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D'où viennent les Corses ?


Jean Chiorboli le Lundi 26 Janvier 2015 à 23:40

Aujourd'hui la Corse a environ 300.000 habitants. Puisque l'île à été peuplée de manière stable à une époque relativement récente (une dizaine de milliers d'années environ), d'où viennent ses habitants? Comme celle de tous les groupes humains, l'évolution de sa population est une question aussi difficile que fascinante, et les chercheurs continuent à ... chercher.



D'où viennent les Corses ?

  Quelques jalons apportent un éclairage partiel : la "dame de Bonifacio", premier squelette humain découvert dans l'île, a un âge respectable (10.000 ans environ) mais n'a pas encore livré tous ses secrets. A son époque la Corse et la Sardaigne, depuis 20.000 ans géologiquement réunies en un seul bloc, viennent d'être séparées par un étroit bras de mer, pendant quelque temps encore franchissable par le chapelet d'îles corso-sardes. Depuis leur formation qui date d'une quarantaine de millions d'années, les deux îles ont été beaucoup plus proches du continent. On estime que les premiers déplacements d'animaux et d'hommes ont pu emprunter la "route toscane" au Nord et à l'Est. Mais outre le rôle de l'Italie, il convient de prendre en compte celui de l'Orient par le "pont sicilien", ainsi que celui de l'Afrique au Sud et à l'Ouest. Bref un ensemble corso-sarde "ouvert" tous azimuts.


La Corse a été définie comme "l'île des émigrés" (F.Braudel) et, aussi loin qu'on puisse remonter dans le temps, elle est caractérisée par l'hétérogénéité de sa population même si elle a connu au cours de son histoire de longues périodes d'isolement.
La question a été récemment explorée avec des méthodes phylogénétiques, notamment par des biologistes des universités de Corse et de Sardaigne (www.univ-corse.fr/; www.uniss.it/). La phylogénie étudie la formation et de l'évolution des organismes vivants en vue d'établir leur parenté. La phylogenèse décrit notamment la généalogie et la parenté entre populations ou entre individus, avec des résultats qui bouleversent les précédentes classifications. Comme pour les arbres généalogiques des familles, on s'efforce de construire l'arbre phylogénétique des espèces et des populations.



Avec différents instruments (marqueurs génétiques, groupes sanguins, séquences d'ADN...) plusieurs études de ce type ont visé des populations diverses, notamment méditerranéennes. Quant aux groupes corses étudiés, on note que leur "patrimoine génétique" se démarque des autres populations du pourtour méditerranéen, et que leurs "voisins génétiques" les plus proches sont les Sardes, les Gitans et les Basques. La paléontologie avait déjà mis en rapport la présence humaine en Corse (et en Sardaigne) avec des migrations originaires d'un arc qui va du Nord de la péninsule ibérique à la Provence et à la Ligurie.



D'autres études ont mis en relief à la fois les affinités entre Corse et Sardaigne, et une "distance génétique" élevée avec la Toscane et la Ligurie. Les échanges historiquement prouvés entre Corse d'une part, Toscane et Ligurie d'autre part ont été conséquents et significatifs du point de vue culturel, surtout à l'époque médiévale. Ils n'ont apparemment pas laissé de traces dans la structure génétique des insulaires, ce qui montrerait qu'il n'y a pas forcément de corrélation entre relations historiques et affinité génétique. C'est pour cette raison notamment que l'étude des noms de familles, qui sont un marqueur culturel et non pas génétique (en Europe ils remontent seulement au 17e siècle), a un intérêt limité si l'on veut remonter à des époques plus reculées et génétiquement significatives.

Tous ces éléments sont à prendre en compte dans le domaine linguistique et culturel qui est le nôtre. Comme n'importe quelle autre, la langue corse est la résultante d'évolutions historiques, sociales et culturelles qui ont contribué à son identité actuelle.
 (D’après Chiorboli J. 2010 : "Le corse pour les nuls", Paris, Editions Générales First)