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Don Jacques Canonicci, Toussaint Landucci et Jean Orsatti chevaliers de la Légion d’Honneur


Marilyne SANTI le Mardi 12 Mai 2015 à 23:50

Mardi matin au Palais Lantivy, une cérémonie à la fois solennelle et familiale présidée par le préfet de Corse a honoré trois résistants de Corse-du-Sud. Don Jacques Canonicci, Toussaint Landucci et Jean Orsatti, ont été élevés par le président de la République au grade de chevalier dans l’ordre de la Légion d’Honneur, à l’occasion du 70ème anniversaire de la commémoration de la victoire contre la barbarie nazie et de la libération du territoire national.



Don Jacques Canonicci, Toussaint Landucci et Jean Orsatti  chevaliers de la Légion d’Honneur
En présence du président de l’Assemblée de Corse, du président du Conseil départemental de la Corse-du-Sud, du directeur de l’Office national des Anciens Combattants, du délégué militaire départemental, du président de la Société de la Légion d’Honneur, un hommage solennel a été rendu « à la génération de la guerre » alors qu’il y a 70 ans, le 8 mai 1945 le général de Lattre de Tassigny signait à Berlin, au nom de la France, l’acte de capitulation de l’Allemagne nazie qui mettait fin au conflit meurtrier qui déchirait l’Europe depuis plus de cinq longues années.
 

L'allocution de Christophe Mirmand préfet de Corse

A l’occasion de ce 70e anniversaire de la libération du territoire et de la victoire de la liberté, il est en effet essentiel que la France s’incline avec respect devant les acteurs de cette lutte, alors même que nombre d’entre eux ne sont plus là pour faire entendre leur voix et porter leur témoignage ;
Cet hommage est dû à toute la génération de la guerre, dans la diversité des parcours individuels et collectifs des combattants, des résistants, des déportés, des réfractaires au STO, des prisonniers, ou encore des Justes parmi les nations ;
En s’engageant avec courage et humilité, en donnant une part de leur vie pour ce combat, en portant très haut le flambeau de la liberté, ces femmes et ces hommes sont devenus des symboles pour notre pays.
Ce devoir de mémoire est, en Corse ressenti peut être plus qu’ailleurs, comme un devoir sacré. Cette mémoire du sang versé est en effet au cœur de l’identité de l’île et de ses habitants. Elle tisse un lien solide entre les générations et contribue puissamment à l’inclusion des Corses au cœur de la communauté nationale.
Ici en Corse, cette mise en perspective prend aussi une résonnance particulière, puisque la Corse se souvient d’avoir été, dès octobre 1943, le « premier morceau de France libéré » selon les mots du Général de Gaulle. Les figures de Danièle Casanova, Fred Scamaroni, Jean Nicoli, Jules Mondoloni ou d’André Giuisti, parmi d’autres, sont encore bien présentes dans l’île…
A l’heure où la jeunesse doute de son identité, de ses capacités, de ses atouts et de son avenir, il est important que des femmes et des hommes soient élevés en modèles pour rappeler comment, par le passé, les Françaises et les Français, malgré leurs différences, sociales, géographiques, culturelles, ont su se rassembler pour soutenir le socle républicain, au moment où les vents mauvais le faisaient vaciller.
Soyons donc fiers, en ce jour, d’honorer trois résistants qui par leur engagement, à un âge où beaucoup auraient préféré rester dans l’ombre, ont fait le choix de combattre pour la Liberté.

Don Jacques Canonicci

Né  le 1er juillet 1926 à Levie, il rejoint le Front National et la résistance à 17 ans, en avril 1943. Membre des Forces Françaises de l’Intérieur jusqu’à la libération totale de la Corse le 5 octobre 1943, il a d’abord servi au sein de son comité de village de Tirolo à Levie. Comme agent de liaison, il a fait le lien entre les différents groupes de résistants au sein du comité cantonal de Lévie, en prenant part aux transports des armes qui étaient parachutées dans le secteur. Puis lors de la libération de la Corse en  Septembre, il prit une part active aux combats qui se sont déroulés notamment le 10 septembre sur la Route de Carbini, combats qui ont permis de mettre en déroute l’armée Allemande.
 

Toussaint Landucci

Né le 1er janvier 1926 à Ajaccio, il est entré dans la Résistance en janvier 1943, à 17 ans, nommé par Noël Franchini et Joseph Pancrazi, tous deux membres du Comité illégal du Front National. Il rejoint le Front National comme agent de liaison, et en charge du renseignement militaire il faisait le lien entre les différents secteurs géographiques de la résistance, Ajaccio, Piana, Sainte Marie Sicche, Zicavo…. Les renseignements militaires qu’il a pu relayer aux différents groupes de résistants ont été d’une très grande importance et directement  utilisés par le mouvement de résistance.
A partir de septembre 1943, il participa activement aux combats de la libération de l’île où il a continué à assurer avec succès les liaisons entre les patriotes de Levie et d’Ajaccio.
 

Jean Orsatti

Né le 26 juillet 1925 à Quenza il entre dans l’Organisation de Résistance du Front National le 15 avril 1943 à presque 18 ans. Dès le mois d’avril 1943, il est chargé du renseignement dans le secteur de Quenza. C’est ainsi qu’en juillet 1943, il signale à ses supérieurs la visite secrète à Quenza, du chef de l’OVRA, la police politique fasciste, lequel avait dépêché sur le secteur un espion aux fins de capturer les chefs de la résistance locale, Milanini et Lucchini, dit « Ribellu ». Grâce notamment à sa vigilance, qui a permis d’identifier cet espion à la solde des italiens, cette tentative d’arrestation de résistants a échoué cette fois-ci. En tant qu’agent de la résistance, il était également présent lors des différents parachutages d’armes effectués dans la région de Quenza pour récupérer les livraisons d’armes destinées à la résistance. Ce fût notamment le cas en mai 43 dans le Haut Coscione et en août de la même année à Cavalaniccia.
En septembre 1943, alors que l’insurrection libératrice a débuté dans l’île, il participe activement  aux combats contre l’occupant, et à l’action entreprise contre la garnison allemande stationnée au « château » de Quenza, opération qui s’est soldée par la reddition de 200 soldats allemands.
 

Toussaint Landucci:"U me figliolu, semu una affacata di balcone; di i to guai, fanni fiori"

En tant qu’éminent représentant de notre République je suis très honoré de recevoir dans le cadre de vos fonctions cette décoration, la Légion d'honneur qui m'est attribué au titre d'ancien combattant, distinction dont je suis fière et que je partage avec mes compagnons d'armes.
Merci Gina et Marco ami très cher d'être à mes côtés malgré les deuils cruels qui viennent frapper votre cœur et votre esprit. Marco toi qui as mis ta vie au service de ta terre natale et de notre patrie la France tu fais preuve d'une abnégation et d'un dévouement qui nourrissent ton courage. Je suis fier d'être parrainé par un tel homme je vous garderai dans mon cœur.
Je remercie mes parents et en particulier ma maman qui ne savait pas lire les livres des hommes mais qui savait lire le livre de la vie qui lui avait enseigné cette ascèse que j'essaye de faire mienne. "U me figliolu, semu una affacata di balcone; di i to  guai, fannifiori"
Merci Julie, notre union terrestre a duré 49 ans mais le parfum qu'elle exhale continue à se cristalliser. Comme l'affirmait Bergson « le présent est plein du passé et gros de l'avenir ».
Merci Claude Françoise votre fille Anna Marie ma filleule et Marcel de me donner une famille de cœur et d'esprit. Nous sommes au royaume des égaux.
Merci à l'école de mon enfance qui n'était pas l'éducation nationale mais l'instruction publique défendue par les hussards de la Républiques hommes de foi. Certes l'époque de mon enfance n'était ni rose ni irénique, mais le mal et le bien font partie de la vie. Pour nos instituteurs la République et la France était indiscernables. Ils ont transmis l'amour de la patrie à travers la terre natale. Ces enseignants pratiquaient une pédagogie basée sur l'effort et le mérite. L'instruction civique récapitulait les raisons d'aimer la République qui défendait la liberté, l'égalité et la fraternité.
Les droits et les devoirs été consubstantiels. Le fondement de cette école était la laïcité, le jeudi était prévu pour le culte afin de ne pas gêner les convictions spirituelle des familles. Tenant compte de la diversité des langues vernaculaires, les grands courants spirituels ont une langue liturgique. Le français était la langue enseignée dans la République une et indivisible. Les langues régionales étaient parlées dans les familles qui avaient la charge et le devoir d'éduquer. L'histoire patrimoine et racines d'un pays nous apprenait par la loi de 1881 que « l'instruction est obligatoire et public ». L'école de mon enfance enseignait les fondamentaux, c'est-à-dire savoir lire écrire et compter. Dans nos livres de lecture nous apprenions le respect de la famille des adultes et de l'autre. L'enfant pauvre pouvait réussir à force de sacrifices et d'abnégation. Cet amour de la terre natale et de la Patrie transmis par nos enseignants, a contribué à la libération de la Corse, premier département de France à être libéré par la résistance Corse, aidé par le débarquement des troupes françaises. Mon destin marche devant moi. L’homme n'est pas une lumière mais la lumière le touche. Les questions sont proportionnelles à la connaissance mais leurs réponses n'arrivent pas à conclure. Dans ma quête spirituelle et intellectuelle je suis fasciné par ces pensées : nous sommes possédés par ce que nous possédons ; ce qui n'est pas donné est perdu. Ma maman rejoignait Baudelaire :
Heureux celui ­[…]
Qui plane sur la vie et comprenant sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes !
La vie est amour.
Merci.