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Manifestation de Bastia : Le soutien et la détermination des élus


Nicole Mari le Dimanche 16 Octobre 2016 à 01:05

De nombreux élus ont défilé, samedi après-midi, à Bastia lors de la manifestation de soutien aux trois jeunes nationalistes corses, Niculaiu Battini, Stefanu Tomasini et Ghjiseppu-Maria Verdi, condamnés, le 6 octobre dernier, par la Cour d’assises spéciale de Paris. Des peines dont la lourdeur a suscité une vague d’émotion et de protestation dans l’île et le vote par de nombreuses collectivités d’une motion de soutien demandant l’amnistie et le rapprochement des prisonniers politiques. L’annonce, le matin même, du rapprochement immédiat des deux jeunes emprisonnés, a été accueillie avec soulagement. A côté de tous les leaders et nombre d’élus nationalistes, des représentants de la classe politique traditionnelle se sont déplacés. Quelques réactions glanées, par Corse Net Infos, au fil du cortège.



Manifestation de Bastia : Le soutien et la détermination des élus

 

Jean-Guy Talamoni, président de l’Assemblée de Corse : « Le jugement prononcé est complètement incompréhensible et injuste eu égard au dossier. Il est en décalage avec la situation de la Corse et a suscité une grande émotion. S’agissant en plus de jeunes gens dont la Corse a besoin pour construire le pays, ils seraient mieux sur cette terre à travailler dans l’intérêt de tous. Nous avions fait savoir notre consternation. Hier, avec le président du Conseil exécutif, nous avons co-signé une lettre à Manuel Valls pour lui demander d’intervenir afin que le rapprochement de ces deux jeunes condamnés soit décidé le plus rapidement possible. Aujourd’hui, nous avons eu une réponse à travers une communication du ministère de la justice indiquant que, dans les jours à-venir, ce rapprochement serait opéré. C’est une bonne nouvelle, mais nous sommes encore très loin de l’atteinte de nos objectifs. Pour nous, ce qui est fondamental, c’est évidemment l’amnistie pour les condamnés et les recherchés. Il ne peut pas y avoir de solution politique qui ne prenne pas en compte ceux qui ont payé le prix le plus fort pour la Corse et son avenir. Il faudra, donc, encore de nombreuses mobilisations comme celles-ci. Il faudra que les institutions soient énergiques, bien sûr celles qui sont, aujourd’hui, maîtrisées politiquement par les Nationalistes, mais également les autres. Les élus, qui ont demandé l’amnistie, doivent être à nos côtés pour manifester et demander, enfin, cette décision essentielle pour apaiser les relations entre la Corse et Paris ».

Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de la Collectivité territoriale de Corse: « Le verdict de la Cour d’assises spécialement composée a suscité, en Corse, une émotion considérable et légitime qui est allée bien au-delà des cercles nationalistes. Tout simplement parce que cette condamnation est excessive et disproportionnée. D’abord, par rapport à la matérialité des faits. Ensuite, par rapport à l’âge et à la personnalité des trois jeunes qui avaient moins de 20 ans en 2012 au moment des faits. Enfin, par rapport au contexte d’ensemble en Corse où la volonté générale est celle d’un retour définitif et irréversible à l’apaisement. Toutes ces raisons ont entrainé une mobilisation très large, notamment de la part de la jeunesse corse. Une mobilisation qu’il faut renforcer et à laquelle nous participons en tant qu’élus de façon très naturelle parce que c’est notre devoir et notre responsabilité d’être aux côtés de notre jeunesse. Nous avons multiplié les démarches auprès du gouvernement au plus haut niveau depuis que la décision de condamnation est intervenue. Nous avons, notamment, Jean-Guy Talamoni et moi-même, écrit, hier, au Premier ministre pour insister sur la nécessité de procéder à un rapprochement sans délai de Nicolas Battini et de Stefanu Tomasini. Ce matin, la réponse officielle est tombée à travers un communiqué du ministère de la Justice qui a confirmé que, dès lundi, des instructions seraient données pour que ce rapprochement devienne effectif. C’est, donc, un pas important, un geste conforme au droit et à l’esprit de tous les textes en vigueur, y compris le droit européen. Nous attendrons que ce rapprochement devienne effectif, nous avons malheureusement été instruits par l’expérience en cette matière. La question des prisonniers politiques, de leur rapprochement et de leur amnistie, doit faire l’objet d’une mobilisation qui est appelée à s’élargir et à s’amplifier. Nous souhaitons, bien sûr, qu’elle se fasse de façon pacifique. C’est un aspect essentiel au plan humanitaire et politique. Nous souhaitons que le gouvernement et l’Etat le prennent en compte au plus vite ».

Jean-Christophe Angelini, conseiller exécutif et président de l’ADEC (Agence de développement économique de la Corse) : « Ce verdict est inqualifiable ! De part la charge symbolique excessive et, surtout, de part le nombre d’années de prison distribuées pour des choses qui, manifestement, ailleurs, appellent d’autres types de réponses beaucoup moins lourdes et beaucoup plus acceptables. Là, nous sommes véritablement dans le domaine de l’inacceptable pour ces trois jeunes. L’idée, aujourd’hui, d’abord en tant que militant et bien sûr en tant que conseiller exécutif, c’est d’être présent pour dire que nous ne pouvons plus accepter cela dans l’attente d’une amnistie qui interviendra comme elle intervient dans tous les pays du monde concernés par le même genre de conflit que le nôtre. On peut avoir, dans l’intervalle, un certain nombre d’injustice. Je pense à ces trois jeunes, à Pierre Paoli qui a été rapproché, mais qui a été incarcéré pendant de longues années, et à tous ceux qui sont dans l’attente d’un jugement ou sont recherchés. Ce n’est pas acceptable ! Il faut marteler démocratiquement la demande d’amnistie et plaider pour que ceux, qui sont dans une situation délicate, fassent l’objet d’un traitement politique pour deux raisons fondamentales : la première est l’apaisement généralisé et un arrêt effectif de la clandestinité. Plus rien ne peut freiner cette volonté d’apaisement que nous manifestons aujourd’hui. La seconde est qu’en tant que majorité nouvelle, nous représentons le fait démocratique. L’immense majorité du peuple corse s’est rangé derrière l’idée de l’amnistie ».
 
Saveriu Luciani, conseiller exécutif et président de l’Office d’équipement hydraulique de Corse : « Cette manifestation est un véritable succès populaire. Peut-être que Paris va-t-il réagir, il a déjà commencé. Nous faisons, aujourd’hui, une nouvelle démonstration de force. Les jeunes sont dans la rue aux côtés des plus vieux. Nous allons continuer et montrer à Paris que la nation corse est bien vivante et qu’elle résistera encore ».

Paul-Félix Benedetti, leader d’U Rinnovu : « La volonté manifeste du gouvernement de la France est d’envenimer la situation par une politique jusqu’au-boutiste avec des réquisitoires et des condamnations iniques et disproportionnés par rapport à la réalité des faits et au contexte politique. Il faudrait qu’il y ait une libération sans condition de l’ensemble des patriotes corses pour qu’on puisse solder une page d’histoire et débuter une ère politique nouvelle avec une émancipation et la constitution d’un pouvoir fort en Corse. Il faudrait que la France accepte le principe du droit des peuples historiques de l’Europe à s’auto-administrer. Il n’en est rien ! On reste sur une logique de Jacobins, de personnes sclérosées, refermées sur une idéologie moyenâgeuse avec une entité française qu’elles sont les seules à prendre en compte puisque que plus personne dans le monde ne les considère. Dans ces conditions, il appartient aux Corses d’affirmer leur volonté de modernisme pour dire qu’on n’acceptera pas ces diktats impériaux de petits juges politiques qui imposent une logique répressive et qui voudraient presque qu’il y ait une surenchère pour pouvoir justifier un état d’exception en Corse. Il faut un sursaut populaire pour qu’on affirme notre droit légitime à l’existence, qu’on ne cède pas à des petits chantages, qu’on ne soit pas dans le marchandage d’un pseudo-rapprochement prévu par la loi. Quand on prend en compte le contexte politique international, notre légitimité et les efforts accomplis, je ne vois pas d’autre solution que de regarder ce qui a déjà été fait par le passé avec des mesures d’élargissement, de libération qui permettent à chaque prisonnier de revenir, comme ça été le cas en 1981 et en 1988 ».

Ange-Pierre Vivoni, maire de Sisco : « Le Conseil municipal de Sisco a délibéré à l’unanimité moins une voix pour demander le rapprochement et, surtout, la libération de tous les prisonniers politiques. Je me dois, bien évidemment, d’être là. D’abord, avec mes amis politiques. Ensuite, je n’accepte pas le jugement qui a été rendu à Paris. C’est un jugement très lourd. Vu ce qui se passe aujourd’hui en France avec les vrais terroristes, je pense que huit ans de prison, c’est vraiment beaucoup ! ».

Pierre Savelli, maire de Bastia : « Un verdict inique ! Une juridiction qui ne l’est pas moins ! Alors qu’il y a très peu de personnes en Corse, aujourd’hui, dont on ne peut pas dire qu’elles s’inscrivent dans une voie de pacification, d’amélioration du pays d’un point de vue économique et institutionnel. Il n’y a plus grand monde qui est contre ça. On se rend compte qu’au plus haut niveau de l’Etat, certaines personnes essaient d’aller sur la voie de la crispation. C’est dommage ! Des peines comme celles-là, pour les délits qui ont été jugés, c’est incroyable ! ».
 
Guy Armanet, maire de Santa Maria di Lota : « Nous apportons, bien évidemment, notre soutien aux jeunes qui sont emprisonnés depuis fort longtemps. Dans un processus de paix, je crois qu’on pourrait faire un geste et essayer de les considérer autrement ».

Pierre Taddei, maire de Bustanico : « Je suis là pour soutenir avant tout Nicolas Battini, qui est un ami et un cousin, et tous ces jeunes qui, à mon avis, sont victimes d’une grosse injustice. Les peines prononcées sont complètement disproportionnées et injustes par rapport aux actes commis. Voilà pourquoi je suis là, pour rétablir un peu de justice en espérant, dans un premier temps, le rapprochement de ces jeunes. Des gestes forts ont été faits avec la libération de Pierre Paoli et d’autres prisonniers, c’est très bien ! Malheureusement là, la justice française a failli ! Une fois de plus ! On aurait pu libérer ces trois jeunes qu’on est en train de ruiner. Quand on fait une bêtise à 18 ans, ça ne mérite pas ça. Des choses plus graves ont été faites avec des peines bien inférieures ».

Louis Pozzo-di-Borgo, conseiller municipal adjoint de Furiani et vice-président de la CAB (Communauté d’agglomération de Bastia) : « Concrètement, aujourd’hui, politique ou pas, je pense que chaque Corse devrait être ici puisque les peines, qui ont été prononcées, à l’encontre de ces trois jeunes gens, sont extrêmement sévères. Surtout dans le contexte actuel qui tendait plus vers l’apaisement. Toutes les mesures, qui ont été prises depuis de nombreuses années par la famille nationaliste notamment, - le FLNC a déposé les armes -, allaient dans ce sens-là. Nul ne pouvait s’attendre à une telle sévérité ».
 
Michel Castellani, conseiller municipal adjoint de Bastia : « Nous sommes ici parce que nous entendons, à la fois, nous élever contre un verdict qui, manifestement, est disproportionné eu égard à l’âge des jeunes, aux faits incriminés et à la problématique de la Corse contemporaine qui va vers l’apaisement. Plus généralement, nous sommes là parce qu’il se pose un problème politique lié au rapprochement des prisonniers. Nous sommes là pour indiquer au gouvernement qu’il faut qu’il soit un partenaire loyal, qu’il comprenne les problématiques de la Corse et qu’il ne se contente pas d’une réaction de refus de la justice ».
 
Eric Simoni, leader d’Un Alba Nova per Bastia et membre de l’Exécutif de Corsica Libera : « Globalement, il faut arrêter la politique au coup par coup et les politiques ambigües. Il faut rentrer dans une politique d’apaisement réel. La paix, ce n’est pas la pacification, ce n’est pas la carotte et le bâton ! Ce sont des engagements auxquels on se tient. C’est une parole respectée ! Et cette parole, il faudra que l’Etat français la donne une fois pour toutes parce que, pour l’apaisement, il faut être deux ! Rien ne s’oppose plus à ce que la Corse puisse, demain, maîtriser son avenir. Elle a des institutions à la tête desquelles sont élus des Nationalistes. Il va bien falloir que Paris en tienne compte à un moment donné ou à un autre ».

Jean-Marie Poli, président de l'associu Sulidarità : « Comme l’ensemble de la société civile et des responsables politiques de la Corse, nous avons trouvé ces condamnations lourdes. Paris avait l’occasion au cours de ce procès de montrer sa volonté de tourner la page de la répression, ce n’est pas le choix qui a été fait. C’est pour cela que, le 24 septembre, comme aujourd’hui, il y a énormément de gens dans la rue. C’est le signal que les Corses envoient au gouvernement de ne plus laisser la porte fermée, mais de l’ouvrir pour s’inscrire dans une démarche constructive de paix. Les Corses l’ont démontré sur le plan politique, ils le démontrent aussi dans la rue. Le gouvernement français doit entendre le message des Corses dans le calme, la sérénité et la dignité. Après de longues années de luttes, de combats et de mobilisations à tous les niveaux, y compris sur des actions un peu difficiles comme le blocage des ports et des aéroports qui ont entrainé une certaine gène au niveau de nos citoyens, il faut que l’Etat rentre dans un processus de règlement de la question des prisonniers politiques qui ne peut passer que par l’amnistie. C’est une façon de solder les comptes de plus de 40 ans de conflits. Aujourd’hui, il n’y a plus de conflit, les conditions de l’apaisement sont réunies, les Corses ont fait le premier pas, il faut que l’Etat français fasse le pas pour qu’on se rejoigne et construise ensemble la paix ».
 
André Pacou, représentant de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) Corsica : « La LDH est là parce que cela fait plusieurs d’années que nous travaillons avec Sulidarita pour le rapprochement des prisonniers, mais aussi pour poser la question de l’amnistie. Cette question peut contribuer au développement de la paix, c’est donc un débat nécessaire et important. Nous considérons que ce sont essentiellement les mobilisations qui, aujourd’hui, ont permis des rapprochements ou des retours en Corse de militants politiques. Ces mobilisations durent depuis des années, elles ont nécessité des rencontres avec le Garde des Sceaux, des manifestations dans la rue, des délibérations à l’Assemblée de Corse… beaucoup d’énergie. L’associu Sulidarita a fait un travail essentiel dans ce combat. Aujourd’hui, nous en voyons les fruits, mais avec un peu de fruits amers parce qu’on n’oublie pas que la condamnation des trois jeunes militants, la semaine dernière, est incompréhensible au vu de cette volonté de paix qui est, maintenant, largement partagée. Cela pose problème par rapport à la volonté de l’Etat d’ouvrir les conditions d’un dialogue serein de paix pérenne. C’est surtout ça l’objectif ! ».
 
Alain Mosconi, leader du STC marins : « Immobilisme d’un gouvernement ! Valls vient d’accepter ce qui, en fin de compte, n’est que la loi ! Le verdict, lui même, est totalement inique ! On s’aperçoit qu’il y a une justice à deux vitesses à l’endroit de la jeunesse corse et, parfois, une justice beaucoup plus clémente en d’autres lieux. Il est temps que le gouvernement prenne la mesure politique de ce qui se passe réellement en Corse, c’est-à-dire qu’il y a une volonté d’avancer dans la paix. Mais, ce n’est pas en ayant un tel comportement qu’on travaille à la paix ! Le gouvernement porte une responsabilité historique dans ce que va devenir la Corse et dans ce que peuvent devenir y compris les rues de nos cités. Demain, il peut y avoir des échauffourées. C’est la situation que veut le gouvernement. J’ai la faiblesse de penser que Oui, il cherche à faire déraper la situation en Corse ! ».
 
Michel Leccia, président du Collectif Parlemu Corsu : « Pour nous, c’est une évidence d’être là. Il y a déjà une injustice, on veut la condamner et s’élever contre elle. On sait très bien que si ces jeunes font un sacrifice, c’est pour un combat général, c’est aussi pour celui de la langue corse que nous défendons particulièrement. Si ritrove in prighjo perchè anu a core di difende a nostra lingua d’una certa manera. E dunque si po micca caccighjà di u nostru cumbattu. C’est, pour nous, intimement lié. Nous ne pouvons qu’être là, solidaires, et espérer qu’il y aura des moments plus favorables, mais on voit bien que ce n’est pas du tout la volonté de l’Etat ».
 
Propos recueillis par Nicole MARI.