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"Le" Corse n'existe pas !


Jean CHIORBOLI le Samedi 23 Décembre 2017 à 18:25

«...Sauf si on entend par [“le” corse] une pluralité d’expressions linguistiques imputables à la réalité géographique et territoriale tout aussi diversifiée qu’est [la Corse]: une terre, un nom, et un ensemble complexe de langues et d’usages, que l’île exprime depuis des millénaires, comme c’est le cas pour toute autre situation continentale ».




Qu’on me pardonne d’avoir “détourné” une citation extraite d’un livre en langue italienne de Emilio Aresu sur “La lingua dei galluresi”: j’ai adapté le texte en français et remplacé [il sardo] et [la Sardegna] par [le corse] et [la Corse] (https://www.taphros.com/product-page/la-lingua-dei-galluresi, p.144).

On pourrait penser en effet que les situation socio-linguistiques de la Corse et de la Sardaigne sont à certains égards similaires. Il existe cependant une différence de taille. En Corse malgré la différenciation interne l’intercommunication ne pose jamais de problème insurmontable. Le choix d’un statut de “langue polynomique” est significatif du refus d’établir une hiérarchie de normes: chaque variété corse est déclarée légitime.


Ce n’est pas le cas en Sardaigne. Les Sardes ont récemment éprouvé le besoin de “fabriquer” une “variété linguistique de médiation” qui ne fait pas l’unanimité comme l’indique un titre du journal la “Nuova Sardegna”: la “Limba Sarda Comuna, une belle idée bloquée par l’esprit de clocher” (http://www.lanuovasardegna.it/tempo-libero/2017/02/27/news/limba-sarda-comuna-una-bella-idea-bloccata-dal-campanilismo-1.14950272)”.


La différence des situations se manifeste y compris dans le domaine médiatique. On a un exemple emblématique dans des émissions radiophoniques comme Mediterradio (d’abord “radio des îles” puis “radio de la Méditerranée”: “l'actualité sarde et corse, traitée par des invités dans chacune des "îles soeurs" (francebleu.fr/emissions/mediterradio/rcfm). Les intervenants Corses s’expriment en langue locale (corse), alors que les Sardes recourent généralement à l’italien (“langue de l’Etat”): “Il programma trasmette in lingua corsa da Bastia e in lingua italiana da Cagliari e Palermo” (Wikipedia).


Les différences existent donc, même si les concordances sont évidentes comme le souligne le “pacte” signé en mars 2016 par le président de la Collectivité Territoriale corse et le président de la Région Autonome de Sardaigne:
La Sardegna e la Corsica sono depositarie di una storia comune e di condizioni geografiche che uniscono i due popoli, uniti da un comune destino, con evidenti punti di incontro su basi linguistiche, culturali e di organizzazione socio economica” (www.vitobiolchini.it/2016/03/15/sardegna-e-corsica-isole-sorelle-il-testo-integrale-della-comune-dichiarazione-di-intenti-fra-le-due-isole/).


Le livre cité sur le “gallurese” évoque l’inclusion de la Corse dans ce que nous avons appelé la “Romania Intertyrrhénienne” dans notre livre sur “La langue des Corses” (sudoc.fr/107229900). E.Aresu propose d’identifier une plus vaste zone “euro-méditerranéenne” reliant  “l’arc côtier gallo-ibérique” à la Sicile et à la Corse. La longue histoire commune  de ces régions, maritime et commerciale, conduit à approfondir la rémanence de traits linguistiques qui jusqu’à présent ont été négligés. Une telle orientation historique et comparative, incluant des éléments linguistiques divers (notamment « gréco-siciliens »: langue et toponymie), vise à dépasser la vision réductrice “idéologique et mono-référentielle”: une seule langue, un seul territoire.
Jean Chiorboli