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François Filoni : "Mes principaux adversaires sont le chômage, la vie chère, la misère et le clientélisme"


MV le Mercredi 26 Mai 2021 à 19:18

Réaliser un score à deux chiffres pour que le « premier parti de France » soit représenté à l’Assemblée de Corse, c’est l’objectif de François Filoni, chef de file de la liste du Rassemblement National (RN), « Les nôtres avant les autres », pour l’élection territoriale des 20 et 27 juin prochain. L’ancien adjoint au maire d’Ajaccio, et ancien vice-président de la CAPA, entend bien surfer sur la dynamique de Marine Le Pen au plan national et proposer de nouveaux choix, notamment en matière économique. Il explique à Corse Net Infos qu’il faut sortir l’île de l’économie d’assistanat et agir sur la cherté de la vie pour ramener la prospérité à l’ensemble des Corses. Notamment par la mise en place d’une zone franche, d’un incinérateur pour traiter les déchets, et par la fin des monopoles dans les transports.



François Filoni, candidat du RN aux élections territoriales de juin.
François Filoni, candidat du RN aux élections territoriales de juin.
- Vous vous présentez sous les couleurs du Rassemblement national. Pourquoi ce choix ?
- Aujourd’hui, la France, l’Europe, et la Corse, en même temps qu’elles traversent la crise sanitaire de la Covid-19, font face à une crise profonde d’identité et de civilisation. Aussi bien les sondages que les scores électoraux placent le Rassemblement National en position de dernier rempart de notre modèle de civilisation qui nous a été transmis par nos parents. Aussi, il appartient à tous les citoyens qui refusent ce monde racialiste, violent et haineux, de se mobiliser pour protéger notre modèle de civilisation qui se trouve gravé en trois mots sur nos pièces de monnaie : « liberté, égalité, fraternité ».

- Vous êtes ancré sur Ajaccio, Forza Nova plutôt sur Bastia. Pourquoi n’avoir pas fait liste commune pour vous donner plus de force à deux ?
Le Rassemblement National représente en Corse plus de 500 militants encartés et présents dans toutes les micro-régions. C’est aussi 11 millions d’électeurs au niveau national. Et 27 % des Corses ont voté Rassemblement National aux élections européennes. Concernant l’association Forza Nova, elle est à des années-lumière des fondamentaux et des orientations du Rassemblement National. Dans ses statuts, elle prône l’auto-détermination pour le peuple corse - donc, elle est indépendantiste. Il est donc impensable et impossible pour notre parti de faire une alliance avec elle, même si elle tente, par moments, de faire croire qu’elle serait une scission de l’ancien FN ! Ce n’est pas le cas ! D’ailleurs, le président de cette association ne cache pas ses sympathies passées avec le mouvement Corsica Libera. J’invite, donc, les électeurs du Rassemblement National à ne pas se laisser abuser. Je le dis et je le répète, nous ne travaillerons jamais avec eux, ni aujourd’hui, ni dans l’avenir. 

- Vous étiez l’ancien adjoint de Laurent Marcangeli à la mairie d’Ajaccio avant d’être son adversaire aux municipales de 2020 et encore aujourd’hui. Avec le RN, chassez-vous sur les terres de la Droite ?
-
Le RN ne chasse pas. Il rassemble les citoyens qui ont à coeur l’intérêt général de la Corse et de la France. Concernant plus particulièrement le positionnement politique, si je conduis aujourd’hui la liste du Rassemblement National, c'est qu'elle a également reçu le soutien de la Droite Populaire, présidée par Thierry Mariani, et qui, selon les sondages, gagnerait l’une des plus grandes régions de France. Oui, le Rassemblement National rassemble une grande partie des électeurs de la Droite gaulliste, alors que, dans le même temps, Laurent Marcangeli se rapproche, par ses soutiens, de la Gauche et des Macronistes ! Il espère ainsi, au nom d’un front républicain, faire barrage à Gilles Simeoni et au Rassemblement National. Si, en tant que démocrate, je respecte ses choix, j’en conteste, néanmoins, les méthodes qui consistent à caricaturer les autres candidats, faute de proposer de véritables projets et des solutions pour la Corse. 

- Pensez-vous réussir à bénéficier au niveau local de la dynamique de Marine Le Pen au niveau national ?
Compte-tenu de l’accueil qui nous est fait depuis plusieurs mois par la population, nous allons, bien sûr, bénéficier, comme partout sur le territoire national, de la bonne image de Marine Le Pen et de ses propositions. Nous pensons qu’au soir du 1er tour, avec un score à 2 chiffres, nous serons, pour l’ensemble de nos compatriotes, une lumière dans la nébuleuse politique, compte-tenu des propositions fortes que nous portons dans notre programme pensé, réfléchi et financé.

François Filoni et ses colistiers à Ajaccio.
François Filoni et ses colistiers à Ajaccio.
- Votre liste s’intitule : « Les nôtres avant les autres ». Pouvez-vous expliquer ?
- Tout comme une mère nourrit son enfant, nous voulons que la Corse soit en capacité d’amener la prospérité à l’ensemble des insulaires. Aussi, nous allons créer les conditions qui donneront aux 27 000 chômeurs et aux 75 000 personnes vivant sous le seuil de pauvreté, sans oublier les commerçants, les artisans, les agriculteurs, les professions libérales..., dont les fins de mois se situent aux alentours du 10, une ligne d’horizon qui leur permette de croire en des jours meilleurs. 

- Sur quels thèmes prioritaires allez-vous faire campagne ?
- Il nous faut, en priorité, sortir de cette économie d’assistanat et tourner le dos à la fiscalité confiscatoire par la mise en place d’une zone franche qui récompensera ceux qui se lèvent tôt pour travailler. Nous voulons réconcilier la Corse et les insulaires avec le mot : méritocratie. Le deuxième grand problème, qu’il nous faut traiter définitivement, est celui des déchets et particulièrement, celui de la pollution de nos sols par l’enfouissement. Le troisième grand sujet est la vie chère en Corse. Depuis deux décennies, la Droite, la Gauche et les Nationalistes n’ont eu qu’une approche d’observateurs. Il nous faut faire, de la Région, une région stratège qui agit. On ne peut pas, dans ce domaine, alors que l’on a toutes les compétences avec l’Office des transports, avoir les transports de marchandises les plus chers d’Europe, dont les coûts sont répercutés inexorablement sur les consommateurs. Nous allons nous attacher à mettre fin aux monopoles qui handicapent la démocratie et le pouvoir d’achat des insulaires. Pour exemple, je rappelle qu’une remorque de 12 mètres à destination de la Corse se chiffre à 1200 euros, alors que pour la Sardaigne la même remorque se chiffre à 450 euros. Cette différence n’est plus acceptable ! Il nous faudra aussi agir sur le prix des carburants qui est, lui aussi, l’un des plus gros budgets des insulaires. Le quatrième grand sujet est le réseau routier, indigne d’une région moderne. Il n’est plus acceptable de passer une heure dans son véhicule chaque jour pour parcourir une dizaine de kilomètres. Il nous faudra redessiner un schéma pour les 30 ans à venir. 

- En quoi, selon vous, une zone franche serait-elle utile en Corse ?
La zone franche serait utile en Corse car elle est un outil d’éthique et de loyauté dans le monde de l’économie. Depuis bientôt une décennie, la Corse voit défiler des travailleurs détachés, des sociétés étrangères qui viennent siphonner l’économie locale et qui ne paient pas les charges au même niveau que les insulaires. Je rappelle que, de 1997 à 2002, la zone franche a permis à la Corse d’atteindre les meilleurs indicateurs économiques auprès de la Banque de France. Il est important de permettre à nos commerçants, artisans, agriculteurs, professions libérales..., de se battre à armes égales contre cette économie mondialiste. De plus, une telle mesure offrirait une bouffée d’oxygène aux entreprises durement touchées par la crise sanitaire et permettrait de sauver celles qui envisagent de mettre la clé sous la porte. 

- Vous avez été vice-président de la CAPA en charge des déchets. Comment préconisez-vous de sortir de la crise structurelle des déchets ? 
- La Corse possède deux tristes records : elle est la région qui enfouit le plus, et elle a le coût de traitement des déchets ménagers 300% plus cher que la moyenne nationale. En 2035, l’Europe préconise un maximum d’enfouissement de 10% des déchets produits. Il nous faut donc anticiper par la valorisation énergétique cette situation nouvelle qui s’imposera à tout le continent européen. Nous proposons, donc, de transformer nos poubelles en énergie électrique et de mettre fin par ce procédé aux crises récurrentes des déchets. Je rappelle que la Sardaigne, notre plus proche voisin, possède deux incinérateurs qui fabriquent de l’électricité qu’elle nous revend car notre réseau électrique ne peut subvenir à nos besoins. Je rappelle également que toutes les villes modernes et grandes agglomérations sont dotées d’un incinérateur (Nice, Monaco, Marseille, etc.).

- Vous vous exprimez sur des sujets plus nationaux qui sont le cheval de bataille du RN, comme l’islamisme. Sont-ils audibles en Corse qui semble, pour l’instant, épargnée ? 
- Un vieux dicton dit « gouverner, c’est prévoir ». Il suffit aux insulaires de regarder autour d’eux pour voir, tous les jours, des signes ostentatoires manifestant une appartenance religieuse dans les lieux publics et dans nos rues. Ce n’est pas le fait du hasard, mais bien celui de l’arrivée de certains rigoristes qui poussent des populations au communautarisme. Il suffit de faire le tour des parcs de logements sociaux pour voir que la mixité n’existe déjà plus dans ce secteur. La ville de Rambouillet, elle aussi, se pensait épargnée par cette problématique et cette détestation du Français et de son mode de vie… Les images de violence et de haine doivent être, pour nous, un avertissement avant un réveil douloureux et des nuits cauchemardesques. 

- Partagez-vous toutes les positions de Marine Le Pen sur ce sujet ?
- Marine Le Pen fait preuve d’une lucidité totale. Elle ne confond pas l’Islam et l’islamisme. Les caricatures, que certains tentent de lui faire, ne fonctionnent plus. Un Français sur deux s’apprête à voter pour elle. D’ailleurs, comment pourrait-on reprocher à une élue de vouloir protéger ses compatriotes ? 

- On parle de la venue de Jordan Bardella en Corse. Est-elle confirmée ?
- Oui ! Jordan Bardela sera là le 2 juin. Il veut, par sa visite, bien entendu, soutenir la liste que je conduis, mais aussi honorer le plus illustre des Corses. 

- Quel est, pour vous, l’enjeu de cette élection ? Retrouver le score du parti Bleu Marine en 2015 ?
- Oui ! Nous voulons réaliser un score à 2 chiffres, fermer la parenthèse de 2017 grâce à des propositions claires et chiffrées. L’enjeu est très important, pas simplement pour nous, mais pour la Corse. Il est essentiel pour la démocratie que le premier parti de France soit bien représenté pour faire entendre la voix d’un tiers des Corses qui lui ont fait confiance aux dernières élections européennes, comme il est important que nous soyons présents pour proposer de nouveaux choix dans les domaines économique, culturel et identitaire. 

- Si vous ne passez pas la barre des 7%, quelle sera votre stratégie du 2nd tour ?
- Nous passerons la barre des 7% !

- Si vous êtes entre 5 et 7%, une fusion avec la liste de Laurent Marcangeli est-elle envisageable à l’instar de ce qu’il pourrait se passer sur le continent entre des listes de Droite et le RN ?
- Philippe Séguin, à son époque, disait que la Droite et la Gauche étaient des détaillants politiques, mais qu’ils n’avaient qu’un seul grossiste : l’Europe et la mondialisation ! Aujourd’hui, je peux faire un parallèle, puisque ce n’est un secret pour personne, Laurent Marcangeli et Gilles SImeoni appelleront à voter dans 10 mois pour Emmanuel Macron. Ces deux candidats étant, donc, des détaillants politiques de la Macronie, il n’y aura pas d’accord ou de fusion. Pour autant, si les urnes nous mettent en position d’arbitrage, nous ne ferons, ni de l’anti-Marcangeli, ni de l’anti-Simeoni, nous voterons en fonction des intérêts de la Corse. Nous serons, donc, dans une position constructive. 
 
- Si vous ne passez pas la barre des 5%, donnerez-vous des consignes de vote ?
- Nous passerons la barre des 5% et nous appellerons les électeurs à amplifier notre score pour le 2nd tour. 

- Qui est votre principal adversaire dans cette campagne ? 
- Mes principaux adversaires sont le chômage, la vie chère, la misère et le clientélisme.

Propos recueillis par M.V.