Corse Net Infos - Pure player corse

Jean-Christophe Angelini « L’opération sur le château Stopielle a valeur d’exemple pour toute la Corse ! »


Nicole Mari le Vendredi 17 Février 2017 à 20:25

C’était sa première visite au château Stopielle ! Jean Christophe Angelini, président de l’Office foncier, n’a pas caché son émotion en découvrant l’une des plus magnifiques « maison d’Américain » qui peuplent le Cap Corse et l’un des plus beaux fleurons du patrimoine bâti insulaire. En présence du maire de Centuri, David Brugioni, et d’Elisabeth Martegoute, descendante de la famille Marcantoni – De Pietri qui en est toujours propriétaire, il a fait le point sur la procédure de préemption permettant à l’Office foncier de l’acquérir à travers une opération de portage qui devrait être validée avant la fin mars. Il explique, à Corse Net Infos, que ce lieu pourrait, notamment, abriter le Parc marin, un musée et des outils intercommunaux. Il estime que cette opération a valeur d’exemple pour lutter contre la dépossession et la spéculation immobilière en Corse.



Le chateau Stopielle, hameau de Canelle, à Centuri, dans le Cap Corse.
Le chateau Stopielle, hameau de Canelle, à Centuri, dans le Cap Corse.
- C’est votre première visite au château Stopielle. Quel est votre sentiment ?
- C’est très émouvant ! On sent un lieu véritablement chargé d’histoire qui s’inscrit dans un environnement, à la fois, naturel, culturel, historique et architectural tout à fait splendide ! J’avais lu, dans le détail, l’étude faite par Mr Nigaglioni, le directeur du patrimoine de la ville de Bastia, qui m’avait ému. Il disait à David Brugioni, le maire de Centuri, : « Trouvez des solutions ! Vendez tout ! Mais conservez le château Stopielle ! ». C’est ce que nous faisons, sans aucune idéologie ! Je viens finaliser, aujourd’hui, cette opération. C’est fantastique !
 
- Où en êtes-vous de la démarche ?
- Nous avons voulu, conjointement avec le cabinet du président de l’Exécutif, complètement sécuriser l’ensemble du parcours d’un point de vue juridique. D’où la nécessité d’exercer un droit de préemption, non pas simple, mais renforcé. La commune a, donc, été appelée à délibérer deux fois. Nous attendons, maintenant, l’évaluation définitive des Domaines et la déclaration d’intention d’aliéner du notaire, toutes deux imminentes. Dès que nous aurons ces documents, nous serons en mesure de présenter, avant le 30 mars, l’acquisition du château Stopielle au Conseil d’administration de l’Office foncier qui décidera ou non de la valider. Même si la Commission permanente a émis un avis positif unanime, je ne veux pas préjuger de la décision finale. Pour notre part, nous soutiendrons le projet.
 
- Cette acquisition se ferait-elle dans la foulée ?
- Une fois reçue la déclaration d’intention d’aliéner, nous aurons deux mois pour préempter et quelques autres mois pour procéder à l’acquisition. Nous le ferons, d’ici à l’été, s’il n’y a pas de difficulté. Nous réaliserons une opération de portage relativement courte, d’une durée de deux à trois ans.
 
- A qui rétrocèderez-vous le château : à la commune ou à la CTC ?
- C’est à définir ! L’idée est que l’Office foncier soit le véhicule privilégié de l’opération de portage, le temps que la commune de Centuri travaille sur le projet. Pour le reste, nous n’avons pas de doctrine arrêtée. Cela peut être la collectivité territoriale (CTC) ou la commune. Quand bien même la CTC deviendrait propriétaire, la commune doit conserver la latitude de définir, avec le territoire et l’intercommunalité concernée, les destinations de cet édifice.
 
-  Quelles pourraient être ces destinations ?
- Nous pensons qu’il serait pertinent d’en faire le siège du Parc marin et de conserver le côté patrimonial à travers un musée. Cela nous paraît être une piste intéressante qui serait, je crois, très bien reçue, par la population et les touristes. Centuri est un village qui a une vocation économique et touristique, et pas seulement patrimoniale et environnementale. Le château participe d’une offre touristique sur un lieu qui cristallise un certain nombre de flux et offre une prestation de haut niveau sur la thématique des Maisons des Américains. On pourrait, également, réfléchir, au moment où les EPCI (intercommunalités) se reconfigurent, à héberger des outils dans le château.
 
- Lesquels ?
- On aurait intérêt, à mon sens, à définir plusieurs types d’usages et, de facto, plusieurs types de publics auxquels s’adresser, par rapport à plusieurs types de missions, plutôt que de rester sur un usage unique, par exemple le parc marin seul ou un musée unique. Ce lieu doit être hybride et vivant. Le point auquel nous sommes fondamentalement attachés, comme l’a récemment redit le président de l’Exécutif, Gilles Simeoni, c’est de le garder sous propriété et sous maîtrise publiques. C’est tout l’objet de l’opération ! Dès lors que nous la réaliserons, il ne sera plus question que des privés, quelqu’ils soient aient voix au chapitre. La valeur patrimoniale du lieu commande que la puissance publique, dans le respect absolu des moyens, des prérogatives et des règles de droit, en devienne la légitime propriétaire. C’est l’évidence !

Jean-Christophe Angelini, président de l'Office foncier de Corse, dans le salon du château.
Jean-Christophe Angelini, président de l'Office foncier de Corse, dans le salon du château.
- Certains vous reprochent d’en faire une affaire politique, idéologique, parce que des intérêts extérieurs à l’île se positionnaient sur l’achat. Est-ce le cas ?
- Pas du tout ! Nous en faisons une affaire très simple et opérationnelle : nous considérons que ce lieu a une valeur qui ne peut pas être privatisée. C’est aussi simple que cela ! Cela nous a littéralement sauté aux yeux ! On s’est, tous, dit : on ne peut pas ne pas faire ! On s’est tous mobilisés ! C’est une opération voulue, portée et assumée par le Conseil exécutif et l’ensemble de la majorité territoriale. C’est important ! A partir de là, nous en avons déduit des opérations et des procédures. J’en suis, au plan humain, très fier et très heureux. Qui aurait pu dire, il y a encore quelques mois, que ce château pouvait être acquis par l’Office foncier ! C’est une opération qui a valeur d’exemple !
 
- C’est-à-dire ?
- Au moment où le débat sur le statut de résident rejaillit, nous devons, bien sûr, ouvrir les discussions sur le plan institutionnel et constitutionnel concernant l’accession à la propriété, au foncier… Mais, nous devons, dès maintenant, d’autant que nous sommes la majorité territoriale, utiliser tous les moyens existants dont nous disposons. Nous en avons ! L’Office foncier en est un privilégié ! Il ne faut pas attendre la fin des débats, que personne ne peut déterminer, pour commencer à agir. Nous inaugurons, d’ailleurs, une fonction nouvelle de l’Office puisqu’au terme de la loi ALUR, qui en porte création, il a deux fonctions nouvelles : le logement social, très soutenu notamment par l’Etat et les crédits du PEI (Plan exceptionnel d’investissements), et le développement économique. Nous y ajoutons une fonction patrimoniale au sens où l’Office foncier peut servir pour compte commun de véhicule pour réaliser ce genre d’opération.
 
- Pensez-vous en réaliser d’autres ?
- On ne pourra, bien sûr, pas acheter toutes les maisons comparables qui sont, malheureusement, en vente, aujourd’hui, en Corse ! Mais, je crois à la vertu de l’exemple. Si on réalise, dans le temps, quelques opérations comme celle-ci et qu’on les réintègre dans le giron de la collectivité publique, on peut créer un exemple très concret qui donnera des idées aux acheteurs et aux vendeurs potentiels. Pas sous forme de menace ou de crainte quelconque ! Juste en leur disant : pourquoi ne pas s’adresser à la collectivité pour imaginer, avec elle, des portages permettant de ne pas céder des biens qui disparaîtront ensuite, au sens de l’usage que l’on pourrait en faire. La seule difficulté étant les moyens extrêmement contraints dans nous disposons. Mais, cela ne doit pas nous empêcher de nous pencher sur les sujets et d’imaginer des solutions, même si elles ne sont pas simples de prime abord.
 
- Est-ce une façon de dire aux Corses qu’il ne faut pas dilapider le patrimoine ?
- Exactement ! Nous pouvons comprendre que des Corses, placés dans des conditions financières ou sociales difficiles, aient, à un moment donné, l’idée de céder tout ou partie de leur patrimoine. Nous voulons, quand même, leur dire qu’avec cette majorité nouvelle, il existe d’autres moyens que la vente pure et simple ! On peut réfléchir, trouver d’autres solutions ! Nous discutons, en ce moment, sur la question des baux emphytéotiques qui sont à l’œuvre ailleurs et permettent de ne pas se déposséder du sol, voire même du patrimoine bâti.
 
- Cela concerne la terre agricole ?
- Oui, mais aussi le reste ! Il y a des exemples en Europe où des territoires et des biens bâtis font l’objet de baux emphytéotiques, la personne qui en dispose, en jouit, mais n’en est pas propriétaire. L’Office foncier offre des opportunités. Lors de la dernière session de la CTC, l’Assemblée a validé une partie de notre stratégie en matière de logement. Il y a des pistes de toute nature. Nous n’avons pas vocation, collectivement, à céder, par dizaines et dizaines d’hectares ou de mètres carrés, notre patrimoine collectif.
 
- Justement, la propriétaire du couvent de Siscu fait appel à vous. La même opération est-elle réalisable ?
- J’ai suivi cette affaire avec intérêt. Nous en avons débattu au Conseil exécutif. Gilles Simeoni, en sa qualité de président, est allé sur place avec Jean-Félix Acquaviva, François Sargentini et quelques autres, animé une réunion publique sur le sujet. Je ne suis pas persuadé que l’Office foncier, en propre, puisse réaliser la même opération à quelques kilomètres d’intervalle avec, d’un point de vue juridique, un profil un peu plus sophistiqué. Le château Stopielle est une opération évidente, la famille propriétaire étant déjà vendeuse, nous nous sommes positionnés, sous réserve de validation des procédures en cours. A Siscu, il y a un enjeu agricole, patrimonial et de domanialité. C’est un peu plus complexe ! Nous en débattrons de nouveau pour arrêter une position commune dans le courant de ce mois.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.


Jean Christophe Angelini, conseiller exécutif, président de l’ADEC et de l’Office foncier de Corse, entouré de Julie Da Costa, chargée des opérations foncières, Jean-Félix Carlotti, et David Brugioni, maire de Centuri, sur le balcon du château Stopielle.
Jean Christophe Angelini, conseiller exécutif, président de l’ADEC et de l’Office foncier de Corse, entouré de Julie Da Costa, chargée des opérations foncières, Jean-Félix Carlotti, et David Brugioni, maire de Centuri, sur le balcon du château Stopielle.