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L'unité hospitalière de Bastia a, déjà, accueilli près de 600 femmes victimes de violences


Livia Santana le Mercredi 24 Novembre 2021 à 21:07

A l'occasion de la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, CNI est allé ce mercredi 24 novembre à la rencontre du docteur Hatem Balle, en charge de l'unité hospitalière départementale de lutte contre les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes à Bastia.
Dans cette unité 577 femmes ont déjà été accueillies depuis janvier



Le docteur Hatem Balle, en charge de l'unité hospitalière départementale de lutte contre les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes à Bastia
Le docteur Hatem Balle, en charge de l'unité hospitalière départementale de lutte contre les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes à Bastia
En arrivant dans la citadelle de Bastia, impossible d'imaginer qu'une unité hospitalière départementale de lutte contre les violences conjugales y soit cachée. Aucun panneau, aucune indication, à la volonté du docteur Hatem Balle, en charge de cette unité "masquée". Pourtant depuis le 1er janvier 2021, 577 victimes ont réussi à la trouver la force et le chemin qui leur a permis de franchir la porte de cette ancienne bâtisse ."Nous n'avons pas fait de communication, nous ne voulions pas que les agresseurs la retrouve. Les victimes y viennent par le bouche à oreille, orientées par les associations ou nous venons directement à elles", explique le docteur Hatem Balle; médecin urgentiste à la tête de l'unité.
A son ouverture en 2017, seules 5 victimes avaient tapé à la porte de la structure. Alors comment expliquer cette fréquentation en forte croissance ? Le docteur Balle ne voit pas de lien avec la libération de la parole. Pour lui, les femmes ont "de plus en plus confiance en la structure", d'autant plus que celle-ci se déplace jusqu'au domicile des victimes quand elles le souhaitent. 

Des prises en charge adaptées 

Les femmes, enfants et hommes qui s'y présentent sont immédiatement pris en charge selon des protocoles bien adaptés à chaque violence. Pour les situations dîtes "aiguës" où les personnes sont en danger imminent, l'unité a maximum 72 heures pour examiner les victimes et les mettre à l'abris. "Les femmes qui viennent chez nous ne doivent pas se soucier d'où elles vont dormir, nous prenons tout en charge. Nous avons de nombreux lieux d'accueil. Lorsque la situation est vraiment pressante nous pouvons même déplacer les victimes jusqu'à Ajaccio, c'est déjà arrivé'" raconte le Dr Balle.
Le premier rendez-vous peut prendre jusqu'à 3 heures afin de pouvoir établir un rapport médical complet qui pourra éventuellement servir si la victime dépose une plainte ou si le médecin effectue un signalement lorsqu'il pense que la victime est en danger. "Le plus dur ce n'est pas de constater les blessures physiques, c'est de comprendre ce que psychologiquement la personne a enduré. Ce sont des éléments essentiels dans un rapport médical qui pourra aller jusqu'à devant le procureur puis devant un tribunal", reprend-il. Pour cela, la discussion est essentielle. L'unité dispose d'une psychologue clinicienne afin de leur venir en aide. Pour les situations chroniques, l'unité assure également une prise en charge de soins, psychologique mais se rapproche également du CIDFF. 

"Porter plainte c'est 50% de la guérison" 

Si officiellement, 600 femmes en Corse sont victimes de violences, le Dr Balle estime qu'il faut multiplier se chiffre par 8. En effet, seul 20% des victimes dépose une plainte par peur de représailles. "Il faut savoir que porter plainte c'est 50% de la guérison. Cela veut dire que la victime a pris conscience et qu'elle est prête à parler à d'autres personnes que des médecins, c'est un grand pas." 
Après les violences physiques, psychologiques, administratives, sexuelles ou économiques, vient souvent le temps de la violence institutionnelle liée au temps institutionnel souvent jugé long par les victimes. "Les femmes qui se présentent devant nous sont très fragiles, elles ont tout perdu, leur état psychologique est faible. Alors la rapidité de l'action va être ce qui va la sauver de son agresseur", assure le médecin. 

En janvier prochain, cette unité hospitalière deviendra une unité médico-judiciaire dotée de moyens plus importants. Trois infirmières, une psychologue, une assistante sociale et un médecin de plus seront recrutés pour répondre à la demande malheureusement croissante.