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Jean-Charles Orsucci : « Il ne peut pas y avoir de réussite en Corse sans une entente avec l’État »


Nicole Mari le Dimanche 23 Mai 2021 à 20:00

Assurer la représentation à l’Assemblée de Corse d’une sensibilité politique qui ne soit ni nationaliste, ni libérale, mais progressiste de gauche et du centre, c’est, pour Jean-Charles Orsucci, l’enjeu du 1er tour de l’élection territoriale des 20 et 27 juin prochain. Le maire de Bonifacio, conseiller territorial d’opposition et président du groupe LREM Andà Per Dumane, a présenté, samedi à l’Atelier de la moutarde corse à Linguizetta, sa liste « Terre de progrès, Terra di primura » qui entend rassembler les forces sociales démocrates et au-delà. Très critique envers la majorité sortante, il entend incarner une alternative avec un fil conducteur : résoudre les problèmes du quotidien des Corses, et une doxa : pas de réussite en Corse sans une entente avec l’État.



Jean-Charles Orsucci, président du groupe LREM Andà Per Dumane à l’Assemblée de Corse, maire de Bonifacio, chef de file des Marcheurs en Corse, candidat à l’élection territoriale des 20 et 27 juin avec la liste « Terre de progrès, Terra di primura ».
Jean-Charles Orsucci, président du groupe LREM Andà Per Dumane à l’Assemblée de Corse, maire de Bonifacio, chef de file des Marcheurs en Corse, candidat à l’élection territoriale des 20 et 27 juin avec la liste « Terre de progrès, Terra di primura ».
- Constituer votre liste a-t-il été aussi compliqué qu’on le dit ?
- Quand n’est pas à la tête d’une grande collectivité comme la ville d’Ajaccio ou la ville de Porto-Vecchio, c’est forcément plus compliqué ! Mais quand que je regarde comment toutes les autres listes ont été composées, je pense que ça a été la même chose pour tout le monde. Cela a été compliqué comme en 2015 et 2017, mais j’aimerais bien connaître le même coefficient de multiplication, nous sommes passés de 4,5 % à 11,5 %, et demain à 30 % ! - C’est une boutade ! - Aujourd’hui, la liste est faite, et nous sommes d’attaque pour affronter ce 1er tour de l'élection territoriale.
 
- Comment avez-vous réagi aux défections inattendues des élus de votre groupe à l’Assemblée de Corse, notamment Cathy Cognetti et Tony Poli ?
- Sur la liste effectivement, j’ai vu partir deux conseillers territoriaux importants qui ont fait des choix différents. Pour ma part, je prétends avoir gardé le cap, le même corpus idéologique, la même ligne de conduite et le même discours. C’est donc à eux qu’il faut poser la question ! Pourquoi sont-ils allés ailleurs ? J’aurais préféré qu’ils restent dans l’aventure - c’est évident ! -, mais d’autres personnes nous ont rejoints. Nous ferons avec ceux qui sont venus et qui apportent une vraie plus-value pour notre liste. Je suis tranquille de ce côté-là ! Deux autres élus ont, aussi, fait le choix de ne pas repartir : François Orlandi nous soutient, Catherine Riera a souhaité arrêter la politique. Ils ont été présents, ils ont bien travaillé dans ce groupe, nous avons tissé des liens d’amitié importants. Je respecte leur choix.

- Vous aviez l’ambition de rassembler la gauche progressiste. Avez-vous réussi ?
- Je n’ai pas dit que je voulais rassembler uniquement la gauche. Je garde l’ADN qui est le mien depuis 2015 et 2017. Sur la liste, effectivement, nous avons rassemblé les forces de gauche sociale-démocrate, des Radicaux, des Socialistes, des gens qui militaient à Corse Social Démocrate, des gens de la société civile et des milieux associatifs, mais nous sommes allés au-delà. Nous avons gardé nos Marcheurs. Des gens, qui viennent du Centre droit ou du Centre, participent également à cette volonté de marquer les esprits dans cette élection. La première raison de ma candidature est que ce courant d’idées, qui n’est ni nationaliste, ni libéral, a vocation à être présent dans l’hémicycle.

- Ce n’est pas une liste En marche ?
- Non ! J’ai souhaité, dans cette volonté de rassembler encore davantage, ne pas prendre l’investiture de La République En Marche, même si vous avez vu qu’au niveau de ce mouvement, on m’a fait totalement confiance. J’ai leur expliqué que je voulais aller bien au-delà, que ma personnalité d’homme de gauche avait vocation à s’exprimer dans cette élection. On m’a laissé faire, on m’a laissé avancer pour pouvoir m’ouvrir à d’autres. Les gens, issus du mouvement radical ou du mouvement « Territoires de progrès », sont partie prenante de la majorité présidentielle à laquelle j’appartiens et où il y a aussi nombre de Socialistes qui me soutiennent. C’est cet ADN-là qui est porté pendant cette élection territoriale.
 
- Pourquoi avez-vous intitulé votre liste « Terre de progrès » ?
- C’est une petite référence à ce mouvement créé et présidé par Jean-Yves le Drian et Olivier Dussopt et où l’on retrouve bon nombre d’anciens Socialistes qui se sont fédérés au sein de la majorité présidentielle. Je crois que le symbole est là : la Corse doit accepter le progrès ! Il faut sortir de cette présentation de la Corse qui serait toujours en situation d’échec. Effectivement, des chiffres nous inquiètent, notamment concernant la précarité et la pauvreté que nous devons combattre. Il faut profiter de cette campagne territoriale pour parler des réussites qui sont les nôtres. Nous avons choisi de présentr la liste dans une exploitation agricole où les gens se lèvent le matin, travaillent et mettent en production cette terre. C’est un symbole formidable ! Dernièrement, Antoine Aiello a eu un prix du CNRS en tant qu’universitaire. Dans le domaine de l’industrie et de la viticulture, il y a également de vraies réussites, il faut qu’on en parle, qu’on les mette en avant. La Corse a vocation à aller vers le progrès. La formule, qui sied le mieux à l’action que j’entends mener avec mes colistiers, est : « Nous devons créer les richesses pour mieux les redistribuer ».

A Linguizetta.
A Linguizetta.
- Vous avez été un opposant à la majorité sortante, critique, mais pas systématique. Quel votre état d’esprit dans cette élection ?
- Nous allons garder ce même état d’esprit. Quand je pense que les choses vont dans le bon sens, dans l’intérêt général de la Corse, je suis prêt à soutenir la majorité sortante. Quand je pense qu’elles sont contre-productives, je les combats, notamment et y compris vis-à-vis des rapports avec l’État. Tout le monde connaît et je revendique, pendant cette élection, ma proximité avec le Président de la République. C’est un plus pour la Corse d’avoir un élu dans l’hémicycle qui est capable de parler directement au Chef de l’État pour solutionner le problème des Corses. Cela ne m’empêche pas quand je ne suis pas d’accord avec les politiques du gouvernement de le dire aussi ! J’y mets les formes, mais je le dis ! Ce que je sais, c’est qu’aujourd’hui, il ne peut pas y avoir de réussite en Corse sans une entente entre la Collectivité de Corse et l’État par rapport aux grands défis qui sont les nôtres, par rapport à la crise sanitaire que nous connaissons et qui risque de se transformer en crise économique et sociale. Quand on sait les moyens financiers dont notre île a besoin, sachant que le budget de la Collectivité de Corse est alimenté à 90 % par des transferts de l’État, cela ne peut fonctionner que dans une entente cordiale qui permet de résoudre les problèmes du quotidien des Corses.
 
- Quel est l’axe fort de votre programme ? La priorité ?
- Une conférence de presse est prévue cette semaine pour présenter notre programme, donc je ne vais pas vous le dévoiler pour l’instant, d’autant qu’il n’est pas encore totalement arrêté. Son fil conducteur, c’est de résoudre les problèmes du quotidien des Corses, de faire en sorte que les classes les plus précaires et les classes moyennes retrouvent leur pouvoir d’achat. Concrètement, cela veut dire, peut-être, des actions sur le carburant et sur le panier de la ménagère. La question des déchets évidemment, de la jeunesse, le traitement social des personnes âgées… Mais pas les questions institutionnelles dont on pense qu’elles ont vocation à exister, mais qui ne sont pas, aujourd’hui, la priorité des Corses. Ce sont des éléments qui ont guidé notre projet, qui ne sera pas une révolution par rapport à celui que j’avais présenté en 2017 parce qu’à l’époque, j’avais le même ADN. Malheureusement, nous n’avons pas pu le mettre en action, mais nous gardons le même état d’esprit qui correspond à la liste que j’ai présentée.
 
- Vous dites que vous portez les valeurs de la gauche. Lesquelles en particulier ?
- Je le précise souvent : je suis pour l’impôt et sa dégressivité. Je suis contre le déterminisme social. Je suis pour le progrès social, pour le progrès tout court. Ce sont ses valeurs-là que je défends. Les valeurs de laïcité, aussi, qui sont importantes. Je suis déterminé à lutter contre l’Extrême-droite et contre toutes les valeurs qu’elle véhicule. Il ne peut pas y avoir d’ambiguïté sur le sujet ! C’est en cela que je crois que le courant progressiste, auquel j’appartiens et que j’essaye de fédérer dans cette élection, a vocation à exister et à réaliser le meilleur score possible.

Le soutien d'Emile et de Jean Zuccarelli.
Le soutien d'Emile et de Jean Zuccarelli.
- Est-ce, pour vous, l’enjeu du 1er tour ?
- Oui ! L’enjeu, c’est que cette force, que j’entends incarner avec mes colistiers et qui n’est ni nationaliste, ni libérale, soit la plus forte possible dans l’hémicycle. Faire en sorte que l’on soit le plus nombreux possible pour faire entendre cette voix et pour peser dans les choix futurs du président de l’Exécutif et du président de l’Assemblée concernant les politiques publiques qui seront menées par la Collectivité de Corse. J’ambitionne d’être président de l’Exécutif ! Bien malin celui qui sait ce que cette balkanisation de la majorité nationaliste donnera en termes électoral ! Les rivalités, les difficultés entre les uns et les autres, quel sera le poids du candidat libéral ? Tout cela laisse une grande incertitude sur ce qu’il va se passer le soir du 1er tour ! Nous, notre objectif est d’être le plus haut possible. Nous prétendons encore pouvoir accéder au poste de président de l’Exécutif parce que, vous l’avez bien compris, je suis très critique vis-à-vis du bilan de la majorité sortante. J’entends, donc, bien être une alternative au président sortant.
 
- Que reprochez-vous à la majorité sortante ?
- Je fais plusieurs reproches. Le premier, c’est que la Corse a atteint un taux d’endettement colossal sans que derrière, il y ait eu des réalisations importantes en matière d’infrastructures. C’est quand même une critique forte ! On juge souvent un maire, un président d’intercommunalité, de Conseil général ou de région au regard des investissements qu’il a réalisés. Or, là-dessus, nous avons pris beaucoup de retard. Je suis critique parce que sur un dossier emblématique comme les déchets, que l’Exécutif annonçait pouvoir régler dans les six premiers mois de la mandature, l’échec est patent ! Il est même encore plus patent aujourd’hui lorsqu’on voit que celle qui a inspiré toute la politique de la collectivité territoriale est candidate face au président de l’Exécutif. Il y a donc, là-dessus, véritablement un échec ! C’est un échec aussi en matière ferroviaire où là aussi, on nous avait annoncé qu’il y aurait des avancées, cela n’a pas été le cas. Il n’y a pas aujourd’hui non plus véritablement de réussite dans les réponses aux problèmes du quotidien, à la lutte contre la précarité, l’augmentation du pouvoir d’achat des Corses… Je le dis, mais les plus critiques sont peut-être les différentes composantes de la majorité territoriale. Là-dessus, malheureusement, il y a un consensus !
 
- Gilles Simeoni a affirmé que son seul adversaire était Laurent Marcangeli. Il ne vous a pas désigné nommément. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
- Je n’ai pas vocation à commenter les positions de Gilles Simeoni. Ce que je sais, c’est que j’entends porter un projet qui a vocation à s’inscrire dans la République. C’est très clair ! Un projet qui a vocation à être une alternative à la majorité sortante, donc c’est avec cette idée-là que j’avance. Si le président de l’Exécutif ne nous considère pas comme une liste sérieuse, c’est dommage ! Nous allons essayer de lui démontrer qu’il a tort.


- Si vous passez la barre des 5% ou des 7%, quelle sera votre stratégie pour le 2nd tour ?
- Tout ce que je peux vous dire, c’est que le soir du 1er tour, je réunirai mes colistiers et, ensemble, nous prendrons une décision au regard du spectre qui sera sorti des urnes. Aujourd’hui, je ne suis capable que de vous redire ce que j’ai dit précédemment : je suis candidat pour être président de l’Exécutif de la Collectivité de Corse.
 
- Un front républicain avec Laurent Marcangeli ou une alliance avec l’une des listes nationalistes, est-ce une option envisageable ?
- Je ne m’inscrirai jamais dans un front républicain ! Je suis un homme de gauche, j’ai toujours été un autonomiste, je continue d’être un militant de la décentralisation, mais mon projet comporte aussi deux éléments fondamentaux. D’abord, il s’inscrit dans la République et ne peut pas se faire en marge. C’est un élément important ! Je serai, en tout cas, dans une majorité territoriale où les trois drapeaux, le drapeau corse, le drapeau français et le drapeau européen, seront présents, à la fois, dans le bureau du président de l’Exécutif et dans le bureau du président de l’Assemblée de Corse. Ensuite, il s’inscrit dans la volonté de résoudre les problèmes des Corses au quotidien. Mon projet se veut social, il sera fortement marqué par le social, et il veut être une alternative à la majorité territoriale sortante.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.

La liste "Terre de progrès" conduite par Jean-Charles Orsucci.
La liste "Terre de progrès" conduite par Jean-Charles Orsucci.