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Démission de Lecornu : « Il n’y a pas de solution », estiment les députés nationalistes corses


Nicole Mari le Lundi 6 Octobre 2025 à 18:48

Quatorze heures à peine après l’annonce de son gouvernement, le Premier ministre, Sébastien Lecornu, a, lundi matin, remis sa démission et celle de son gouvernement. Le Président de la République lui donne 48 heures pour mener d’ultimes négociations. Face à cette crise politique inédite, les deux députés nationalistes corses, Michel Castellani et Paul-André Colombani, membres du groupe LIOT, ne cachent pas leur consternation et, tout en traçant quelques hypothèses, ne voient pas de solution.



Michel Castellani, député Femu a Corsica de la première circonscription de Haute Corse, et Paul-André Colombani, député PNC de la deuxième circonscription de Corse-du-Sud, tous deux membres du groupe LIOT.
Michel Castellani, député Femu a Corsica de la première circonscription de Haute Corse, et Paul-André Colombani, député PNC de la deuxième circonscription de Corse-du-Sud, tous deux membres du groupe LIOT.
« C’est tout à fait nouveau, même les records de la IVème République sont battus ! Un gouvernement qui tient une nuit, c’est inédit ! Mais c’était à peu près inévitable, vu la composition du gouvernement », commente Michel Castellani, député Femu a Corsica de la première circonscription de Haute Corse, membre du groupe parlementaire LIOT. La démission surprise du Premier ministre, Sébastien Lecornu, lundi matin, quatorze heures à peine après l’annonce de son gouvernement, ne semble pas vraiment surprendre le député bastiais. « On savait très bien qu’il ne pouvait pas aller loin. Les institutions de la France sont faites pour qu’il y ait une majorité et une opposition, elles ne sont pas faites pour des tractations entre les différentes parties de l’assemblée. Quelques soient les hypothèses, ça ne peut pas fonctionner avec la composition actuelle de l’Assemblée nationale ». Comment expliquer ce qui s’est passé entre Bruno Retailleau et Sebastien Lecornu ? « Les Républicains (LR) sont profondément divisés entre blocs antagonistes, ce qui déstabilise profondément leurs prises de position. Non seulement, il n’y a pas d’unité, mais il y a une féroce opposition interne ». Il ne cache pas son scepticisme : « C’est un gouvernement qui tombe. Dans les conditions actuelles, il en tombera d’autres ».
 
Des irresponsables !
Son collègue du groupe LIOT, Paul-André Colombani, député PNC de la deuxième circonscription de Corse-du-Sud, exprime, pour sa part, une certaine colère : « Ce sont des irresponsables ! Quand on sait dans l’état où se trouve ce pays presque à tous les niveaux, quand on voit ce qui se passe dans le monde, on n’a pas le droit de se déchirer comme ça ! On se doit de trouver des solutions ». Et d’expliciter : « Sebastien Lecornu avait une équation très difficile à résoudre : il lui fallait, à la fois, contenter les LR et les Socialistes. S’il y avait eu des gens responsables, on aurait eu certainement une solution de ce côté-là, une solution d’équilibre pour avoir un an et demi de stabilité en attendant 2027. Mais comme tous regardent vers 2027 et l’élection présidentielle, on tombe dans la politique politicienne, et tout le monde y perd. Quelque soit la solution que l’on va choisir maintenant pour s’en sortir, personne n'est gagnant ». Lui aussi pointe du doigt les institutions, plus précisément la réduction du mandat présidentiel de cinq à sept ans. « Cette Ve République ne peut pas être gouvernée avec un mandat de cinq ans du Président de la République. Nous étions tous pour la réduction du mandat présidentiel, mais on voit aujourd’hui que ça ne marche pas. Sur le premier mandat, le Président de la République œuvre pendant trois ans, pendant les deux ans suivants, il est en campagne électorale. Pendant trois ans, il ne peut s'attaquer, ni à la dette, ni aux problèmes environnementaux. Et sur le deuxième mandat, au bout de deux ans, il n’y a plus personne qui l’écoute. Il y a un vrai problème d’autorité ».
 
Peu de solutions
Que va-t-il se passer maintenant ? Les deux députés nationalistes expliquent que les options sont limitées. Ils attendent, comme toute la France, la prise de parole d’Emmanuel Macron. « C’est le Président de la République, Emmanuel Macron, qui doit décider de la suite à donner aux évènements. Le nombre de solutions n’est pas élevé. Il a en face de lui, plusieurs hypothèses : il peut tenter de donner à la France un nouveau gouvernement de droite ou de gauche, et on continuera dans l’instabilité. Ou alors il décide de redonner la parole aux citoyens, et les citoyens choisiront leurs représentants. C’est la démocratie. Il reste l’article 16, mais je ne crois pas que les conditions soient réunies pour l’activer. L’article 16 permet au président de ramasser tous les pouvoirs pour une durée limitée, mais ce n’est pas une solution non plus. Ça se fait en cas de blocage total ou de guerre », indique Michel Castellani. La dissolution est-elle vraiment une solution ? « Dans une démocratie, la parole doit revenir toujours au peuple. Si le peuple décide de donner une majorité absolue ou relative à un parti, il faudra en tenir compte », répond le député bastiais. Pour lui, la désignation d’un nouveau Premier ministre pour former un nouveau gouvernement n’aboutirait à rien : « Emmanuel Macron peut jouer une dernière carte en donnant la responsabilité de construire le gouvernement à quelqu’un de droite qui s’affiche comme tel, par exemple un LR compatible avec le RN. Mais cette formule va déclencher l’ire de la gauche. Soit à quelqu’un du Parti socialiste, mais il sera confronté à l’opposition douce de LFI et l’opposition féroce de la droite. À part peut-être donner la responsabilité de construire un gouvernement à un élu du groupe LIOT, c’est le seul groupe compatible avec une partie de la droite et une partie de la gauche, mais la faiblesse du nombre de députés de notre groupe rendrait la situation tout aussi difficile. Donc, je ne vois pas de solution ! ».
 
Une crise grave
Paul-André Colombani est tout aussi pessimiste. Pour lui, aucune de ces trois possibilités ne règlera la crise politique : « La dissolution ne va rien apporter de nouveau, à part encore les trois blocs. Avec peut-être quelques variations, un peu plus de RN, un peu moins de LR certainement. Si le président s’en va, ce n’est pas une bonne chose pour les institutions d’un pays. Cela affaiblirait le pouvoir exécutif et ne donnerait pas une bonne image sur les marchés financiers et au niveau européen et mondial. Peut-être le président Macron va-t-il essayer de trouver encore quelqu’un qui a envie de constituer un gouvernement. Il n’y a que lui qui a les clés ? Il doit aussi prendre ses responsabilités. Avec le groupe LIOT, on lui demandait, la semaine dernière, de donner un totem aux socialistes. Par exemple, la suspension de la réforme des retraites, le temps d’arriver en 2027 et d’élire un nouveau Président de la République, c’est-à-dire une vingtaine de mois. Cette solution allait coûter de l’argent, mais la dissolution envisagée aujourd’hui coûte beaucoup plus sur les marchés financiers que des suspendre la réforme des retraites. Je suis effaré voir ce qui se passe, qu’on n’arrive pas à trouver de solutions ». Le député de l’Extrême Sud rappelle à quel point la situation est critique : « Aujourd’hui, sans loi de finances, les mairies ne reçoivent plus les subventions comme elles devraient les avoir. Si vous devez faire un prêt bancaire, les taux d’intérêt vont recommencer à augmenter. Les entrepreneurs ne savent pas à quelle sauce ils vont être mangés l’an prochain au niveau des lois fiscales. Comment voulez-vous avancer dans ces conditions ? Il n’y a pas qu’à Bercy qu’il y a des problèmes. À un autre degré, lorsque j’ai fait la loi sur la mortalité infantile, il a fallu quatre ou cinq ans pour faire une enquête, deux ans de COVID, huit ministres de la santé. Au final, la France est passée de la 5ème à la 23ème place en Europe, au niveau de la mortalité infantile ».
 
Un sursis de 48 heures
Emmanuel Macron a décidé, dans l’immédiat, de jouer une dernière carte. Lundi en fin d’après-midi, l’Elysée a informé que le Président de la République donne 48 heures à Sébastien Lecornu de « mener d’ici à mercredi soir d’ultimes négociations avec les forces politiques » afin de « définir une plateforme d’action et de stabilité pour le pays ». Selon son entourage, Emmanuel Macron « prendrait ses responsabilités » en cas d’échec de ces « ultimes négociations ». Entre temps, Bruno Le Maire, dans la nomination au ministère des Armées avait déclenché la crise avec les LR, s’est retiré du gouvernement démissionnaire et renonce à son poste « pour faciliter la reprise des discussions ». Tous les groupes politiques sont en réunion pour discuter de leur stratégie. Conclusion désabusée de Michel Castellani : « Je peux vous dire que tous les députés sont déjà sur le pont pour préparer leur campagne ».
 
N.M.