1948, c’est l’italien Gino Bartali qui, dix ans après une première victoire, remporte encore le tour.
Bartali ! Quel grand champion ! Mais peu de gens savent combien cet homme généreux et brave s’est impliqué en tant que résistant durant la guerre. Il a ainsi contribué à sauver environ 800 juifs, pendant des mois, en portant à vélo des documents, de la gare de Cortone à Assise (70 kms) où une imprimerie secrète fabriquait des faux papiers. Il faisait aussi le va et vient la nuit, toujours en vélo, pour transporter dans la montagne des personnes recherchées de 1943 à 1944. Dénoncé, il fut obligé de se cacher jusqu’à la fin de la guerre.
1949 sera la grande année d’un autre géant italien Fausto Coppi.
C’est précisément cette année-là que nos deux collégiennes, en colonie de vacances pendant le mois de juillet à Bastelica, à Dominicacci précisément, s’arrangent à 19h20 et pendant 10 minutes pour échapper à la surveillance des cheftaines, car à cette heure-là, Radio Monte-Carlo diffuse les nouvelles du tour. A cent mètres du lieu où elles habitent, elles s’installent sur un banc qui ceinture une belle maison en pierres de taille, devant la fenêtre d’une cuisine du rez-de-chaussée, où elles écoutent les nouvelles du jour.
A l’époque, Radio Monte-Carlo était la radio la plus écoutée à Ajaccio, et pendant l’année, après les informations de 19 heures, une demi-heure était consacrée à la chronique sportive tenue par André Marin et Pierre Argot. Tous les soirs, nos deux jeunes filles écoutaient les nouvelles. Elles aimaient beaucoup André Marin qui avait une voix très agréable, Pierre Argot avait une voix plus aigrelette.
Le tour de France les faisait rêver, mais comment pouvaient-elles faire pour voir au moins une fois une arrivée d’étape. Alors se dirent-elles : « si on écrivait à André Marin et Pierre Argot, en précisant que nous sommes deux lycéens, car si on dit que nous sommes des filles, ils ne vont même pas lire notre lettre et ils vont se moquer de nous ».
Ainsi fut fait, nos deux supporters en herbe écrivirent aux deux journalistes ; et que lui demandèrent-elles ? après les compliments d’usage sur le charme de leurs voix, un peu moins pour Pierre Argot pour lequel elles avaient moins de sympathie, elles leur demandèrent d’intervenir auprès du comité du Tour de France pour que le tour de France vienne en Corse.
Elles savaient bien que c’était impossible, pensez ! franchir la mer pour que les Corses puissent voir le Tour de France, c’était proprement impensable ! Et pourtant, aujourd’hui nous y sommes ! le Tour de France va serpenter les routes de Corse.
La suite de l’histoire. 48 heures après, André Marin et Pierre Argot répondirent à la radio et firent part du désir de deux jeunes lycéens d’Ajaccio de voir le Tour de France en Corse. Ce fut un moment de joie pour nos deux collégiennes, comme pour les deux reporters qui riaient tant qu’ils pouvaient, de cette demande également impossible à leurs yeux !
64 ans après, une mémé se souvient, elle ne sait pas si sa camarade est toujours vivante. André Marin et Pierre Argot ne sont sans doute plus de ce monde, mais de là où ils sont, ils doivent savoir qu’on ne les a pas oubliés et que pour les collégiennes de 1949, le rêve va devenir réalité !