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Ghjurnate di Corti : Sous le signe des référendums d'autodétermination


Nicole Mari le Samedi 2 Août 2014 à 20:23

Comme chaque premier weekend d’août depuis 33 ans, se sont ouvertes, samedi matin, à Corte, E Ghjurnate internaziunale, organisées par le mouvement indépendantiste Corsica Libera. Comme d’habitude, les délégations habituelles sarde, basque, catalane et sicilienne et un invité d’honneur d’une brûlante actualité : la Palestine. Avec cette année, deux évènements exceptionnels : la généralisation de l’abandon de la lutte armée et les référendums d’autodétermination de l’Ecosse et de la Catalogne, prévus pour l’automne. Explications, pour Corse Net Infos, de Francescu Sargentini, membre du Comité exécutif de Corsica Libera.



Les délégations des mouvements indépendantistes autour des membres de Corsica Libera.
Les délégations des mouvements indépendantistes autour des membres de Corsica Libera.
- Quel est le thème de ces 33ème Ghjurnate di Corti ?
- Il y a deux thèmes généraux. Le premier, avec nos invités internationaux, concerne la situation des Nations sans Etat en Europe. Il y aura, avant la fin de l’année, un référendum en Ecosse et un en Catalogne. Ces deux peuples vont exercer leur droit à l’autodétermination sur décision propre de leur parlement. Le deuxième concerne la Corse où des évolutions sont en cours avec les décisions prises au niveau territorial et la déclaration du FLNC qui est venue conforter cette démarche politique. Nous sommes en train de vivre une situation exceptionnelle tant en Europe qu’en Corse. Nous espérons que l’ensemble des peuples et des Nations sans Etat vont, enfin, commencer à reconquérir leurs droits nationaux et à les exercer.
 
- Ces évolutions, que vous décrivez, sont-elles, selon vous, révélatrices d’un changement politique des peuples et des populations ?
- Oui ! Des changements énormes sont en train de se produire. Nous sommes présents, comme tous les peuples en lutte, depuis pratiquement la fin de la 2nde guerre mondiale, donc, depuis 50 ans. Les propositions, les idées et la volonté de changement sont en train d’aboutir et de s’inscrire profondément dans les démarches politiques. Aujourd’hui, tous les partis politiques centralistes, au niveau européen, sont obligés de tenir compte des différentes situations qui se posent dans les différents peuples. Les choses sont en train de changer en profondeur et de bouger dans le bon sens au niveau de l’Europe. En Corse, aussi naturellement. Pour nous, la situation est excellente pour concrétiser nos propositions et ces évolutions.
 
- Néanmoins, comme les Corses, les Basques, les Catalans, les Siciliens ou les Sardes dénoncent la fermeture de Paris, de Madrid ou de Rome à toute évolution. Les Etats centralistes ne sont-ils pas encore plus jacobins qu’avant ?
- Effectivement, partout, des Etats restent, toujours, arc-boutés sur de vieilles prérogatives qui ne fonctionnent plus. Mais, aujourd’hui, les différents parlements des différents peuples des Nations sans Etat prennent, eux-mêmes, leurs décisions et leurs responsabilités. Les Ecossais ont décidé d’organiser un référendum d’autodétermination. Le parlement de Catalogne a décidé, contre l’avis de Madrid, d’organiser un référendum d’autodétermination. L’Assemblée de Corse a décidé, contre Paris, de rentrer dans un processus de dialogue et de prise de décisions. Le changement se construit sur le terrain. Les forces politiques, qui sont en train de se construire et de se mettre en cohérence, vont obliger les Etats centraux à bouger.
 
- Le FLNC-UC, comme l’a fait l’ETA, abandonne la lutte armée. Que signifient ces processus en chaine de démilitarisation et quelles sont leurs conséquences ?
- Cela signifie que les différents mouvements de libération ont atteint un niveau où leurs idées ont pénétré la société et commencent à s’imposer dans les peuples. On le voit en Corse où des municipalités votent le statut de résident. Dans ces municipalités nationalistes, des conseillers municipaux de droite et de gauche approuvent le statut de résident ! On rentre dans une phase de construction de notre nationalité et de notre citoyenneté. Les Etats centraux ne pourront pas restés arc-boutés contre ces questions. Ils seront, à un moment donné, obligés de rentrer dans une phase de dialogue et de concrétiser un projet entre la Corse et Paris, la Catalogne et Madrid, l’Ecosse et Londres… Les processus sont en cours et vont s’intensifier.
 
- Toutes les délégations dénoncent une répression qui ne désarme pas. Vous lancez un appel aux Etats. Quel est-il ?
- Avec les évolutions qui sont en cours, nous demandons aux Etats centraux de changer fondamentalement de position. Que ce soit la France, l’Espagne et même l’Angleterre, ils restent sur une vision uniquement répressive. La situation devient intenable ! On ne peut pas, en même temps, nous demander de rentrer dans un processus démocratique et nous dire que nos propositions ne sont pas valables ! C’est un déni de démocratie ! Aujourd’hui, nous allons vers une construction uniquement publique et démocratique. Au moment où la nature du conflit est en train de changer, la question des prisonniers et des recherchés doit être aussi réglée par la libération des prisonniers politiques et l’arrêt des poursuites des personnes recherchées pour des faits politiques.
 
- Les Etats vous opposent, en dernier recours, l’Europe. Comment l’Europe réagit-elle à ces évolutions ?
- C’est faux ! La réflexion sur la question des Nations sans Etat est en train d’évoluer. Aujourd’hui, se pose celle de la citoyenneté européenne. Elle est en débat au niveau des instances européennes. Deux théories s’affrontent. La première dit qu’à partir du moment où on remet en cause les Etats centraux, membres de l’Europe, on perd la citoyenneté européenne. La deuxième théorie, qui est en train d’émerger et de se développer, dit qu’on ne peut pas ôter la citoyenneté européenne à des groupes de personnes qui sont, déjà, citoyens européens. Aucun mécanisme ne prévoit qu’on puisse m’enlever ma citoyenneté européenne ! Même si la Corse se sépare de la France, je serais toujours citoyen européen ! L’Europe ne pourra pas tenir dans sa configuration actuelle. La Catalogne, comme la Corse, rentreront en tant que nation au niveau de l’Europe.
 
Propos recueillis par Nicole MARI

Francescu Sargentini, membre du Comité exécutif de Corsica Libera.
Francescu Sargentini, membre du Comité exécutif de Corsica Libera.
Un 3ème débat sans les modérés

Dimanche, se tiendra à 16 heures, pour la 3ème année consécutive, un débat sur la situation politique en Corse et le processus de réforme institutionnelle engagé à l’Assemblée territoriale (CTC). Ce 3ème débat sera centré sur trois points : l’état d’avancement du processus de réforme, l’analyse de la déclaration du FLNC et les perspectives politiques pour l’avenir.
Seront présents : Pierre Ghionga, conseiller exécutif en charge de la langue corse, président de l’office de l’environnement et conseiller général de Corte, Pierre Chaubon, conseiller territorial, président de la commission des compétences législatives et règlementaires et maire de Nonza, Jean-Charles Orsucci, conseiller territorial, vice-président de la CTC, président du groupe socialiste à la CTC et maire de Bonifacio, Emmanuelle de Gentili, conseillère exécutive en charge de la politique européenne et de l’enseignement supérieur, présidente de l’office hydraulique, 1ère adjointe à la mairie de Bastia, membre du bureau national du parti socialiste, Jean-Baptiste Luccioni, conseiller territorial et maire de Pietrosella, Jean-Martin Mondoloni, leader du mouvement La Nouvelle Corse.
 
Un problème à régler
Un grand absent : Femu a Corsica. Depuis les élections municipales de mars dernier, le torchon brûle entre les Indépendantistes et les Nationalistes modérés. Même François Alfonsi, l’ex-député européen et maire d’Osani, pourtant grand fidèle des Ghjurnate n’a pas été convié. « Nous avons choisi les invités sur les bases des rapports politiques que nous entretenons avec les différentes personnes ou mouvements. Cette liste d’invités correspond à ce que voulait Corsica Libera. Après, se pose la question de Femu a Corsica que nous avons abordée au sein de l’Exécutif. Comme nous l’avons toujours dit, en tant que composante du mouvement national, ce sont des interlocuteurs que nous devons avoir. Mais, il faut aplanir le problème posé à Portivecchju et à Bastia depuis les dernières élections municipales. Pour cela, nous avons transmis une demande de rencontre entre les deux mouvements. Nous attendons la réponse. Nous souhaitons que nos relations redeviennent normales, des relations qui correspondent aux intérêts de la lutte du peuple corse », explique Francescu Sargentini.
Affaire à suivre…
 
N.M.