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De la vigne à tous les étages ! Viticors’alti, un projet pour adapter la vigne au changement climatique


Jeanne Leboulleux-Leonardi le Mardi 5 Août 2025 à 21:14

Le Centru di Ricerca Viticula di Corsica (CRVI) a été retenu comme lauréat dans le cadre d’un appel à projet relatif à l’adaptation de la vigne aux effets du réchauffement climatique. Un beau partenariat avec des producteurs de Balagne dont les résultats pourraient faire des émules...



Crédit photo CRVI de Corse
Crédit photo CRVI de Corse
En sus de sa mission de conservatoire du patrimoine viticole vivant et de sa mission de valorisation de ce patrimoine et de diversification de la production, le CRVI est également chargé, depuis quelques années, des programmes destinés à adapter la vigne au changement climatique. 
C’est dans ce cadre qu’en 2023, il a été contacté par l’Institut français de la Vigne et du Vin (IFV), sans doute le plus gros institut technique de France. Cet organisme qui conduit des études scientifiques pour l’ensemble de la filière viti-vinicole, cherchait un référent corse en matière d’adaptation viticole au changement climatique : « L’année suivante, relate Nathalie Uscidda, Directrice générale du CRVI, nous avons ainsi intégré le programme “Vitilience”, pour “viti” et “résilience”. » Le CRVI est donc devenu officiellement le référent pour le bassin corse. 

L’union fait la force
L’objectif du programme est de créer un véritable réseau entre tous les bassins de production viticoles nationaux – on en compte douze aujourd’hui, concernés par Vitilience. Un réseau, pourquoi ? Parce que travailler ensemble, échanger les informations, multiplier les expériences, devrait contribuer à développer l’innovation : face à ce défi que représente le changement climatique, l’union pourrait bien faire la force ! Il faut trouver des leviers pour s’adapter, mobiliser les acteurs, développer de nouvelles méthodes, de nouvelles formes d’organisation, augmenter la résilience, et diffuser largement les solutions identifiées pour que d’autres puissent s’en inspirer. Un travail qui implique également d’aller voir ce qui se fait de bien de l’autre côté des frontières : le réseau a notamment programmé une étude de cas en Espagne pour tenter d’identifier des solutions originales qui pourraient y avoir été mises en œuvre. « Vitilience pourrait se résumer à trois mots clés, résume Nathalie Uscida, adaptation, innovation, réseau ! ». 
Dans ce cadre, un appel à projets a été lancé en juillet 2024 pour mettre en place des “démonstrateurs” : en d’autres termes, des sites de démonstration et d’expérimentation qui mettront en évidence la diversité des solutions identifiées. « Ce sont des systèmes collaboratifs dans lesquels on mettra à l’épreuve une combinaison des leviers proposés », explique la Directrice du CRVI. 

Le CRVI lauréat de l’appel à projet
Le CRVI a donc candidaté durant l’été 2024 pour le premier appel à projet national. Quatre lauréats seulement ont été retenus... dont la Corse ! Une jolie performance pour cette structure régionale, professionnelle et autonome qui postulait aux côtés de véritables institutions, disposant de ce fait de moyens plus conséquents. 
Viticors’alti, le projet corse, budgété sur trois ans, « est un vrai projet de recherche partenariale », associant, outre le CRVI, des producteurs corses et une cellule bordelaise de transfert : « Ils nous accompagnent sur le traitement des données climatiques, l’étude du climat », précise Amélie Lambert, chargée de mission au CRVI sur deux projets en lien avec le changement climatique et nommée animatrice référent pour Vitilience.  
Il a été monté avec le domaine viticole d’Alzipratu, en Balagne. A Pioggiola, en 2023, Marc Andria et Pierre Aquaviva avaient en effet planté « un vignoble créatif ». « Ils avaient conscience que ce qu’ils mettaient en place était innovant ; et pour nous, acquérir des références scientifiques, c’est important ! C’est même capital pour la profession ! », explique Amélie Lambert. Précédemment, le CRVI avait déjà mis en place chez eux un programme de collaboration sur le changement climatique : « Et ça se passait très bien ». Aussi, tout naturellement, les viticulteurs ont-ils proposé à l’organisme de lui mettre à disposition cette nouvelle plantation pour « aller plus loin d’un point de vue scientifique ». 

Tester la combinaison de six leviers d’adaptation
Innovant, le projet d’Alzipratu l’est à plus d’un titre, puisqu’il cumule six leviers d’adaptation : l’agroforesterie – le vignoble est planté au cœur d’une châtaigneraie – l’altitude – à 800 mètres, c’est le plus haut vignoble de Corse –, la densité de plantation à l’hectare, le type de porte-greffe, le cépage, enfin la forme donnée au cep – taillé en gobelet, sur échalas. L’objectif du projet est ainsi « d’éprouver cette combinaison de leviers dans le cadre de l’offensive du climat, complète Nathalie Uscidda. Parce que, du fait de sa position géographique, la Corse est aux avant-postes du changement climatique. » D’ailleurs, le projet d’Alzipratu est le plus méridional de tous les lauréats retenus. 

Le CRVI enregistre ainsi des références scientifiques qui sont communiquées au réseau « et même au-delà pour que d’autres puissent s’en inspirer », explique Amélie Lambert. Les données mesurées sont multifactorielles : climatiques, pédologiques, agronomiques et phénologiques. Toutes les semaines pendant la période végétative, une vingtaine de mesures sont réalisées sur le site, par une équipe du CRVI – dont deux stagiaires de l’université de Bourgogne inscrits dans une formation “vigne, vin et terroir”. Le centre a notamment installé une station météo sur place qui permet de recueillir des informations en matière de température, pluviométrie, ensoleillement, vitesse du vent. Dix capteurs de température ont également été implantés sur le terrain « pour faire du monitoring de l’évolution des températures au sein des parcelles, au fil des saisons ». 


Un climat... tempéré ! 
Les données obtenues– comparées par ailleurs aux mesures réalisées dans les dix-huit stations météo installées sur la Corse viticole – sont par la suite analysées en fonction de normes universelles relatives aux catégories de climat. Les premiers résultats de ce travail ont été communiqués à la communauté vigneronne lors de la dernière Assemblée générale du CRVI. « Nous disposons d’indices bioclimatiques qui permettent de classer les micro-régions selon un référentiel. Alors que l’ensemble des micro-régions viticoles de l’île sont aujourd’hui classées en “climat chaud”, à Pioggiola, ces parcelles sont situées, du fait de l’altitude et sans doute aussi de l’agroforesterie, en “climat tempéré” », indique Amélie Lambert. 

L’étude des autres paramètres se poursuit : c’est toute l’écophysiologie de la vigne qui est analysée dans ce cadre, allant du sol au climat... et jusqu’à la vinification : la première devrait avoir lieu en 2026. Un projet qui ouvre des perspectives en matière de développement de la vigne, de maturation des raisins, et d’économie d’eau, dans le contexte de réchauffement que nous connaissons aujourd’hui.  

Petit film de présentation du projet