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Européennes : La Corse en habit vert


Jacques RENUCCI le Lundi 27 Mai 2019 à 20:19

L'élection de François Alfonsi comme député européen installe les problématiques environnementales dans le champ de réflexion du mouvement nationaliste



Européennes  :  La Corse en habit vert

D'ordinaire, les élections européennes se sont distinguées par le désintérêt qu'elles suscitent. Cette fois-ci, cela n'a pas été le cas, et c'est tant mieux. La participation s'est améliorée, pour des raisons de politique intérieure (la bipolarisation Macron-Le Pen) ou par une prise de conscience d'enjeux supra-nationaux. C'est dans cette catégorie qu'il faut placer la percée inattendue d'Europe-Ecologie Les Verts. Sur les 700 députés européens, il y aura 70 écologistes, et l'un d'eux, François Alfonsi, représentera la Corse, un retour dans une assemblée qu'il connaît déjà.

Le électeurs de l'île ont placé les Verts en seconde position derrière l'extrême-droite, le Rassemblement National étant habitué désormais à ce leadership régional. Quant aux partis traditionnels et aux mouvements plus récents, ils s'effondrent et en sont réduits aux interrogations douloureuses, non seulement sur leur fonction au sein de la société, mais aussi sur l'image qu'ils donnent d'eux-mêmes.

 

Une écologie pragmatique

 

Le paysage politique général se recompose donc; au plan local, on aura tendance à y voir un succès de plus pour le nationalisme. Pourtant, on se souvient que la candidature de l'unique élu insulaire n'a pas fait d'emblée l'unanimité au sein de sa mouvance; on a buté sur des questions de méthode de désignation, si ce n'est des questions de personnes, donnant à François Alfonsi un rôle clivant auquel il n'était pas habitué... L'écologie et le nationalisme sont historiquement longtemps allés de pair à l'assemblée de Corse. Lorsque, dans les débats, les nationalistes étaient traités de fascistes ou de totalitaires, les verts devenaient, par contagion, les « verts-de-gris » ou les « khmers verts ». C'était avant que l'écologie - au sens large du terme – ne s'impose à l'opinion publique comme une nécessité liée à la survie de l'espèce humaine. La Corse a apporté sa part aux trois millions de voix qui se sont portées sur Yannick Jadot, qui s'est fait le chantre d'une écologie pragmatique. François Alfonsi, de ce point de vue, a déjà lié les questions environnementales à l'écologie politique. Il est en phase avec une pratique annoncée qui désire un socle concret. Ainsi, EELV est ancré à gauche (Jadot s'était rallié à Benoît Hamon lors de l'élection présidentielle) mais est favorable à l'économie de marché.

 

Un « centre de gravité »

 

François Alfonsi, il l'a dit, fera entendre la voix de la Corse, notamment dans le concert des îles, et son élection, qu'on le veuille ou non, donne une dimension supplémentaire au nationalisme gestionnaire. A ce titre, le soutien répété de l'exécutif territorial a été perçu comme positif, surtout qu'il se faisait sans calcul – avant que les derniers sondages ne soient démentis dans les faits, avec des scores inattendus et inespérés. La prise de position de Gilles Simeoni et son appel à voter vert ont-ils eu une incidence sur le résultat ? Probablement; en même temps, il a donné de la cohérence supplémentaire au discours d'ouverture qu'il tient habituellement, tout en montrant son intérêt pour les problèmes du moment. Son coup de pouce a rejoint le grand élan écolo qui a touché l'électorat corse comme celui du reste de l'Europe. Yannick Jadot voudrait que l'écologie devienne « le centre de gravité » de la politique française. En Corse, on n'en est pas encore là. Mais le côté « non idéologique » de cette mobilisation donne un ciment de restructuration inespéré à un électorat nationaliste qui, de conflit en tensions entre les leaders, avait tendance à douter. En « internationalisant la cause corse », selon l'expression de Gilles Simeoni, l'élection du nouveau député apporte un apaisement particulier au sein d'une cause qui est soumise à des crispations récurrentes.