de nombreuses familles corses au cours des derniers mois avec plusieurs jeunes assassinés. Et conformément aux paroles de Papa Francescu, malgré le chagrin des familles que nous partageons et une sourde inquiétude, je veux rester confiante dans notre capacité collective à faire le pari de la vie et la joie ».
 
Dix ans de changement
En ce dixième anniversaire de l’accession des nationalistes aux responsabilités territoriales, la présidente Maupertuis a ensuite esquissé un bref bilan de ces dix ans de mandature, tout en précisant que ce bilan « était trop riche pour être contenu en quelques phrases ». Elle revient d’abord sur la victoire historique : « Il y a dix ans, le peuple corse faisait un choix clair : celui de porter les nationalistes aux responsabilités dans un esprit de changement, de défi et d’espoir. M’arricordu di sta serata di u 13 di dicembre 2015 cum’è una stonda d’emuzione tamanta, appinuccia sorpresa dinù, quandu i primi risultati ci anu fattu capisce chì a vittoria era nostra ». Pour elle, « qu’on le veuille ou pas », ce 13 décembre 2015 constitue « un véritable bouleversement, une rupture dans l’histoire politique de la Corse ». Et a entrainé une décennie de changements majeurs : « Un changement majeur qui s’est exprimé d’abord dans les urnes pour plébisciter un programme politique nationaliste et ce, à trois reprises en 2015, en 2017, en 2021. Un changement majeur qui se traduit aussi par une transformation profonde de la conduite de la chose publique et de la manière de faire de la politique. Un changement majeur qui fait qu’aujourd’hui autonomistes ou pas, nationalistes ou pas, Corses et non-Corses, tous adhèrent à l’idée qu’il existe un peuple corse qui, comme tous les autres, a droit à la vie et au bonheur, qu’une langue et une culture corses sont à préserver et à faire vivre, que cette île a besoin de plus d’autonomie pour réaliser cela, et tant d’autres choses encore ».
 
Dix ans d’actions
La présidente nationaliste estime que beaucoup de choses ont été accomplies : « En dix ans, nous avons modernisé nos institutions. La création de la Collectivité unique en 2018 a constitué une étape structurante, nous permettant d’obtenir des compétences élargies depuis le premier statut de 1982 et une institution plus cohérente, plus forte, dont la réorganisation se poursuit encore aujourd’hui. Durant cette décennie, nous avons sans relâche défendu les intérêts matériels du peuple corse. Nous nous sommes battus afin de sécuriser la dotation de continuité territoriale, maintenir les délégations de service public dans les transports aériens et maritimes et avons fait le choix d’une gestion publique de nos ports et aéroports, infrastructures stratégiques pour une île. Transformé aussi les chemins de fer. Défendu les Eaux d’Orezza. Créé la réserve naturelle du Rotondu. Veillé à la cohésion territoriale en soutenant tout autant le réseau urbain que le rural avec la création d’un Comité de massif insulaire. » Elle affirme que l’Exécutif a agi « pour faciliter la vie des Corses ». Et de lister : le désenclavement numérique avec la fibre sur tout le territoire, le très haut débit, le câble entre la Corse et l’Italie, l’accès au logement pour les primo-accédants, la lutte contre la précarité énergétique, le soutien aux associations de lutte contre la précarité, le plan d’autonomie pour les personnes âgées, le plan de relance de l’économie touristique après la crise du COVID, les aides aux étudiants en difficulté, tous les dispositifs pour la jeunesse, l’accès à la culture pour le plus grand nombre... « Sans compter l’action continue des agences et offices dans chaque domaine de nos compétences sectorielles ».
 
Une émancipation collective
Nanette Maupertuis affirme que toutes ces avancées dont « la liste est longue » ont été obtenues « sans renoncer à nos fondamentaux : la langue avec le renforcement de l’enseignement bilingue, la lutte contre la spéculation foncière et immobilière, la protection de l’environnement, la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, l’ouverture sur l’Europe et la Méditerranée, et, bien sûr, le combat démocratique toujours et partout ». Elle explique qu’alors « que la démocratie est partout en danger et que le rejet identitaire, ici comme ailleurs, prend force », la gouvernance nationaliste « a fait le choix de mettre en pratique les principes démocratiques par la consultation permanente de toutes les parties prenantes sur tous les dossiers sur les transports, les déchets, les luttes contre les dérives mafieuses, le poids des monopoles sur la cherté de la vie avec les deux conférences sociales. Nous avons toujours recherché l’équité dans les mesures de politique publique proposées et mises en œuvre ». Dix années de mandatures, ajoute-t-elle, « plus qu’une liste de réalisations matérielles », sont « avant tout le récit d’une émancipation collective. Une émancipation collective qui n’est pas achevée. Tout autant exaltante qu’ardue car tout changement structurel demande du temps. Au cours de ces trois premiers mandats, nous avons déjà ancré dans les faits l’idée que les Corses pouvaient, par eux-mêmes, gérer leurs affaires publiques sans rien n’enlever à personne, en respectant leur environnement et en défendant leur identité sans rejeter les autres ».
 
La volonté de bien faire
Si la présidente de l’Assemblée de Corse reconnait volontiers que « rien n’est parfait », elle rappelle qu’aucune expérience de gouvernement ne se fait sans difficultés. « La nôtre n’échappe pas à la règle, et il faut le dire avec humilité : oui, nous avons connu des écueils ! Oui, il y a eu des erreurs, des retards, des promesses qui ont pris du temps à être tenues, des retards liés au nécessaire passage de la culture militante à l’exercice des responsabilités. À la sous-estimation des contentieux administratifs hérités du passé que nous avons eu à gérer. Aux effets de la crise sanitaire qui prirent ici une ampleur économique plus forte que sur le continent. Aux non-réponses de l’Etat à nos demandes légitimes, comme à la lenteur des procédures juridiques ou encore plus récemment à l’instabilité gouvernementale depuis la dissolution de l’Assemblée nationale. Comme toutes les autres régions, nous subissons de plein fouet les effets délétères de la crise politique et budgétaire qui secoue la France. Comment aurions-nous pu y échapper ! ». Elle évoque aussi les drames qui se sont succédés, notamment l’assassinat d’Yvan Colonna « qui fit descendre dans la rue la jeunesse corse durant plusieurs jours d’intense colère et qui conduisit à l’ouverture du processus de Beauvau pour lequel nous avons tous ici travaillé pendant des jours et des nuits et pour lequel nous attendons maintenant que le Gouvernement, puis le Parlement, prennent leurs responsabilités ». Et si, poursuit-elle « les choses ne sont pas allées aussi vite que nous l’aurions voulu », elle assure que « chaque décision, que nous avons prise, l’a été en mettant les intérêts matériels et moraux de la Corse et les attentes légitimes des Corses au cœur de nos choix et de notre action, sincèrement et avec, depuis le premier jour, la volonté de bien faire et d’être juste ».
 
Le message de la jeunesse
Plutôt que de regarder en arrière, la présidente Maupertuis propose de regarder l’avenir comme l’a fait, précise-t-elle, l’Assemblea di a Ghjuventù dans sa dernière session. Elle énumère les questions que devront se poser, selon elle, les prétendants aux différentes responsabilités institutionnelles, qu’il s’agisse des communes, des intercommunalités ou de la Collectivité, notamment les Nationalistes. « Alors que partout dans le monde et en Europe, les défis s’accumulent, alors que la Corse, sous l’effet conjugué d’une croissance démographique tirée par le solde migratoire et d’un vieillissement accéléré de la population, voit sa sociologie et son identité se transformer, quel est notre cap pour la prochaine décennie et au-delà ? Que proposera-t-on les uns et les autres à cette jeunesse qui connaît déjà l’élévation des températures, la pression mafieuse, les dégâts des addictions, les dérives des réseaux sociaux, l’importation d’idées nauséabondes, et, pire que tout, le sentiment de dépossession ?  Que leur proposera-t-on pour être résiliente sur le plan climatique, innovante sur le plan économique, inventive sur le plan sociétal et toujours résistante sur le plan politique ? ». Pour construire ce futur soutenable, elle invite l’hémicycle à se remémorer « non seulement les valeurs de Paoli « éducation, liberté, démocratie », non seulement le message œcuménique du Saint Père nous conviant à la paix et à la joie dans l’action, mais aussi le message de notre jeunesse ». Et de citer ce dernier : « Pour nous, jeunes membres de cette Assemblea di a Ghjuventù, cette décennie aura été celle du passage de l’enfance vers l’adolescence pour ensuite rentrer maintenant progressivement dans l’âge adulte… Gageons qu’il en soit de même pour la Corse et qu’elle entre, elle aussi, dans l’âge de maturité lors de la prochaine décennie : celle de la transformation, de l’accomplissement, celle de l’émancipation… ». Avant de conclure par des vœux de joie et de paix aux Corses : « Que cette année nous donne la force de porter toujours plus loin et plus haut le projet d’émancipation économique, social et politique de notre peuple ! ».