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Les syndicats alertent le ministre des transports sur le « risque d’une rupture irréversible du modèle maritime français en Méditerranée »


le Mercredi 24 Décembre 2025 à 13:00

Dans un courrier adressé la semaine dernière au ministre des Transports, Philippe Tabarot, le Syndicat Autonome des Marins de la Marine Marchande (SAMMM) de Corsica Linea, le Syndicat des Travailleurs Corses (STC) de La Méridionale et la CFDT Maritima sollicitent une rencontre « à brève échéance » afin d’alerter sur une concurrence qu’ils estiment déloyale et sur les risques qu’elle fait peser sur l’emploi maritime français et l’avenir de la délégation de service public entre la Corse et le continent.



(Photo : Archives Michel Luccioni)
(Photo : Archives Michel Luccioni)
Ils souhaitent attirer l’attention sur « une situation devenue particulièrement critique pour le transport maritime français en Méditerranée, menaçant l’emploi maritime national et, de manière directe, la continuité territoriale de la Corse ». Par une lettre adressée au ministre des Transports, Philippe Tabarot, la semaine dernière, le Syndicat Autonome des Marins de la Marine Marchande (SAMMM) de Corsica Linea, le Syndicat des Travailleurs Corses (STC) de La Méridionale et la CFDT Maritima sollicitent d’être reçus « à brève échéance », afin « d’éviter une tension sociale majeure, tant en Corse que sur le continent, avec le risque d’une rupture irréversible du modèle maritime français en Méditerranée ». 
 
« Depuis plusieurs années, les compagnies battant pavillon français 1er registre font face à une concurrence de plus en plus agressive d’opérateurs utilisant des registres internationaux aux exigences sociales et fiscales très inférieures aux normes françaises. Cette pression, particulièrement intense au départ des ports de Sète et de Toulon, met désormais les derniers armateurs français au bord de la rupture. La disparition de ces acteurs entraînerait une rupture structurelle du modèle maritime français », expliquent les syndicats dans un communiqué. Et d’ajouter : « La Corse serait directement exposée : sans opérateurs nationaux solides, elle se retrouverait dans l’incapacité d’assurer une délégation de service public fondée sur des opérateurs français, seuls capables de garantir durablement la continuité, la régularité et la fiabilité des liaisons maritimes ».
 
Alors que Corsica Ferries a ouvert en novembre dernier une nouvelle ligne triangulaire entre Toulon, Ajaccio et Propriano, s’implantant sur un axe relevant de la délégation de service public (DSP) entre la Corse et le continent, les organisations syndicales entendent alerter sur ce qu’elles qualifient de « mise à mort programmée du marin français » et sur les conséquences à moyen terme pour l’avenir même de la prochaine DSP. « Si on laisse entrer ces armateurs low cost sur ce terrain, les choses sont perdues d’avance », prévient Dumè Giovanetti, représentant du SAMMM, « Cela se fait à petits pas, mais fait son chemin jusqu’à la disparition de la DSP et du marin français 1er registre ». Plus loin, les syndicats pointent la prédation des lignes entre Sète et le Maghreb par des compagnies low cost. Une situation pouvant être le point de départ d’un déséquilibre important selon eux. « Une DSP encadre strictement les bénéfices qui ne peuvent pas dépasser 3 %. Les lignes hors DSP, comme Sète–Alger, sont la tirelire des compagnies qui leur permet d’entretenir les navires, de financer les arrêts techniques et l’achat de nouveaux bateaux », explique Dumè Giovanetti. « Si cette tirelire est cassée, tout l’édifice s’effondre. »
 
En parallèle, les syndicats dénoncent un système de contrôles jugé trop lent et inefficace face à des compagnies low cost qui font du dumping social. « Nous voudrions plus de contrôles, mais surtout que l’État passe à la vitesse supérieure. Aujourd’hui, les contrôles durent des mois, voire des années. Il faut que ce soit plus rapide. Et surtout, que les sanctions prononcées soient réellement appliquées. Pas simplement constater des manquements au droit et s’arrêter là », insiste Dumè Giovanetti, en soulignant que le but n'est pas d’écarter toute concurrence, mais d’être enfin face à une concurrence qu’ils estiment « saine et loyale ». « Nous demandons simplement que nos concurrents soient soumis aux normes françaises, qu’ils paient leurs impôts en France. Sinon, c’est de la concurrence déloyale. Fiscalement, ils ne sont pas soumis aux mêmes charges que nos compagnies, ce qui leur permet de casser les prix comme ils le souhaitent », développe-t-il. Et d’ajouter : « Soit ces compagnies passent sous pavillon français, premier registre si possible, soit il faut tout bonnement les bloquer ».
 
Mais surtout, les syndicats alertent sur le fait que l’enjeu dépasse largement la seule question des emplois maritimes. « La disparition de la DSP aurait un impact direct sur le pouvoir d’achat des Corses. Aujourd’hui, grâce à la DSP, une traversée de remorque coûte environ 1 100 euros. Sans DSP, ce prix serait triplé. Et si on multiplie par trois le coût des remorques, ce sont évidemment les prix des marchandises transportées qui exploseront », alerte le représentant du SAMMM mettant également en garde contre un modèle exclusivement fondé sur le low cost. « Dans ce système, vous ne maîtrisez ni les traversées, ni les tarifs. Il n’y a aucune garantie de départ, aucune obligation de service public. On devient totalement dépendants du bon vouloir des armateurs », pointe Dumè Giovanetti, « Ce que nous voulons dire au ministre c’est qu’en tant qu’insulaires, nous ne pouvons pas être prisonniers de notre île. Nous devons pouvoir nous déplacer avec des tarifs convenables, y compris pour des raisons de santé. La DSP est vitale, notamment pour nos malades ».
 
Dans ce contexte, les organisations syndicales affirment être soutenues par de nombreux acteurs économiques. « Les transporteurs, les socioprofessionnels, et même le Medef commencent à prendre conscience de l’enjeu. Parce qu’à un moment donné, cela les impactera aussi », relève Dumè Giovanetti avant de conclure : « L’enjeu, ce sont les emplois, l’avenir de nos jeunes dans les écoles de marine, mais aussi, et surtout, l’intérêt des Corses ».