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Elections territoriales : Gilles Simeoni élu à la majorité absolue, en selle pour un troisième mandat


Nicole Mari le Lundi 28 Juin 2021 à 07:17

Le président de l’Exécutif sortant, Gilles Simeoni, a remporté, avec un score sans appel, le 2nd tour de l’élection territoriale, reléguant ses adversaires loin derrière, dans une vague nationaliste qui continue de déferler sur toute l’île. La liste Fà Populu Inseme a rassemblé 40,64 % des suffrages contre 32,02% pour la liste de Laurent Marcangeli, 15,07 % pour la liste d’union PNC-Corsica Libera, et 12,26 % pour Core in Fronte. Avec une majorité absolue de 32 sièges sur 63, Gilles Simeoni est déjà assuré, jeudi prochain, lors du 3ème tour de scrutin, de rester le président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse. Ce sera son troisième mandat. Les Nationalistes totalisent 68% des suffrages et 46 élus.



Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif sortant, remporte les élections territoriales à la majorité absolue. Photo CNI.
Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif sortant, remporte les élections territoriales à la majorité absolue. Photo CNI.
Le président de l’Exécutif, Gilles Simeoni, a remporté son pari, que beaucoup jugeaient risqué, de gagner seul sa troisième élection territoriale. En rassemblant 40,64 % des suffrages, il est élu à la majorité absolue. Sa liste Fà Populu Inseme remporte 32 élus sur 63 sièges. C’est sa quatrième victoire d’affilée en tête de liste, si on inclut Bastia en 2014, mais, c'est peut-être d’un point de vue personnel la plus belle, celle que plus personne, désormais, ne peut lui contester puisqu’elle consacre son leadership, sa popularité et la confiance que les Corses continuent de lui vouer de plus en plus massivement, scrutin après scrutin. La bordée de critiques de ses adversaires et même de ses ex-partenaires sur son bilan et ses ambitions n’a pas trouvé de grand écho chez les électeurs. Bien au contraire, la présidentialisation de l’élection a pleinement joué en sa faveur. Si la dynamique était assurément de son côté, et si ses partisans espéraient bien une déferlante, la tension du début de soirée du 1er tour invitait cependant à la prudence, pas tant au niveau de la victoire qui semblait, depuis dimanche dernier, acquise, mais de son ampleur. Majorité relative ou absolue ? Le suspens n’a guère duré, et les premiers résultats des petites communes rurales, qui ont commencé à tomber 20 minutes à peine après la fermeture des bureaux de vote, poussant, tous, dans le même sens, l’espoir est devenu assez vite une évidence. Avant même 20 heures, massés devant leur permanence, candidats et militants laissaient éclater leur joie. Liesse également chez Core in Fronte, l’autre grand gagnant de ce scrutin avec 12,26% des suffrages, un score que personne ne pouvait même imaginer, il y a à peine quelques jours. C’est la grande revanche de Paul-Félix Benedetti et son retour à l’Assemblée de Corse avec pas moins de 6 élus ! Les deux autres listes font grise mine. Avec seulement 15,07%, la liste Avanzemu per a Corsica, issue de l’union PNC-Corsica Libera, fait un flop ! Les Indépendantistes n’y ont majoritairement pas adhéré. A droite, Laurent Marcangeli rêvait du soleil d’Austerlitz, mais, avec 32,02% des suffrages, c’est plutôt l’ombre de Waterloo !

Gilles Simeoni à l'annonce de sa victoire. Photo CNI.
Gilles Simeoni à l'annonce de sa victoire. Photo CNI.
Le leadership simeoniste
L’enjeu du 2nd tour était de creuser l’écart et, donc, de convaincre les abstentionnistes, un peu moins de 43 % des Corses ne s’étant pas déplacés pour voter. Avec 4336 électeurs de plus, le taux de participation a légèrement augmenté de 1,83 % pour atteindre 58,91%, soit 6 % de plus qu’en 2017 (52,63%). Avec 55 548 voix contre 39 247 au 1er tour, la liste Fà Populu Inseme engrange 16 301 voix supplémentaires. Ce qui lui confère près de 11 782 voix d’avance sur son challenger de droite, et quasiment 35 000 voix de plus que l’union de ses ex-partenaires.  « C’est un score exceptionnel, une lame de fond extrêmement puissante qui est venue de partout en Corse pour valider notre démarche », se réjouit Gilles Simeoni. Le président de l’Exécutif sortant a tenu bon et, effectivement, consolidé son avance un peu partout dans l’île, notamment dans sa ville de Bastia où il engrange 1357 voix de plus qu’au 1er tour, soit 5540 voix et 52,95% des suffrages exprimés. Ou encore Aiacciu où il conquiert 2138 voix pour un total de 6196, soit 33,46 % des votes. Dans le rural qui lui était déjà largement acquis au 1er tour, une véritable vague a déferlé sur de nombreuses communes, dont certaines totalement inattendues. A Penta-di-Casinca, il dame le pion à Jean-Christophe Angelini dans un spectaculaire renversement de tendance. Largement distancé de près de 200 voix au 1er tour, il acquiert le leadership avec 120 voix de plus. Idem à Viggianellu, où malgré un maire PNC, il caracole en tête avec un écart de 20 voix en sa faveur. A Belgodère, fief de Lionel Mortini, il récupère une grosse partie des voix de Corsica Libera, passant de 19 à 251 voix. Il prend la tête également à Ghisunaccia, dont le maire, conseiller territorial sortant, soutient Laurent Marcangeli. Et à Bunifaziu, où après l’élimination au 1er tour du maire Jean-Charles Orsucci, il double quasiment ses voix. Le leader autonomiste a, donc, ratissé large, tant à droite qu’à gauche, sans pour autant perdre sa base. C’est la première fois depuis 40 ans qu’une liste obtient la majorité absolue sans faire d’alliance. C’est un véritable camouflet pour ses adversaires et plus encore pour ses ex-partenaires.

Paul-Félix Benedetti à l'annonce des résultats à Bastia. Photo CNI.
Paul-Félix Benedetti à l'annonce des résultats à Bastia. Photo CNI.
La victoire de Core in Fronte
Ce scrutin est également un franc succès pour Core in Fronte qui, avec 12,26 % des suffrages et six élus, fait une entrée remarquable à l’Assemblée de Corse. Le mouvement indépendantiste, qui est resté ferme sur sa ligne depuis sa création en 2017, n’acceptant aucun compromis, avait allègrement franchi la barre des 7% au 1er tour. Il est passé de 11 282 voix à 16 762 au 2nd tour, soit un gain de 5 480 voix. Core in Fronte a, par une cruelle ironie de l’histoire, bénéficié à plein du report des voix des Indépendantistes de Corsica Libera, ceux-là même qui, hier encore, le clouaient au pilori et avaient mis un veto sur toute vélléité d’alliance. Il progresse un peu partout, devançant même la liste Avanzemu pè a Corsica en maints endroits, notamment à Aiacciu avec 11,5% des voix, à Bastia avec 14,85%... A Bunifaziu, il rafle la 2nde place et talonne Gilles Simeoni avec 27,87% des voix. « Il y a des moments où il y a une adéquation entre la réalité et les idées, ce qui permet d’amplifier notre action que nous avons menée en ayant aucun élu, nous en aurons désormais six », commente son chef de file Paul-Félix Benedetti qui fait son grand retour dans une assemblée désormais gouvernée et dominée par les Nationalistes ! Si le vétéran Paul Quastana y revient aussi après 18 ans d’absence, ce sera un baptême du feu pour le co-fondateur du mouvement, Jean-Batti Arena, maire-adjoint de Patrimoniu, qui y fera ses premiers pas, dès jeudi. Core in Fronte devient donc la figure de proue de l’indépendance à l’Assemblée de Corse.

Petru Anto Tomasi, à Bastia, après les résultats.
Petru Anto Tomasi, à Bastia, après les résultats.
L’échec de l’union PNC-Corsica Libera
Chez les Nationalistes, tout le monde n’est pas à la fête. Si Femu a Corsica et Core in Fronte exultent, le PNC et Corsica Libera font grise mine et reculent sur beaucoup de fronts. L’union, qui s’est faite au forceps, in extrémis, dans un but avoué de faire pression sur ce que les deux partis ont qualifié de « tentation hégémonique » du président de l’Exécutif a échoué. En troisième position, à 25 points en deçà de la liste de Gilles Simeoni, l’union PNC-Corsica Libera ne recueille que 20 604 voix, soit 6 448 voix de moins que la somme des scores des deux listes au 1er tour. « C’est un échec ! », reconnait sans ambages Petru Anto Tomasi, élu sortant de Corsica Libera, qui ne devrait plus siéger dans l’hémicycle. « D’abord, parce que la dynamique de la fusion avec Avanzemu n’a pas été au rendez-vous. Ensuite parce que Corsica Libera n’est pas en capacité de constituer un groupe politique à l’Assemblée de Corse ». Seule la conseillère exécutive sortante, Josepha Giacometti, est réélue. C’est peu dire que les militants indépendantistes ont rejeté l’union, les votes se sont massivement déplacés vers Core in Fronte et même vers Femu a Corsica. C’est la douche froide du côté du PNC ! Le visage fermé, Jean-Christophe Angelini ne tente pas, non plus, de feindre : « Il y a, à priori, des reports qui n'ont pas fonctionné, c'est une évidence ! On va attendre pour affiner mais, en tout état de cause, on peut dire de l'union qu'elle n'a pas fonctionnée électoralement ». Avec seulement 15% des suffrages, la liste n’obtient que 8 sièges. Pire encore, la position du PNC à l’Exécutif est, à ce jour, remise en cause. La campagne électorale a attisé les divisions et creusé des fractures que les deux camps auront bien du mal à cicatriser.

Laurent Marcangeli à Aiacciu à l'annonce des résultats.
Laurent Marcangeli à Aiacciu à l'annonce des résultats.
La solitude de la droite
L’échec est tout aussi cinglant à droite. Laurent Marcangeli avait beau faire de la surenchère verbale entre les deux tours, il savait la partie perdue. Sa liste U Soffiu Novu, qui ne récolte que 43 766 voix, réussit, néanmoins, à ramasser 10 334 voix, soit 7% de plus. Principalement sur Aiacciu où il prend près de 1500 voix, la CAPA, Prupria, Borgu ou Calvi. Et même Bastia où il arrache 800 voix supplémentaires grâce notamment à des reports de voix des recalés du 1er tour. Si son image trop ajaccienne n’a pas convaincu le rural, le chef de file de la droite agrège, cependant, au final, près de 7000 voix de plus que les deux listes cumulées de Valérie Bozzi et de Jean-Martin Mondoloni en 2017 et près de 3000 voix de plus que la liste d’union portée par José Rossi en 2015. Avec 32% des suffrages et 17 élus, il fait son entrée à l’Assemblée de Corse et y devient la figure centrale et unique de l’opposition aux Nationalistes. Il se dit « fier du résultat obtenu » et assure « d’autres victoires nous attendent », mais il nage à contre-courant et se retrouve même en minorité dans son fief ajaccien face aux trois listes nationalistes qui réunissent 54% des voix. Avec 68 % des suffrages, le plébiscite nationaliste enterre, tout à la fois, le discours républicain et les partis traditionnels. La droite, trop solitaire, braquée sur des positions obsolètes et un électorat vieillissant, court le risque de se ringardiser.
 
La déferlante nationaliste
Ce troisième scrutin territorial en six ans consacre l’hégémonie nationaliste sur l’échiquier politique corse. La vague, qui a pris naissance en 2014 à Bastia, est devenue majoritaire et déferlante. L’agrégat des listes nationalistes gagne 15 333 voix par rapport au 1er tour. Il passe de 77 581 à 92 914 voix sur 141 223 exprimés, soit près de 68% des suffrages contre 58% dimanche dernier. Cela signifie que plus de deux électeurs sur trois ont voté pour une liste autonomiste ou indépendantiste. Ce que d’aucun prédisait être, en 2015, un feu de paille se révèle une tendance de fond. « Avec ce vote sur les trois listes nationalistes, les Corses ont, très majoritairement, exprimé une volonté de s’engager de façon irréversible sur le chemin de la paix, de la démocratie et de l’émancipation. Les Corses nous ont donné un mandat, et notre volonté est d’être à la hauteur », affirme Gilles Simeoni. Le président de l’Exécutif sortant, qui sera reconduit dans ses fonctions dès jeudi, lors de la séance d’installation de la nouvelle assemblée de Corse, a les coudées franches pour gouverner comme il l’entend. Il a, néanmoins, redit sa volonté d’ouvrir des postes aux autres partis nationalistes. Cette offre d’ouverture ne semble, pour l’heure, pas susciter beaucoup d’enthousiasme, ni du côté du PNC et de Corsica Libera, encore sous le choc de la défaite, ni même de Core in Fronte qui reste, à son habitude, droit dans ses bottes, encore moins du côté de Femu a Corsica plutôt divisé sur le sujet. Gilles Simeoni réunissant, ce lundi, ses troupes pour débriefer les résultats et discuter du 3ème tour, on en saura peut-être plus dans les heures qui viennent.

N.M.