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Frédéric Alpozzo : "Est-ce que ce ne sont pas nos élus qui souhaitent la disparition de la SNCM?"


le Dimanche 7 Décembre 2014 à 19:44

La deuxième journée de la fête de Terre Corse, le mensuel du PCF et du Front de gauche a été marquée dimanche au péristyle du théâtre de Bastia, par une double intervention. Celle de Michel Stefani le matin sur le thème "L'espoir à gauche n'est pas mort, il faut le reconstruire" puis après le banquet républicain, auquel ont pris part de nombreuses personnes, puis une seconde de Frédéric Alpozzo, le secrétaire général du syndicat CGT des marins, sur "L'avenir de la SNCM et de la continuité territoriale de service public". Corse Net Infos fait le point sur le dossier avec le syndicaliste.



Frédéric Alpozzo (au centre aux côtés de Dominique Bucchini) en compagnie des militants du PCF et du Front de gauche
Frédéric Alpozzo (au centre aux côtés de Dominique Bucchini) en compagnie des militants du PCF et du Front de gauche
- La SNCM aujourd'hui selon vous ?
- La situation a été toujours claire pour nous. Aujourd'hui elle s'éclaircit, publiquement, parce que les mensonges racontés par le gouvernement, les actionnaires et même le président du conseil exécutif, apparaissent au grand jour : la délégation de service public n'est pas transmissible en faisant disparaitre la SNCM.

- Cela va poser un problème ?
- Non. En vérité cela n'en pose pas. La seule solution viable c'est qu'il y ait un repreneur dans le cadre de la continuité de la SNCM.  Il n'y a que l'actionnaire privé Transdev qui ne veut plus investir par choix politique du Gouvernement qui veut aujourd'hui se désengager du transport maritime parce que ce n'est pas assez rentable et que ça demande beaucoup d'investissements.

- Peut-on les convaincre  de se réengager ?
- Je crois que sauf à être irresponsables socialement, ce qu'ils sont déjà un peu, mais aussi politiquement, il va falloir qu'ils assument à ce moment-là le choix d'une liquidation de la SNCM  avec les graves conséquences que cela aura. Il y a quand même 2 000 emplois directs, 2 000 emplois induits dont plus d'un millier sur la Corse et trois quarts des entreprises qui, dépendantes de la compagnie, seraient condamnés à disparaitre. Cela entrainerait aussi, comme le réclame Corsica Ferries, la disparition du contrat de délégation de service public remportée avec la CMN pour les dix prochaines années. Dès lors il faudra passer par un nouvel appel d'offres. Cela veut dire que l'on veut installer le monopole low cost sous pavillon étranger sur le transport de passagers entre les ports de Corse, Toulon, Nice et Marseille avec une réduction de la DSP et pour conséquence un monopole qui, lui, ne "réinjectera" pas l'emploi  et donc ne fera pas vivre l'économie locale. Il aura donc détruit l'emploi mais il pourra aussi augmenter les tarifs pour le transports des usagers comme il le souhaite. D'un autre côté, il va être candidat sur, au moins, une ligne avec deux bateaux sur la DSP. L'on va donc refinancer avec l'argent du contribuable de la solidarité nationale, des navires sous pavillon étranger sans, en contre partie, de retombée sur l'emploi national et pas davantage en Corse pour le lycée maritime de Bastia que l'on pourra je pense, malheureusement, fermer.

- La suite des événements ?
- Pour nous, la SNCM est parfaitement viable. Quand on a l'Etat et la Caisse des dépôts, qui fait 1,5 milliards de bénéfice et 22 milliards de chiffre d'affaires, Veolia qui ne vit que des collectivités locales sur les contrats du service public de l'eau, il faut que nos élus locaux, tant en Corse que sur le Continent, interviennent comme ils en ont la capacité et le devoir auprès de ces actionnaires, notamment la Caisse des dépôts qui est contrôlée par l'Assemblée nationale, pour qu'ils assument la continuité de la SNCM.

- Ils peuvent les convaincre ?
- Ils ne peuvent non seulement les convaincre mais aussi les contraindre. La seule question à se poser est alors de savoir : est-ce que ce ne sont pas finalement nos élus qui souhaitent la disparition de la SNCM et du service public ? Les élus vont-ils, dès lors, agir ? Ou vont-ils laisser volontairement détruire la SNCM ? Et casser la DSP qui avait été adoptée par l'assemblée de Corse à une large majorité ? Les armateurs et les employeurs, à La Méridionale comme à la SNCM  sont, de leur côté, tout à fait d'accord pour réclamer le pavillon international français étendu aux lignes de la Corse et du Maghreb sur le modèle de Corsica Ferries. Demain les employeurs voudraient bénéficier des aides de l'Etat pour ne plus payer d'impôts et disposer d'une main d'œuvre à bas coût venue du monde entier au détriment de l'emploi national…

- On fait aussi le reproche à la CGT d'être responsable de la situation que connait la SNCM aujourd'hui ?
- Je peux comprendre que cette image soit véhiculée même si elle est totalement erronée. Parce que les conflits n'ont pas été menés par la seule CGT - même si nous n'avons pas honte de ce que nous faisons - et qu'ils n'avaient que pour seuls objectifs de défendre, au cours des dix années, uniquement l'emploi et le service public de continuité territoriale avec pavillon français de premier registre pour que l'emploi des marins sur les navires soit développé et notamment dans les lycées maritimes comme à Bastia. 
Mais si la compagnie va mal il y a d'autres explications concrète : on a financé pendant dix ans des compagnies low cost sous pavillon étranger, on a évoqué une fraude à la taxe sur les transports, il n'y a eu pas plus d'impôts que de taxe d'apprentissage versés par la Corsica Ferries. Quand on utilise le droit d'un pays étranger qu'on ne paye d'impôts sur le territoire national ou la région, que l'on bénéficie de 15 à 20 millions par an ainsi que des aides de l'Etat italien il n'y a pas de miracle économique de ce côté : il y a des subventions illégales et un dumping social financé par nos élus nationaux qui jouent contre les citoyens de leur propre pays.

- Mais la SNCM, elle-même, n'a pas fait tout ce qu'il fallait pour éviter de se mettre dans cette situation ?
- Tout a fait. Comme le choix stratégique totalement criminel de la part de la précédente direction, cautionné d'ailleurs par les actionnaires dont l'Etat, et un peu poussé du pied par le président de l'office des transports de la Corse Paul-Marie Bartoli, de demander à la SNCM d'ouvrir une ligne quotidienne au départ de Toulon. On savait que la Moby Lines avait déjà pris "un bouillon" l'année précédente. Mais pour satisfaire un besoin - en fret - qui n'existait pas et en sachant que cette même activité à destination de la Corse était largement subventionnée au départ de Marseille on a ouvert cette ligne. Les pertes, énormes, engendrées par cette décision ont aggravé le "trou" de l'entreprise d'une vingtaine de millions d'euros par an.

- Il y a eu, aussi, des promesses non tenues ?
- On connait aujourd'hui les causes des difficultés de la compagnie. Mais quand l'on évoque la responsabilité des salariés, il faut rappeler que les femmes et les hommes de la SNCM se lèvent le matin ou travaillent la nuit pour mener à bien leur mission de service public, transporter les passagers en totale sécurité et rendre le service aux usagers. Ces salariés-là ont fait beaucoup d'efforts en signant un pacte social - taux des congés diminués à bord des navires, rémunérations lissées pour maîtriser la masse salariale, disponibilité accrue du personnel pour éviter le recours aux CDD hormis la saison estivale - synonyme d'efforts de productivité importants effectués avec des garanties sur l'emploi et le redressement de l'entreprise avec la commande de nouveaux navires. Les efforts ont été faits, en revanche les garanties sur l'emploi et l'investissement industriel nécessaire ont été abandonnés par choix politique du Gouvernement. Dès lors, le président du conseil exécutif aurait été mieux inspiré de se tourner vers ce Gouvernement pour trouver une solution et éviter de nouveaux conflits à la SNCM, plutôt que chercher des navires à affréter chez Corsica Ferries ou autres et laisser les situations de conflits se préparer en cautionnant la casse de la compagnie…

- Et demain ?
- Toutes les solutions, même avec restructuration, existent pour la continuité de la SNCM. Elle pourrait permettre au cours des dix prochaines années, et pour le futur, de préserver l'emploi et de relancer l'activité de l'entreprise à condition, bien sûr, qu'elle reste entière avec les lignes d'Afrique du Nord.

- Avec les actionnaires actuels?
- Ce serait le plus simple. Il y a l'Etat avec 25% du capital, les salariés à 9% et la Caisse des dépôts à 50 % chez Transdev qui va monter dans les semaines prochaines majoritaire au capital. Le Gouvernement a les moyens d'une politique industrielle pour la continuité territoriale et la filière maritime en Corse et sur le continent avec le port de Marseillle. On va tout faire pour défendre cette solution. Elle est la meilleure pour l'emploi et pour l'utilisation de l'argent public sur l'investissement et demain pour les usagers. Si on a des entreprises publiques avec l'Etat et la Caisse des dépôts qui restent au capital même avec un actionnaire privé, on pourra toujours avoir l'efficience de l'argent public pour la réinjecter dans l'économie locale et de faire baisser le tarif pour les usagers. A l'inverse s'il y a un monopole de Corsica Ferries on n'aura plus de flotte, plus d'emploi et l'augmentation de ces tarifs. Et peut-être ne maitriserons-nous juste le trafic de marchandises. Ce sera une catastrophe sociale et économique qui pourrait gagner, demain, l'aérien… Je pense que les élus en Corse - pas tous - l'exécutif en tout cas met en danger, volontairement, le service public de continuité territoriale et ça ne va pas s'arrêter à la SNCM …

Les rencontres-débats

Les manifestations prévues dans le cadre de la fête de Terre Corse se poursuivent selon le calendrier suivant :
Lundi 8 Décembre 18h30, espace d'éducation populaire Albert-Stefanini
Claude Franceschi, l'atelier du conte : " Histoire d'une famille presque comme les autres"
Mardi 9 Décembre 18h30
Plan terrier de la Corse 1770-1795, Anne Meisterhein conférence-débat "Une aventure humaine et scientifique remarquable"
Mercredi 10 Décembre 18h30
Ange Rovere, conférence-débat : "Le mythe Pascal Paoli"
Jeudi 11 Décembre 18h30
Sixte Ugolini présente son ouvrage "Ricordi Muratinchi"
Samedi 27 Decembre 16 heures
Scène ouverte aux jeunes talents du rock avec " Dial Code" et de nombreux autres groupes