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Mattea Lacave : « Insuffler un souffle nouveau à la culture à Bastia »


Nicole Mari le Vendredi 9 Mai 2014 à 22:14

La victoire de l’union nationaliste-droite-divers gauche à la mairie de Bastia aux dernières élections inaugure une nouvelle politique de la Ville qui devrait se mettre en place dans les prochains mois. Revendication majeure des Nationalistes, la culture et la langue sont au cœur de ce nouveau projet. C’est, d’ailleurs, Mattea Lacave, élue nationaliste d’Inseme per Bastia, également conseillère territoriale de Femu a Corsica, qui a, désormais, en charge cette délégation. Elle livre, à Corse Net Infos, les premiers éléments de la feuille de route culturelle de la mandature, notamment axée sur la démocratie participative, le bilinguisme et la défense de la création insulaire. Avec, en ligne de mire, la promesse de faire de Bastia, dès la saison estivale, une ville festive.



Mattea Lacave, Conseillère municipale, adjointe à la culture, également Conseillère territoriale du groupe Femu a Corsica.
Mattea Lacave, Conseillère municipale, adjointe à la culture, également Conseillère territoriale du groupe Femu a Corsica.
- Dans quel état d'esprit, abordez-vous cette délégation ?
- C’est avec beaucoup de fierté que j’aborde cette délégation. Aujourd’hui, une nouvelle ère politique s’est ouverte dans notre pays grâce à notre démarche, initiée il y a déjà quelques années, de fédérer autour d’un projet commun. Je suis extrêmement consciente des responsabilités qui me sont confiées et de la lourde tâche qui m’incombe. Je tiens à remercier particulièrement « u nostru merre » de la confiance qu’il me témoigne, ainsi que l’ensemble des élus de notre majorité. Cette confiance est renforcée par la nouvelle gouvernance que nous instaurons. Désormais, les adjoints sont accompagnés dans leur travail, à un premier niveau par les autres conseillers municipaux et, à un deuxième niveau, par les acteurs du terrain que nous allons consulter et inviter à collaborer.
 
- La culture est un axe essentiel pour les Nationalistes. La nomination d'un Nationaliste à ce poste, qui était convoité par vos alliés de gauche, a-t-elle une portée politique ?
- La culture et surtout la reconnaissance et la promotion de la culture corse sont, bien évidemment, un des fondamentaux des Nationalistes. Pendant des années, nous avons pratiquement été les seuls à défendre l’idée qu’il y a bien un peuple, une langue et une culture corses. Aujourd’hui, cette idée est largement partagée par l’ensemble des Corses. Ma nomination à ce poste d’adjoint, même si elle peut symboliquement avoir une portée politique, n’a fait l’objet d’aucune mise en concurrence interne. Nous nous sommes répartis, de façon équilibrée, les champs d’intervention. Les adjoints ne sont ni plus, ni moins, que les exécutants dynamiques d’une politique définie en amont. Comme je viens de le dire, ils fédèrent, autour d’eux, les autres conseillers municipaux qui sauront apporter par leur engagement la plus-value nécessaire à la réussite de notre projet. Il n’y aura pas de baronnie !
 
- Quelle est la place de la culture dans les nouvelles priorités municipales ?
- Notre projet municipal commun, issu d’un accord programmatique, place l’action culturelle comme indispensable au développement individuel et collectif de nos administrés. L’art et la culture sont des éléments importants de la vie démocratique qui permettent à chacun de penser par soi-même, de développer ses capacités de jugement, de s’ouvrir aux autres et de se sentir bien dans sa vie avec les autres. Ils participent au développement de l’individu et révèlent son sentiment d’appartenance à une collectivité et à un territoire. La culture est, également, un formidable levier de développement. Aussi doit-elle investir les autres politiques publiques (transport, urbanisme, jeunesse, éducation, solidarité…) afin de devenir une dimension essentielle de l’action publique de la Ville et de son projet politique !
 
- Quelle sera votre feuille de route ?
- Notre équipe, qui se met en place, est en train de concevoir un projet culturel qui sera dévoilé prochainement. Il est basé sur les grands axes définis dans notre programme électoral. Notre volonté est de créer de véritables conditions d’accès à la culture pour tous, avec un axe privilégié en direction de l’enfance et de la jeunesse. Nous allons optimiser les structures existantes et développer des projets structurants de qualité, ouverts sur l’Europe, la Méditerranée, et le monde. Nous voulons intensifier les programmes de collaboration inter-frontaliers (Italie, Toscane, Ligurie, Sardaigne, Midi de la France, Catalogne, Espagne, Maghreb…). Une de nos priorités sera, aussi, d’encourager la préservation et la transmission des patrimoines immatériels.
 
- Que ferez-vous concernant l'enseignement et l'accès pour tous à la culture ?
- Ce sont deux priorités de cette mandature. En ce qui concerne l’enseignement et la jeunesse, nous travaillons avec les adjoints et les conseillers municipaux pour mettre en place, dès la prochaine rentrée de septembre, que ce soit dans le temps scolaire ou périscolaire, un accès privilégié aux activités culturelles. Ce qui passera sûrement, auprès des scolaires, par un service de médiation efficient dans chaque structure. La création des comités de quartier sera l’occasion d’optimiser cet accès à la culture pour tous. Les conditions financières seront également étudiées pour permettre à tous les publics d’avoir accès à une vie culturelle.
 
- Vous avez un projet pour la petite enfance. De quoi s’agit-il ?
- Quand nous disons dans notre programme « au Musée dès trois ans ! », ce ne sont pas des paroles dénuées de sens ! Nous savons que l’éducation « au regard » a toute son importance dans la construction de l’enfant et qu’elle lui permet de se forger un esprit critique pour pouvoir agir en être libre. La question, que nous devons nous poser, est : que pouvons-nous apporter, au niveau culturel, à un enfant ou un adolescent qui grandit à Bastia pour qu’il puisse s’épanouir et s’ouvrir au monde ? L’idée est de concevoir des parcours culturels partant du Cours moyen jusqu’à la classe de 5ème. Nous pouvons, par exemple, imaginer qu’un enfant bastiais sorte du primaire en ayant visité les principaux musées corses.
 
- Comptez-vous créer des grands évènements culturels ?
- Bien sûr ! Pour faire de Bastia une ville festive, nous ne pouvons pas nous contenter de l’existant. Nous comptons créer de grands événements annuels en partenariat avec les acteurs économiques et culturels du Grand Bastia, tel qu’un festival d’été de théâtre en plein air, des foires annuelles, etc. Des évènements qui soient à la hauteur de l’attente des Bastiais ! Nous voulons, également, mettre la culture au centre du projet participatif de la municipalité en en faisant l’élément central de l’organisation et de la création des comités de quartiers. La culture est le pilier du vivre-ensemble.
 
- Quel sort réservez-vous à la création insulaire ?
- Il est évident que les choses vont changer. La création insulaire aura une place particulière dans nos dispositifs et dans notre programmation. La municipalité de Bastia doit impulser une véritable création artistique corse, voire méditerranéenne. Nous souhaitons fortement que celle-ci puisse faire l’objet de rencontres et d’échanges avec des artistes de l’espace euro-méditerranéen. Au-delà de la diffusion des spectacles, il faut, aussi, promouvoir l’accès à la culture corse dans la pratique culturelle des Bastiais.
 
- Quelle sera votre politique au niveau des associations et des acteurs culturels ?
- Transparence, équité et concertation ont été les maîtres-mots de notre campagne. Nous tiendrons nos engagements de démocratie participative en créant les conditions structurelles de la concertation avec les acteurs culturels, en redéfinissant le guide des aides pour les subventions et en maintenant un niveau d’information égal pour tous. En même temps, nous mènerons une politique d’évaluation des actions, que ce soit au niveau quantitatif ou qualitatif. Nous souhaitons fédérer le monde associatif autour d’un projet qui, nous l’espérons, sera partagé par le plus grand nombre, et non le diviser par des attitudes hégémoniques.
 
- Que comptez-vous faire pour pallier le manque d'équipements structurels ?
- Sviluppà inseme est un des axes programmatiques de notre projet. Le maillage de la ville par la création d’infrastructures culturelles, comme le Théâtre de verdure à la Citadelle, y a toute son importance. Mais, au-delà de l’aspect structurel, nous élaborerons un contenu qui donne du sens à tous ces équipements et permette de travailler en réseau, que ce soit intra-muros ou en périphérie. Nous allons commander un audit financier afin de réaliser en toute objectivité nos projets et mener à bien nos politiques. Nous connaîtrons, ainsi, exactement le champ de nos possibilités pour faire face, dans un premier temps, aux opérations déjà engagées et déterminer, dans un second temps, ce qui sera possible de faire à moyen et long termes.
 
- Le bilinguisme fait l’objet, à la ville et à la CAB (Communauté d’agglomération), d’un accord politique. Que comptez-vous faire dans ce domaine ?
- Nous allons ériger Bastia en ville pionnière de la mise en œuvre progressive et concertée du bilinguisme, notamment par la création, dans les prochains mois, d’un service dédié. Notre volonté est d’insérer la langue corse à tous les niveaux de notre action politique, que ce soit en terme de formation, de création, de diffusion et d’affichage. Nous appliquerons une politique linguistique volontariste qui, nous l’espérons, pourra être contractualisée avec l’Assemblée de Corse (CTC) et « u serviziu LCC (Lingua è cultura corsa) ».
 
- Quelle sera la mission de ce service ?
- Ce service dédié pourra se voir confier plusieurs missions, notamment la mise en œuvre de tous les niveaux de la charte de la langue corse de la CTC, appliquée jusqu’ici à minima, et la promotion de la langue dans tous les secteurs où elle peut être pratiquée (signalétique, bâtiments publics, commerces, musées…). Egalement, la création d’une « Casa di a lingua » qui aura toutes les compétences conférées aux structures identiques déjà existantes : lieu de vie, pratique de la langue, cours d’apprentissage tous niveaux, conférences, concerts, débats, café-rencontre associatif…etc. Le service assurera, aussi, la collecte des traditions orales et des savoir-faire dans une optique de réappropriation active d’une identité vivante, ouverte sur son contexte latin et européen. Enfin, il aidera au spectacle et à la création artistique en s’appuyant sur le réseau des structures de quartier, autour des identités bastiaise, corse et méditerranéenne.
 
- A la CTC, vous défendez un axe culture-développement durable. De quoi s'agit-il concrètement ?
- Lors de l’élaboration du premier document du PADDUC (Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse), notre groupe Femu a Corsica a, dans un premier temps, fait inscrire et voter la destination de ce plan : à l’intention du peuple corse. Dans un second temps, nous avons œuvré pour que l’action culturelle y soit également inscrite comme élément fondamental du développement. Depuis le Sommet de Rio, la culture constitue le quatrième pilier incontournable du développement durable, c’est-à-dire l’élément fondateur des choix économiques, sociaux et environnementaux. L’affirmer, c’est reconnaître l’apport de la diversité et l’encourager dans la définition et la mise en œuvre du développement durable qui ne comporte pas un modèle unique. C’est, ainsi, protéger l’identité d’une région, d’une ethnie ou d’un pays et accepter que chacun porte en lui ses propres aspirations et ses valeurs.
 
- Allez-vous l'appliquez à Bastia ?
- Oui. Nous allons nous y atteler. Bastia a, vraiment, des atouts au niveau de son identité, de son patrimoine et de sa création musicale et théâtrale. Mais, que ce soit à l’échelle régionale ou locale, la difficulté réside en la conciliation de ce qui relève de notre mémoire et de ce qui fait partie de notre projet. Nous devons nous référer à notre passé, à notre patrimoine matériel et immatériel, à nos savoir-faire et à nos savoir-être, tout en étant conscients de la nécessité de préparer l’avenir et le legs aux générations futures. Au-delà de sa valeur intrinsèque comme dépositaire des symboles et de l’identité, la culture constitue une plus value. Cette conception, certes philosophique, guidera nos pas. Notre action culturelle irriguera nos choix économiques, sociaux et environnementaux.
 
- Dans l’immédiat, qu’allez-vous proposer pour la saison estivale ?
- Le maire est très attaché à offrir aux Bastiais une vraie saison estivale comme elle devrait l’être dans une ville littorale. C’est peu dire que Bastia est la seule ville littorale où il ne se passe pas grand chose, l’été ! Nous travaillons sur une programmation qui offrira un large panel d’activités et de spectacles culturels. Plusieurs délégations sont concernées, notamment celles de la culture, du patrimoine, des festivités et de l’animation. Nous allons insuffler un souffle nouveau afin que chaque Bastiais ait envie de culture, que ce soit par la participation aux évènements culturels ou par la pratique individuelle.
 
Propos recueillis par Nicole MARI