Les trois leaders nationalistes, Jean-Guy Talamoni, Jean-Christophe Angelini et Gilles Simeoni, juchés sur une voiture par une foule en liesse devant la permanence de Femu a Corsica à Bastia.
C’était comme un frémissement qui s’est propagé depuis le matin, s’insinuant comme une promesse, s’enflant comme une bise qui se lève. Une sensation de vivre un jour pas ordinaire, d’une soudaine fébrilité, cette intuition aigue semblable à celle qui précède les tremblements de terre. « On sentait, depuis le milieu de la semaine, que quelque chose se passait, quelque chose d’énorme. On a tellement bossé, on a fait le porte-à-porte, on est allé chercher chaque voix. On a bien vu que les gens adhéraient. Et puis, dimanche, au fur et à mesure que les heures passaient, on a senti monter une excitation. On sentait que ça y était, mais on avait peur d’y croire et d’être déçu ! », raconte un militant bastiais de Femu a Corsica, encore abasourdi. A Bastia, l’épicentre du séisme, le frémissement devient rumeur, bruit de fond, dès que les premiers chiffres des communes rurales commencent à affluer. Au bureau centralisateur, comme dans les deux permanences de Femu a Corsica et de Corsica Libera où les militants des deux formations se mêlent indistinctement, on retient son souffle. Alea jacta est ! Les dés sont jetés !
De la stupeur à l’attente
Soudain, juste avant 19 heures, c’est la stupeur ! Une estimation partielle donne les Nationalistes en tête avec 800 voix d’avance sur 290 communes, toutes rurales. A la permanence de Corsica Libera, un journaliste, qui lit les résultats sur son téléphone portable, lance à l’indépendantiste Eric Simoni : « Vous êtes en tête sur les communes rurales ! L’élection a basculé ! C’est fait ! ». Le leader d’Une alba nova per Bastia, membre de l’Exécutif de Corsica Libera, en reste saisi ! Presque assommé ! Puis, après quelques instants de silence, il reprend son habituelle placidité et opte pour la prudence : « C’est trop tôt ! Il faut attendre ! On ne sait pas ! ». Le journaliste insiste : « Mais, non ! C’est fait ! Il reste maintenant à tomber les résultats des communes urbaines. Paul Giacobbi ne peut plus gagner. A droite, c’est la débandade ». Eric Simoni, qui craint une désillusion, réplique : « Non ! Non ! Attendez ! N’annoncez rien ! ». Autour de lui, personne n’a encore pris la mesure de ce qui s’annonce. Personne n’ose, encore, y croire ! « On a déjà gagné la victoire politique, alors si maintenant on gagnait la victoire électorale… », glisse un militant, lui aussi, un peu sonné.
Entre espoir et certitude
A quelques dizaines de mètres de là, au bureau centralisateur, place du marché, les militants d’Inseme et de Femu commencent à arriver. La rumeur enfle de plus en plus. La joie et l’espoir se lisent sur les visages. En apprenant les premières nouvelles, Hyacinthe Vanni, conseiller territorial sortant de Femu a Corsica, s’écrie, rayonnant : « C’est bon ! On a gagné ! ». Cette certitude, il la martèle depuis des mois. « Je n’en ai jamais douté ! Les gens n’en peuvent plus de ce système. Ils savent qu’ils peuvent faire confiance à Gilles ! Je savais qu’on réussirait ». A l’intérieur, le maire de Bastia, Gilles Simeoni, fébrile, a des étoiles plein les yeux. Il a, peu à peu, au fil de la journée compris, lui aussi, qu’il allait gagner. Il le sent, mais ne s’autorise pas encore à se laisser aller. Il interroge la presse : « Qu’en pensez-vous ? On y est, non ? Je crois bien qu’on y est ! Nous progressons partout ». Il sait aussi, depuis la fin du dépouillement du bureau 1 qu’il préside, qu’il va remporter son pari sur Bastia d’atteindre 5000 voix. Il ne connaît pas encore le chiffre final : 5760.
Un sondage belge
Autour de lui, peu de militants, ils sont partis à la permanence quêter des informations. Ceux, qui sont restés, marqués par la désillusion du 1er tour, sont, étrangement, peu loquaces, plongés dans une attente un peu tendue. Les résultats des communes urbaines commencent à tomber, de plus en plus surprenants. Borgo, Lucciana, Ile Rousse… Les Nationalistes sont en tête. C’est un nouveau choc. Gilles Simeoni, incrédule, n’en revient pas ! Les téléphones crépitent et les résultats affluent. L’annonce d’un sondage belge, qui donne la liste Pè a Corsica à 37 %, laisse les militants groggy. « C’est un tsunami », éclate l’un d’eux ! Les médias étrangers reprennent, en chœur, l’information. D’un coup, l’onde de choc se propage, les militants commencent à envahir la salle, mais le maire veut attendre l’estimation de 20 heures. Quelqu’un annonce que le score à Ajaccio est « énorme ! », la liste est 2ème derrière la droite. Gilles Simeoni reçoit un SMS de Laurent Marcangeli qui confirme la victoire et lui souhaite Bonne chance !
La victoire de la Corse
Mais, il n’est toujours pas 20 heures et, seule, Bastia le sait ! Alors, les téléphones se déchainent et la nouvelle se répand, dans toute l’île, comme une trainée de poudre : « On a gagné ! ». Au bout du fil, la même stupeur incrédule : « Pour de bon ? ». Plus aucun doute n’est possible. Ensuite, tout s’accélère, la foule envahit l’ancienne mairie. L’émotion et la joie débordent. De vieux militants serrent dans leurs bras leur leader charismatique et se mettent à pleurer. Cette victoire, ils n’y croyaient plus. Ce rêve, qu’ils ont conçu, il y a un demi-siècle, est devenu, ce dimanche soir, réalité. « Nous sommes heureux ! C’est un des plus beaux jours de notre vie ! », confie l’un d’eux. « Les Corses ont voté en hommes libres, enfin ! », dit un autre. Tout le monde attend la venue de la figure légendaire du nationalisme corse, Edmond Simeoni, dont les premiers mots ont la force du symbole : « Ce soir, ce n’est pas la victoire des Nationalistes, c’est la victoire de la Corse ! ». Max, son frère et compagnon de lutte, reste pragmatique et lucide : « Maintenant, il faut se mettre au travail. Il y a tellement à faire ! Il y a tout à construire ! ».
Le courage politique
Sur la place du Marché, la jeunesse exulte. Jean-Guy Talamoni et les militants de Corsica Libera déboulent en masse. Les deux leaders, dont l’un sera le premier président nationaliste de l’Exécutif territorial, et l’autre, le premier président nationaliste de l’Assemblée de Corse, sont portés en triomphe. La jeunesse envahit les rues et remonte jusqu’à la statue de Pascal Paoli à qui elle rend en chantant un hommage émouvant. Devant la permanence de Femu a Corsica, la foule réclame Edmond qui monte sur le capot d’une voiture et, in lingua nustrale, rappelle, avec une émotion contenue, le long chemin parcouru. Quand Jean-Christophe Angelini débarque de Porto-Vecchio, les trois leaders, pressés par la foule, le remplacent sur le capot et affirment, l’un après l’autre, qu’ils seront au travail dès ce lundi matin et que désormais, tout va changer, qu’ils sauront imposer la coofficialité de la langue, le statut de résident et tout ce pourquoi les Nationalistes se battent depuis des années. « C’est un moment qu’aucun de nous n’aurait jamais pu imaginer vivre, et pourtant, nous le vivons ! Ce qui s’est passé ce soir, c’est d’abord la maturité, l’intelligence collective et le courage politique de l’ensemble du mouvement national… Nous avons un travail extraordinaire devant nous, mais nous nous sommes donnés les moyens de l’accomplir et nous allons continuer à renforcer l’union de tous les Nationalistes », promet Gilles Simeoni. Tous trois l’assurent : désormais, tout commence…
N.M.
De la stupeur à l’attente
Soudain, juste avant 19 heures, c’est la stupeur ! Une estimation partielle donne les Nationalistes en tête avec 800 voix d’avance sur 290 communes, toutes rurales. A la permanence de Corsica Libera, un journaliste, qui lit les résultats sur son téléphone portable, lance à l’indépendantiste Eric Simoni : « Vous êtes en tête sur les communes rurales ! L’élection a basculé ! C’est fait ! ». Le leader d’Une alba nova per Bastia, membre de l’Exécutif de Corsica Libera, en reste saisi ! Presque assommé ! Puis, après quelques instants de silence, il reprend son habituelle placidité et opte pour la prudence : « C’est trop tôt ! Il faut attendre ! On ne sait pas ! ». Le journaliste insiste : « Mais, non ! C’est fait ! Il reste maintenant à tomber les résultats des communes urbaines. Paul Giacobbi ne peut plus gagner. A droite, c’est la débandade ». Eric Simoni, qui craint une désillusion, réplique : « Non ! Non ! Attendez ! N’annoncez rien ! ». Autour de lui, personne n’a encore pris la mesure de ce qui s’annonce. Personne n’ose, encore, y croire ! « On a déjà gagné la victoire politique, alors si maintenant on gagnait la victoire électorale… », glisse un militant, lui aussi, un peu sonné.
Entre espoir et certitude
A quelques dizaines de mètres de là, au bureau centralisateur, place du marché, les militants d’Inseme et de Femu commencent à arriver. La rumeur enfle de plus en plus. La joie et l’espoir se lisent sur les visages. En apprenant les premières nouvelles, Hyacinthe Vanni, conseiller territorial sortant de Femu a Corsica, s’écrie, rayonnant : « C’est bon ! On a gagné ! ». Cette certitude, il la martèle depuis des mois. « Je n’en ai jamais douté ! Les gens n’en peuvent plus de ce système. Ils savent qu’ils peuvent faire confiance à Gilles ! Je savais qu’on réussirait ». A l’intérieur, le maire de Bastia, Gilles Simeoni, fébrile, a des étoiles plein les yeux. Il a, peu à peu, au fil de la journée compris, lui aussi, qu’il allait gagner. Il le sent, mais ne s’autorise pas encore à se laisser aller. Il interroge la presse : « Qu’en pensez-vous ? On y est, non ? Je crois bien qu’on y est ! Nous progressons partout ». Il sait aussi, depuis la fin du dépouillement du bureau 1 qu’il préside, qu’il va remporter son pari sur Bastia d’atteindre 5000 voix. Il ne connaît pas encore le chiffre final : 5760.
Un sondage belge
Autour de lui, peu de militants, ils sont partis à la permanence quêter des informations. Ceux, qui sont restés, marqués par la désillusion du 1er tour, sont, étrangement, peu loquaces, plongés dans une attente un peu tendue. Les résultats des communes urbaines commencent à tomber, de plus en plus surprenants. Borgo, Lucciana, Ile Rousse… Les Nationalistes sont en tête. C’est un nouveau choc. Gilles Simeoni, incrédule, n’en revient pas ! Les téléphones crépitent et les résultats affluent. L’annonce d’un sondage belge, qui donne la liste Pè a Corsica à 37 %, laisse les militants groggy. « C’est un tsunami », éclate l’un d’eux ! Les médias étrangers reprennent, en chœur, l’information. D’un coup, l’onde de choc se propage, les militants commencent à envahir la salle, mais le maire veut attendre l’estimation de 20 heures. Quelqu’un annonce que le score à Ajaccio est « énorme ! », la liste est 2ème derrière la droite. Gilles Simeoni reçoit un SMS de Laurent Marcangeli qui confirme la victoire et lui souhaite Bonne chance !
La victoire de la Corse
Mais, il n’est toujours pas 20 heures et, seule, Bastia le sait ! Alors, les téléphones se déchainent et la nouvelle se répand, dans toute l’île, comme une trainée de poudre : « On a gagné ! ». Au bout du fil, la même stupeur incrédule : « Pour de bon ? ». Plus aucun doute n’est possible. Ensuite, tout s’accélère, la foule envahit l’ancienne mairie. L’émotion et la joie débordent. De vieux militants serrent dans leurs bras leur leader charismatique et se mettent à pleurer. Cette victoire, ils n’y croyaient plus. Ce rêve, qu’ils ont conçu, il y a un demi-siècle, est devenu, ce dimanche soir, réalité. « Nous sommes heureux ! C’est un des plus beaux jours de notre vie ! », confie l’un d’eux. « Les Corses ont voté en hommes libres, enfin ! », dit un autre. Tout le monde attend la venue de la figure légendaire du nationalisme corse, Edmond Simeoni, dont les premiers mots ont la force du symbole : « Ce soir, ce n’est pas la victoire des Nationalistes, c’est la victoire de la Corse ! ». Max, son frère et compagnon de lutte, reste pragmatique et lucide : « Maintenant, il faut se mettre au travail. Il y a tellement à faire ! Il y a tout à construire ! ».
Le courage politique
Sur la place du Marché, la jeunesse exulte. Jean-Guy Talamoni et les militants de Corsica Libera déboulent en masse. Les deux leaders, dont l’un sera le premier président nationaliste de l’Exécutif territorial, et l’autre, le premier président nationaliste de l’Assemblée de Corse, sont portés en triomphe. La jeunesse envahit les rues et remonte jusqu’à la statue de Pascal Paoli à qui elle rend en chantant un hommage émouvant. Devant la permanence de Femu a Corsica, la foule réclame Edmond qui monte sur le capot d’une voiture et, in lingua nustrale, rappelle, avec une émotion contenue, le long chemin parcouru. Quand Jean-Christophe Angelini débarque de Porto-Vecchio, les trois leaders, pressés par la foule, le remplacent sur le capot et affirment, l’un après l’autre, qu’ils seront au travail dès ce lundi matin et que désormais, tout va changer, qu’ils sauront imposer la coofficialité de la langue, le statut de résident et tout ce pourquoi les Nationalistes se battent depuis des années. « C’est un moment qu’aucun de nous n’aurait jamais pu imaginer vivre, et pourtant, nous le vivons ! Ce qui s’est passé ce soir, c’est d’abord la maturité, l’intelligence collective et le courage politique de l’ensemble du mouvement national… Nous avons un travail extraordinaire devant nous, mais nous nous sommes donnés les moyens de l’accomplir et nous allons continuer à renforcer l’union de tous les Nationalistes », promet Gilles Simeoni. Tous trois l’assurent : désormais, tout commence…
N.M.