Vous êtes né à Rodez, mais vos racines plongent en Corse.
Je suis né d’une mère lorraine et d’un père originaire de Pietra-di-Verde, en Castagniccia. Une région immergée dans un océan de châtaigniers et de schiste vert, nourrie de traditions, de poésie et de foi. Mon père parlait peu de son île. Ses silences la rendaient plus mystérieuse encore. Il était lui-même une île, difficile à aborder. C’est après sa mort que j’ai découvert la Corse, convaincu qu’il y était retourné d’une manière ou d’une autre.
Comment la Corse s’est-elle transmise à vous depuis Rodez ?
Par bribes, par souvenirs. Il y avait la musique de la langue, que j’entendais lorsqu’il téléphonait. Il y avait aussi ces colis de figatelli envoyés chaque Noël par mes tantes, Madeleine et Dévote — deux fortes personnalités, qui sont d’ailleurs au cœur de mon roman. Et puis il y avait le Dio vi salvi Regina, joué chaque dimanche sur un vieux tourne-disque, comme une messe intime et solennelle. La Corse, c’est ce mélange de sons, d’odeurs et de figures marquantes.
Quel est votre parcours ?
Je suis Aveyronnais de naissance, un pays de transhumance, de traditions et de résistance — un peu comme la Corse. Je suis guide-conférencier depuis quarante ans, notamment au musée Fenaille, à Rodez, où je travaille autour de l’archéologie et des célèbres statues-menhirs. Ce peuple de pierre me ramène inévitablement à Filitosa ou à Patrimonio.
Quand et comment avez-vous commencé à écrire ?
J’écris depuis trente ans. D’abord sur le légendaire et les récits collectés lors de veillées. Des histoires modestes, humaines, souvent oubliées. Écrire, pour moi, c’est une manière de faire revivre les absents, de conserver ce que j’appelle un peu de « blanc de la neige ».
On vous qualifie de conteur du patrimoine…
Je revendique ce rôle. Un guide est un interprète, au même titre qu’un comédien ou un musicien. Il fait vibrer les pierres, danser les ombres. J’aime transmettre ce frisson de l’Histoire, cette sensation que les absents sont encore là.
Pourquoi passer au roman aujourd’hui ?
La réalité ne me suffisait plus. Les souvenirs d’enfance non plus. J’avais envie de partir d’une histoire vraie, familiale, avec de vrais personnages. En Corse, on croise souvent des figures de roman. J’y ai ajouté un crime, parce qu’un roman corse a besoin de sel. Mes tantes, rencontrées après le décès de mon père, m’ont servi de guides — elles m’ont mené sur des chemins étranges, parfois presque mystiques. Sur cette île, les morts sont vivants, et les vivants très vivants. Le roman m’a offert une échappée. Il m’a permis de disparaître dans le maquis.
Quel est le point de départ des Demoiselles de Bastia ?
Je reviens en Corse à la mort de mon père. J’espère recueillir la mémoire de mes tantes, mais un meurtre survient dans leur immeuble, avec leur couteau de cuisine… Me voilà embarqué dans une Corse à la fois lumineuse, drôle et bouleversante.
L’histoire est inspirée de faits réels ?
Oui, en grande partie. Mes tantes étaient déjà des personnages de roman. Elles vivaient au 9 boulevard Gaudin, à Bastia. Des fausses veuves de guerre, auto-stoppeuses suicidaires, reines du changement de conversation. Il suffisait de les regarder vivre. Le crime est venu s’ajouter pour les faire sortir de chez elles !
Les personnages sont attachants. Peut-on espérer une suite ?
On me le demande déjà. Pour l’instant, je n’ai pas d’autre livre en cours, mais l’idée me séduit. J’imagine bien mes tantes mettre la pagaille sur le continent, accompagnées de mon cousin, un personnage haut en couleur que l’on croise aussi dans le roman.
Et vos projets ?
Je m’intéresse à une histoire tragique : le naufrage du Balkan dans la nuit du 15 au 16 août 1918. Torpillé par un sous-marin allemand, ce vapeur qui assurait la liaison Marseille-Bastia a fait plus de 400 morts. Parmi eux, Marie Savignoni, née Innocenzi. Son nom est gravé sur le monument aux morts de Pietra-di-Verde. Peut-être le point de départ d’un prochain récit…
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