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François-Xavier Ceccoli : « La concurrence entre acteurs privés est indispensable dans la desserte maritime »


Nicole Mari le Dimanche 29 Juillet 2018 à 22:07

Les quatre dossiers concernant la desserte maritime de la Corse ont été adoptés à l’unanimité, vendredi matin à l’Assemblée de Corse, notamment la renonciation à l’achat des deux navires Paglia Orba et Monte d’Oru, le prolongement de la Délégation de service public (DSP) entre Marseille et la Corse, et les Obligations de service public (OSP) sur les autres lignes avec la baisse des tarifs et le recentrage sur le fret. Si la droite, opposée à la création d’une compagnie régionale, s’est félicitée de ces décisions, elle a émis certaines réserves et quelques inquiétudes. Explications, pour Corse Net Infos, de François-Xavier Ceccoli, conseiller territorial du groupe La Corse dans la République et maire de San Giuliano.



François-Xavier Ceccoli, conseiller territorial du groupe La Corse dans la République et maire de San Giuliano. Crédit photo M.L.
François-Xavier Ceccoli, conseiller territorial du groupe La Corse dans la République et maire de San Giuliano. Crédit photo M.L.
- Pourquoi avez-vous voté les quatre rapports de l’Exécutif ?
- Il faut être pragmatique ! Nous avons tous voté pour le retrait de l’opportunité d’acquisition des deux navires, mais nous l’avons fait pour des raisons diamétralement opposées. Nous félicitons une certaine prise de conscience de la majorité et puis, peut-être, un retour sur terre ! Cela aurait été une erreur d’acheter ces bateaux. Beaucoup d’argent pour un résultat qui reste aléatoire. Quand les choses vont dans le bon sens, il faut savoir le saluer et surtout le voter.
 
- Néanmoins, les désaccords persistent ?
- Oui ! Nous sommes opposés de manière ferme à la création d’une compagnie régionale. Nous avons vécu les affres d’une compagnie publique d’Etat qui s’appelait la SNCM avec 15 grèves en 15 ans ! Nous en avons subi les conséquences, ne serait-ce que sur les clémentines. Imaginez donc l’impact sur l’économie corse en général ! Nous considérons que l’offre des compagnies privées est suffisante par rapport à ce qui semble nécessaire en termes de rotation maritime en Corse. Nous avons voté contre l’acquisition des navires pour cette raison-là. Mais, nous avons vu que la majorité n’en démord pas, elle est toujours dans l’esprit de créer, plus tard, une compagnie maritime publique. Donc, le désaccord persiste sur le fond.
 
- L’Exécutif estime que la compagnie régionale serait un outil de maitrise des transports. N’est-ce pas le cas ?
- Non ! Je crois qu’il y a vraiment une divergence d’appréciation au niveau politique. Nous considérons que la Collectivité de Corse n’a pas à jouer un rôle d’armateur, ni à assurer la maîtrise d’une compagnie publique parce que c’est quelque chose de très compliqué ! C’est un monde, on le voit bien, en forte évolution. Ne nous leurrons pas : une telle compagnie viendrait perturber l’offre privée qui lui fera face. Est-ce l’intérêt des Corses d’avoir une offre perturbée par la présence d’un acteur public dont le lien serait avéré avec la Collectivité qui en serait même en quelque sorte l’ordonnateur ? Nous pensons vraiment que ce n’est pas comme cela que les choses doivent se faire.
 
- Que préconisez-vous ?
- Nous prenons, en exemple, l’analyse européenne qui prévaut en la matière et qui dit simplement que l’action publique ne doit intervenir que lorsque il y a une carence de l’action privée. En l’occurrence sur la Corse aujourd’hui, nous estimons qu’il n’y a pas de carence de l’offre. On peut aller vers une diminution des coûts et une sécurisation plus avancée, mais, eu égard à ce que nous avons connu il y a peu d’années, la situation de l’offre maritime est, quand même, bien meilleure.
 
- Vous dites qu’il faut rester très vigilant sur la concurrence. Pourquoi ?
- Je persiste et je signe : l’offre maritime est, aujourd’hui, de bon aloi. Elle se compose de quatre compagnies à minima auxquelles viennent se greffer d’autres compagnies pendant la période estivale. Cette offre diversifiée est de nature à permettre une concurrence. Nous sommes contre tout rapprochement de compagnies ou toute disparition parce que toute création d’un monstre privé serait encore pire qu’un monstre public ! Un monopole privé est encore plus nocif qu’un monopole public. Il faut, donc, être extrêmement vigilant en la matière. Nous pensons que la concurrence entre acteurs privés est indispensable et garantit que nous puissions prendre le bateau à des prix qui ne soient pas prohibitifs et en ayant le choix. C’est notre rôle de vérifier que la concurrence s’exerce de manière saine et sereine. C’est ce que nous avons demandé à l’Exécutif : vérifier que l’offre continue d’être diversifiée et surtout indépendante. Vérifier aussi que les coûts n’ont pas tendance à évoluer dans l’intérêt contraire des Corses.
 
- Les tarifs baissent. Vous vous en réjouissez, mais y mettez un bémol. En quoi consiste-t-il ?
- Oui, les tarifs baissent, mais attendons de voir combien cela va nous coûter ! Bien évidemment, il faut permettre aux Corses de voyager moins cher, donc Oui à la baisse des tarifs, mais attention, il faudra donner une compensation. Et, j’attends de voir, au gré de la consultation publique, quelle sera la demande des compagnies retenues en espérant qu’elle ne soit pas en hausse. Là-dessus, il est très important que le privé fasse aussi des efforts afin que cette baisse de tarifs, qui est actée pour les Corses, ne coûte pas, in fine, plus cher au niveau de la Collectivité. Ce qui reviendrait quasiment au même !
 
- L’alignement des OSP sur la DSP est-ce une bonne chose ?
- Oui ! Tout à fait ! Cela va dans le bon sens. La baisse, à la fois, des tarifs pour les passagers et pour le fret, avec l’idée d’aligner le coût du transport maritime sur celui du transport terrestre sur le continent, est quelque chose de cohérent. Il ne s’agit pas de faire disparaître le coût du transport maritime, mais d’atténuer ses effets sur l’insularité. Le bémol porte également sur les tarifs Export et Export Plus qui concernent énormément d’entreprises corses « exportant » sur le continent. Aujourd’hui, ce prix à l’Export ne baisse pas. Nous avons demandé à la présidente de l’Office des transports, Vanina Borromei, d’être en capacité d’intervenir pour prorater cette baisse afin que les acteurs puissent voir leurs coûts diminuer.
 
- Dernier point que vous avez soulevé : l’avance pénalisante de trésorerie. De quoi s’agit-il ?
- C’est un point sur lequel j’insiste : aujourd’hui, les acteurs, qui exportent sur le continent, sont obligés de faire une avance de trésorerie, c’est-à-dire qu’ils payent un tarif plein pot et font, ensuite, une demande de remboursement. Il nous paraîtrait opportun que les petits exportateurs, que sont les PME, les agriculteurs et autres…, payent, dès le début, le tarif réduit. En clair, ne plus faire assumer le rôle de banque aux petits, mais bien aux gros, et, donc, aux compagnies maritimes.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.