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Elections territoriales : Core in Fronte part en campagne pour gagner le pari du 2nd tour


Nicole Mari le Samedi 24 Avril 2021 à 22:53

C’est à Patrimoniu, sur la place de l'église San Martinu, que Core in Fronte a officialisé sa participation aux élections territoriales des 20 et 27 juin. Le mouvement nationaliste, en comité restreint autour du tandem Paul-Félix Benedetti et Jean-Batti Arena, a réaffirmé sa philosophie, ses fondamentaux et tracer les contours d’un projet de société autour de choix clairs. Très critique envers le bilan de la mandature nationaliste qu’il qualifie d’échec, Paul-Félix Benedetti appelle à un sursaut patriotique et à un retour à l’espoir. Comme en 2017, la stratégie n’est pas à l’union avec les autres partis nationalistes qui le snobent, mais de franchir la barre des 7 %, ratés alors de justesse. Et devenir, ainsi, force de propositions. Jean Batti Arena promet, sur le modèle de Patrimoniu, une alternance à mi-mandat.



Core in Fronte aime les symboles. Après Ponte Novu en 2017, c’est, aujourd’hui, à Patrimoniu sur les terres de Jean-Batti Arena, que le mouvement nationaliste, né il y a quatre ans, a décidé d’entrer en campagne : « Symboliquement, nous voulions être à Patrimoniu. Au dela du fait que je suis patrimunicu, Patrimoniu symbolise une réussite en Corse, un phare dans l’obscurité actuelle. On montre souvent ce qui ne va pas en Corse, pour une fois, nous avons fait le choix de montrer ce qui a réussi. Patrimoniu a été la première AOC de l’île en 1968. C’est une réussite viticole certaine, mais pas que ! Nous avons aussi, sur la commune, beaucoup d’éleveurs, d’oléiculteurs, d’artisans… Et bien sûr, le challenge du Chemin européen de Saint Martin, u Chjassu San Martinu, qui est adossé à une forte activité culturelle. C’est aussi un territoire qui, pour l’heure, en tout cas, n’est pas bétonné avec un classement de 8000 hectares en terres agricoles, un littoral protégé… C’est pour tous ces éléments que nous avons fait le choix d’être aujourd’hui à Patrimoniu, pour montrer qu’en Corse, aussi, on peut réussir en termes d’agriculture, de tourisme raisonné et maîtrisé, et d’une culture assise sur un territoire », explique Jean-Batti Arena, co-fondateur de Core in Fronte et numéro 3 sur la liste.
 
Une démarche renforcée
Autour de maire adjoint de Patrimoniu et de Paul-Félix Benedetti, deux autres colistiers de 2017, Cyril Luciani, conseiller municipal d’Oletta et vice-président de la ComCom du Nebbiu-Conca d’Oru, et Catherine Casimiri de Sari-Sulinzara, mais aussi des jeunes, comme Jenny Fantoni, une étudiante de 18 ans. Une liste Core in Fronte, pas encore dévoilée, mais résolument militante : « Des personnes ont rejoint notre démarche politique, mais il n’y a pas d’ouverture au sens large. Ce sont des militants sincères, prêts à s’engager pour la Corse et les Corses et qui se revendiquent à 100 % de l’idéologie et de la matrice politique que nous entendons incarner. La liste est, dans sa globalité, proche de celle que nous avions présentée en 2017 et qui a eu, quand même, un résultat politique très fort », annonce Paul-Félix Benedetti. « Notre mouvement s’est renforcé dans de nombreux secteurs économique, touristique et agricole. Au niveau politique, de nombreuses personnes, qui nous ont rejoints, se sont présentées aux élections et ont accédé à des responsabilités de maire, d’adjoint ou de conseiller municipal dans leur commune. Depuis trois ans, nous avons occupé l’espace politique et sociétal, que ce soit au niveau agricole, foncier, environnemental, mais aussi de la lutte contre la drogue ou la spéculation immobilière, des transports… A tous les niveaux, nous avons occupé le terrain. Aujourd’hui, nous sommes confiants dans notre démarche, ce sera aux électeurs et au peuple corse de faire un choix », renchérit Jean-Baptiste Arena.

Le tandem Jean-Batti Arena et Paul-Félix Benedetti. (Photo Core in Fronte)
Le tandem Jean-Batti Arena et Paul-Félix Benedetti. (Photo Core in Fronte)
Une stratégie inchangée
Si la liste est similaire, la stratégie l’est tout autant : franchir la barre des 7%, ratée de peu en 2017, pour se maintenir au 2nd tour sans perspective d’union avec la majorité nationaliste ou un des partis la concernant : « Nous sommes dans la stratégie d’affirmer Core in Fronte. Nous n’avons aucune discussion, aujourd’hui, avec les tenants de l’actuelle majorité territoriale. Nous avons eu le désagrément d’échouer à la précédente élection pour quelques dizaines de voix, nous ne faisons aucun projet et nous ne demandons rien », précise Paul-Félix Benedetti. Des partenaires politiques qui les ignorent depuis six ans. « C’est peut-être devenu leur manière normative de gérer leur entre-soi. Nous en prenons acte ! ». Si le challenge du 2nd tour est gagné, comment se positionnera Core in Fronte ? « Nous sommes à l’écoute de la société corse. Nous serons une force de proposition et nous accepterons de travailler avec tous ceux qui voudront nous permettre de faire avancer des dossiers et des projets qui sont conformes à nos attentes. Nous sommes, aussi, attentifs à la gouvernance de la Corse. Nous ne voulons pas tomber dans de l’archaïsme. Nous ne voulons pas, non plus, nous engager dans un reformatage du patriotisme corse avec une sauce claniste qui ne nous convient absolument pas », prévient la tête de liste de Core in Fronte. Le tir vise l’éclatement de la majorité nationaliste sur le point de partir en ordre dispersé au scrutin : « Ils se renvoient la patate chaude de l’échec de leurs six ans de mandature. Ils n’ont pas été en capacité de maintenir leur socle commun, alors qu’ils auraient dû chercher probablement à s’ouvrir, entre autres à Core in Fronte qui est une force constitutive du nationalisme et une force incontournable. Ils sont tous à la recherche, non pas d’un socle idéologique, mais d’un socle électoraliste. C’est un schéma politique pitoyable avec des querelles d’ego, de postes, de places d’élus, de volontés de sur-représentation des uns par rapport aux autres, au détriment d’une politique équilibrée. C’est un comportement qui est même sectaire ».
 
Une alternance à mi-mandat
A ce niveau-là aussi, le choix de Patrimoniu est symbolique par le modèle de gouvernance mis en place en 2014. Un « Soffiu Novu » dont beaucoup depuis ont tenté de copier la réussite en s’appropriant le nom, mais en oubliant la démarche ! « D’un point de vue politique, nous avons initié à Patrimoniu le principe de l’alternance à mi-mandat et nous l’avons maintenu. Depuis 2014, avec José Poggioli, nous avons démontré que ce choix démocratique pouvait fonctionner, non seulement pour le poste de l’Exécutif, mais également de tous les adjoints de la commune. C’était important, pour moi, de montrer que ce n’était pas un effet d’annonce ou quelque chose d’utopique, mais, bien au contraire, que cela pouvait fonctionner et, de fait, que cela fonctionnait. De montrer aussi que cela permet d’avancer beaucoup plus rapidement sur les dossiers et, parfois, de dire plus facilement « Non ! » à certaines prises de position ou à d’éventuelles pressions », déclare Jean-Batti Arena. Un principe que Core in Fronte veut étendre à l’Assemblée de Corse, s’il a des élus, excepté pour Paul-Félix qui restera au sein de l’hémicycle. « Nous sommes des militants. Nous ne sommes pas là pour faire des carrières politiques », lance Jean-Batti Arena. L’idée répond à un double impératif : travailler tous les dossiers et mettre des jeunes en selle. « Le mandat risque d’être très long, sept ans jusqu’à la Présidentielle de 2027. Ce serait, si nous sommes élus, le moyen d’inclure des jeunes, notamment sur une seconde partie de mandature. Chacun d’entre nous a son activité professionnelle et pourra, ainsi, s’adosser à une doublette pour travailler les dossiers dans toutes les Commissions. Nous pensons activer un troisième levier d’ordre plus administratif, à savoir utiliser une partie de nos indemnités pour rémunérer trois ou quatre jeunes sortis de l’université ou encore étudiants. Ils formeraient une structure parallèle à celle siégeant au sein de l’hémicycle ». Toujours contre le cumul des mandats, Jean-Batti Arena annonce que, s’il est élu à l’Assemblée de Corse, il démissionnera de son mandat territorial en 2023 pour retrouver son poste de maire.

L’échec nationaliste
Critique sur les comportements, Core in Fronte l’est, encore plus, sur le bilan de la mandature nationaliste. « C’est un échec parce que la Corse n’a progressé à aucun niveau », assène Paul-Félix Benedetti. « Il y a une continuation de la spéculation immobilière : on n’a jamais construit autant d’habitations que depuis ces six dernières années, plus de 5000 par an. La Corse est asphyxiée démographiquement avec une colonisation de peuplement qui est en train de changer la matrice du peuple corse qui n’est plus en capacité d’assimiler. La Corse a toujours fabriqué des Corses, mais aujourd’hui elle est quasiment au seuil de rupture de l’acceptabilité sociale dans la mesure où il n’y aura quasiment bientôt plus de Corses pour re-véhiculer cette matrice socioculturelle qui fait que l’on peut définir un corps légitime comme le peuple corse. Economiquement, on a renforcé les monopoles, on n’a pas créé des outils publics pour contourner cette mainmise sur l’économie par une nouvelle bourgeoisie affairiste et affaireuse ». Il estime que la majorité nationaliste s’est écartée de sa feuille de route générale : « Elle n’a pas réussi à organiser la Collectivité de Corse dans sa structure administrative et technique à l’égal de ce que l’on peut attendre d’un Etat en construction. Il y a une panne sur les grands projets techniques. Elle n’a pas actionné les leviers économiques qui permettent de créer des politiques nouvelles à moyens constants. Tout ceci fait qu’il y a ce sentiment de beaucoup d’amateurisme ».
 
De la volonté et de la cohérence
Paul-Félix Benedetti appelle à avoir une vision à long terme. « Il faut que chaque politique soit imbriquée l’une dans l’autre, qu’il n’y ait pas une juxtaposition de mesures, mais un projet d’ensemble cohérent qui mette en œuvre toutes ces politiques publiques. Il faut deux niveaux de vision politique : le niveau global, c’est-à-dire la revendication historique des Nationalistes dans la recherche de la souveraineté, et le niveau immédiat qui est la gestion de la Collectivité de Corse. Ce sont deux choses complètement différentes ! Il ne faut pas oublier que la gestion immédiate est celle qui peut changer le quotidien des Corses. Ici, plus qu’ailleurs, les décisions publiques et la bonne gestion des compétences dévolues à l’Assemblée de Corse peuvent influencer durablement les choses les plus simples qui touchent l’individu : le droit au travail, le droit au logement, le droit à une alimentation équitable ». C’est une question, dit-il, de volonté et de cohérence. « Même à moyens constants, même si la France est toujours dans cette fermeture, dans ce refus du suffrage universel, on a les moyens d’administrer autrement, d’innover, de créer des ressources financières propres, par exemple une banque de développement, de créer une compagnie maritime publique, un système d’approvisionnement pour que la Corse ne soit pas dépendante des grands groupes français de l’agroalimentaire, de gérer de manière simple nos déchets. Tout ceci dépend de la volonté des hommes et du refus de la mainmise de groupes économiques que je considère comme insalubres pour la Corse ». Et de conclure : « Il nous appartient collectivement à tous d’avoir ce sursaut patriotique, ce retour à des valeurs, à des comportements sains et surtout à l’espoir. On est en train de gâcher cet élan de confiance de la société corse vers ces nouvelles politiques portées par le courant patriotique et nationaliste. Il serait, aujourd’hui, dramatique de revenir vers l’archaïsme ! ».
 
N.M.