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Extinction de la biodiversité : le film "Animal", en projection unique à Bastia


Philippe Jammes le Vendredi 20 Mai 2022 à 14:16

Ce vendredi à 19 heures le cinéma Le Régent à Bastia propose une projection unique du film de Cyril Dion : « Animal », sélection officielle au festival de Cannes 2021 et sorti en décembre dernier.



En 2015, Cyril Dion avec co-réalisé avec Mélanie Laurent le film, « Demain », démontrant qu’il existait des solutions à la crise climatique.
« Aujourd’hui, Animal s’attaque à l’autre grande crise écologique : la 6ème extinction de masse des espèces » souligne le réalisateur. « Ces 40 dernières années 68% des populations d’animaux sauvages vertébrés ont disparu. Le film nous emmène dans un voyage à travers le monde pour comprendre ce phénomène, et surtout, comment nous pourrions l’enrayer. Nous voulons tracer une autre histoire possible de l’avenir. Redonner espoir et enthousiasme. Nous en avons plus que jamais besoin. »


Cette projection se fera en présence d’un grand spécialiste du climat, François Dulac qui a profité de sa venue pour faire toute une série de sensibilisations au climat auprès des scolaires cette semaine. CNI l’a rencontré 
 


- François Dulac en quelques mots …
- Je suis chercheur-ingénieur CEA au LSCE, Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement, un gros laboratoire de recherche académique situé à Gif-sur-Yvette dans l'Essonne dont de nombreux membres, en particulier Valérie Masson-Delmotte, contribuent aux rapports du GIEC. Mon activité principale de recherche concerne le transport à grande distance de la pollution atmosphérique, et ses impacts, notamment sur le climat. J'ai beaucoup travaillé sur l'atmosphère méditerranéenne, et notamment sur les poussières sahariennes, depuis ma thèse de doctorat dans les années 80. Durant la décennie 2010-2020, j'ai coordonné un gros projet d'étude de la  chimie atmosphérique et de ses impacts en Méditerranée intitulé ChArMEx (Chemistry-Aerosol Mediterranean Experiment), au cours duquel nous avons mis en place pendant 25 mois sur les hauteurs d'Ersa un observatoire très complet d'observations continues de la physico-chimie de l'atmosphère, et effectué 3 grandes campagnes d'observations durant les étés 2012, 2013 et 2014 avec différents moyens aéroportés (avions, ULM, ballons) et un voilier instrumentés. Un documentaire d'une demi-heure intitulé Science en Plein Ciel, Opération ChArMEx, sur notre plus grande campagne qui a mobilisé plus de 3000 personnes x jours en 2013, est disponible en ligne. En novembre 2012, j'avais contribué avec deux autres collègues à une conférence grand public à la Mairie d'Ajaccio sur le changement climatique et la pollution atmosphérique en Méditerranée et votre média s’en été fait écho.  Je fais aussi partie des scientifiques qui font de la vulgarisation scientifique auprès des scolaires et du grand public pour l'Institut Pierre Simon Laplace des Sciences de l'Environnement d'Ile de France (IPSL), qui regroupe les laboratoires d'Ile de France sur ces sujets.

- Vous étiez déjà venu aussi à Bastia dans le cadre de la manifestation « Une minute de Soleil en plus » …
- Effectivement, je suis déjà venu parler de pollution atmosphérique et de changement climatique à Bastia en 2019 à l'invitation de Raoul Locatelli pour son association Une minute de Soleil en Plus. J'ai aussi été accueilli dans des classes du primaire début 2020, à l'initiative d’un enseignant, Philippe Frasseto, que j'ai conseillé pour la réalisation du MOOC éducatif sur l'atmosphère et le climat intitulé - Soyez Polis avec l'Atmosphère - qu'il a réalisé avec ses élèves de CE2. Je suis aussi notamment chargé du développement d'un jeu pédagogique sur le changement climatique, ClimaTicTac, développé initialement par des chercheurs et médiateurs scientifiques du CEA, du CNRS, de Sorbonne Université et de l'Association parisienne Science, Technologie, Société (ASTS) pour toucher les jeunes. Nous avons pu faire distribuer dans un millier de collège en Ile de France grâce à des financements des collectivités locales. Il s'agit d'un jeu de plateau coopératif qui met en jeu l'habitabilité des villes de la planète sur le siècle en cours à travers une mécanique de jeu relativement simple. Les joueurs sont confrontés à l'augmentation de la concentration en CO2 dans l'atmosphère et aux impacts des aléas climatiques qui en résultent, et se concertent pour choisir parmi celles possibles des actions limitant les émissions humaines de gaz à effet de serre ou d'adaptation des villes pour préserver leur habitabilité. Le côté ludique est renforcé par l'utilisation de défis tels mimes, dessins, bouche à oreille, qui permettent d'améliorer l'effet des actions en cas de réussite. Le choix des villes réparties sur les différents continent, le contenu des cartes -Action- et des cartes -Aléa- est basé sur la réalité. Le CNRS a récompensé la vingtaine de personnes qui ont contribué à ce projet à l'occasion de sa première remise de médailles de la Médiation Scientifique, en septembre dernier. Le jeu a aussi été bien perçu par les adultes, de sorte que nous avons passé un accord avec l'éditeur de jeux éducatifs Bioviva qui commercialise une version pour les familles depuis septembre dernier également, basée sur notre version et appelée Climat Tic-Tac, que nous utilisons maintenant.


- Cette semaine vous étiez de nouveau sur l’Île …
- J'ai été sollicité par Marie Frasseto pour l'association Pace Salute afin de faire connaître ce jeu Climat Tic-Tac et sensibiliser au changement climatique en Corse, et nous avons organisé diverses interventions sur une semaine pour profiter de mon aller-retour. J'étais présent dimanche dernier pour la 2ème édition de -Rivolta di l'Orti- organisée par Orma Creazione pour présenter le jeu, et je suis intervenu plusieurs fois cette semaine avec le CDI du collège de Montesoro à Bastia pour faire jouer des classes de 5ème et 4ème. J'ai également accompagné une projection aux élèves de la 4ème de SEGPA du très beau documentaire – Legacy, Notre héritage- de Yann Arthus-Bertrand, mis à disposition par la Fondation Good Planet pour des projections éducatives sur l'évolution catastrophiques de la biodiversité et du climat sous l'effet de l'homme. Ce jeudi j’étais au lycée-collège Pascal Paoli de Corte pour faire découvrir le jeu et rencontrer Bernard Capelli, Inspecteur Pédagogique Régional pour les Sciences de la vie et de la Terre et Chef de Mission académique pour l'Education au Développement Durable afin d'étudier la possibilité de faire distribuer le jeu dans les établissements secondaires de Corse. Ma semaine de vulgarisation en Corse se terminera ce vendredi en accompagnant la projection du dernier film, Animal, de Cyril Dion au cinéma Le Régent. Nous aurons malheureusement peu de temps pour les échanges avec le public dans la salle mais pourrons prolonger les échanges dans un restaurant proche qui a accepté de nous mettre une salle à disposition.


- Un mot sur ce film de Cyril Dion ?
- Animal aborde le problème de l'extinction en cours de la biodiversité, une bombe à retardement pour l'humanité au même titre que le changement climatique, les deux crises étant d'ailleurs interdépendantes. Ce documentaire suit le parcours à travers le monde et les rencontres avec des personnalités exceptionnelles de deux adolescents issus d'une génération dont l'avenir paraît gravement menacé, et qui veulent modifier la trajectoire mortifère dans laquelle l'humanité semble enlisée. Il permet de comprendre que changer notre regard et notre relation au monde vivant est une des clés pour retrouver espoir et enthousiasme. Je recommande absolument ce film aux adolescents et à leurs parents et grands-parents.


- L'évolution du climat en Corse ?
- Depuis quelques décennies, Météo-France observe le déplacement vers le nord des climats de la région méditerranéenne, ayant entraîné par exemple une avancée progressive des dates de vendanges de plusieurs semaines partout en France. La température de surface à Bastia et Ajaccio a déjà augmenté en moyenne de plus de 1,5°C et la tendance en Corse est à l'allongement de la période d'été chaude et sèche, avec une augmentation des risques de canicules, de pénurie d'eau, et de feux en été, et une diminution de l'enneigement sur les hauteurs. Même si ce n'est pas encore très significatif en Corse, l'augmentation des températures estivales de la mer Méditerranée devrait augmenter l'intensité des évènements de précipitations intenses en automne sur les reliefs, et la hausse du niveau marin affectera les littoraux. Le risque majeur à moyen terme en Corse, l'île la plus boisée de la Méditerranée, est sans doute celui des incendies de forêt.