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Cutuli e Curtichjatu et la CAPA lui rendent hommage : Marc-Antoine Corticchiato, en odeur de sainteté !


José Fanchi le Dimanche 26 Juillet 2015 à 19:31

Vendredi soir à Cutuli e Curtichjatu, ça sentait bon la détente. L’enthousiasme et l’amitié. Normal direz-vous dans le quartier de Peddi Mureddu, premier hameau du village, où l’immortelle (c’est la traduction) diffuse son odeur avec parcimonie. Comme par hasard, c’est là qu’habite Marc-Antoine Corticchiato, là où il a passait ses vacances entouré de sa famille et de « ses »plantes. Là où précisément a démarré cette passion des essences naturelles qui l’a mené au parfum d’Empire après une grande partie de sa vie consacrée à l’analyse des plantes à parfum pour en extraire la quintessence. Avec au bout, une distinction qui l’honore et le place sur la constellation des grands parfumeurs



Le maire de Cuttoli, Jean Biancucci, Marc-Antoine Corticchiato et Jean-Jacques Ferrara, président de la CAPA
Le maire de Cuttoli, Jean Biancucci, Marc-Antoine Corticchiato et Jean-Jacques Ferrara, président de la CAPA
Le village fête l’un de ses enfants. Marc-Antoine Corticchiato, parfumeur, créateur, vient en effet de se voir discerner l’une des récompenses les plus prisées dans le monde très fermé de la parfumerie : Le premier prix des experts des FiFi Awards 2015 de la Fragrance Foundation. Cela pour avoir réalisé le meilleur parfum d’une marque de créateur avec sa fragrance Corsica Furiosa. Bien avant cette prestigieuse distinction, Marc-Antoine Corticchiato avait marqué la profession avec son parfum d’Empire au début des années deux mille au terme d’années de recherche et de diplômes. Cela l’avait d’ailleurs directement mené à sa thèse de doctorat qui portait sur la mise au point d’une nouvelle technique d’analyse des extraits à parfums par résonance magnétique nucléaire du carbone-13. Une vie de travail, d’études, qui se solde par un diplôme de parfumeur à l’école de Versailles. La boucle est bouclée, le jeune artisan travaille d’arrache pied sans compter ses heures, penché qu’il est sur l’analyse des plantes et leur méthode d’extraction. De laboratoires en ateliers, de Madagascar aux collaborations dans des revues internationales, l’enseignant poursuit son bonhomme de chemin dans le monde de la parfumerie et fait honneur à sa région d’origine qui a toujours baigné dans les fragrances.
 
Les potentialités de l’île aux senteurs
Le mythe d’une Corse aux senteurs atypiques existe bel et bien. Ils sont d’ailleurs nombreux, à l’instar de Marc-Antoine Corticchiato à avoir choisi d’exploiter ces potentialités naturelles de notre région. Plusieurs marques de cosmétiques ont réussi à s’implanter un peu partout dans le monde. On les retrouve dans les instituts et autres spas les plus fréquentés, les plus luxueux. Les parfums ne sont pas en reste, bien au contraire. Il n’est que de se pencher sur le travail de longue haleine réalisé par Marc-Antoine Corticchiato et les résultats obtenus au cours de la dernière décennie. Avec, cela va de soi, les signaux forts envoyés aux décideurs économiques de notre région.
Raison pour laquelle, dans cette optique, la CAPA a choisi de promouvoir dans cette filière.  Et de participer à la conférence donnée vendredi soir à Cuttoli par Marc-Antoine Corticchiato afin de  mettre en valeur tous les débouchés qui existent pour cette filière porteuse d’avenir.
 

Questions à Marc-Antoine Corticchiato
Alors que vous étiez à même d’embrasser une carrière dans l’équitation, vous avez, si j’ose dire, fait un pied de nez à l’obstacle pour vous diriger vers un autre métier de nez ?
« Plus qu’un obstacle, c’était une folie. Mais j’ai toujours été attiré par le parfum des plantes, sensibilisé par le parfum du maquis, mais aussi les chevaux, les écuries qui ont un parfum, un univers olfactif extrêmement riche et passionnant. C’est ça qui m’a intrigué, le parfum, les odeurs, comment ça se fabriquait, qu’est-ce qui faisait que les plantes développaient tant de parfum, je me suis laissé entraîner dans ce domaine. »
 
Quelque chose vous a mis le pied à l’étrier ?
« Les plantes, sans hésiter et même si cela parait bizarre, la chimie de ces plantes. J’ai donc opté pour des études, un doctorat de chimie analytique, ensuite l’école internationale de parfumerie de Versailles dans laquelle j’enseigne aujourd’hui, puis toute une série d’expériences, notamment dans des brousses, savanes, à Madagascar. Un jour j’ai tout laissé pour aller travailler dans un laboratoire de création de parfums dans la région parisienne. C’était une seconde période, l’arrivée au parfum lui-même. Dans ce laboratoire, j’ai commencé à préparer ce parfum de ma propre marque, Parfum d’Empire. Dès lors, je me suis lancé avec foi et passion dans ce métier, sans jamais compter mes heures de travail, après quoi j’ai lancé ma propre marque à une époque où les gens ignoraient tout des marques de créateurs. En fait, cela a été une recherche, un éternel pari. On ne compte pas les heures et ce que l’on gagne est aussitôt réinvesti. C’est en quelque sorte un coup de poker… »
 
Et le parfum d’Empire est arrivé ?
 «Lorsque le premier parfum (eau de gloire) a été au point, c’est effectivement cela, le parfum d’Empire a suivi. La première préparation a été longue, fastidieuse, mais il en va de même pour chacun des parfums, cela demande du temps, beaucoup de temps, d’études et de préparation. »
 
Vous vous considérez toujours comme un artisan ?
 « Plus que jamais ! Je suis un artisan, complètement et je suis fier de l’être, même si certains avancent des termes comme artisan de luxe. Je reste donc un artisan. Tout simplement. Je tiens tout particulièrement à ce aspect de la profession, ce côté artisanat. Je dois dire que, hélas, le système est fait aujourd’hui pour que de moins en moins, les artisans aient leur place. Dans mon secteur, dans des marques de parfums de luxe, on est soumis à une demande de la part des distributeurs, qui sont aussi exigeants avec nous, artisans, qu’avec les plus grandes marques de luxe, et cela à tous les niveaux. Il faut se battre tous les jours. »
 
Que représente la distinction dont vous venez de faire l’objet ?
 « Comme je l’ai expliqué tout à l’heure lors de la conférence, lorsque j’ai créé ma marque, ces grands boîtes, ces grandes maisons, nous regardaient avec un sourire qui en disait long, sans doute parce que nous étions indépendants, sans grands moyens financiers. Ces marques, conscientes d’arriver à bout de souffle, d’un système, ont toutes lancé leur propre ligne de parfums créateurs, et aujourd’hui, ces grandes maisons, lorsque nous sortons un produit, nous regardent d’une autre façon, en tout cas très loin de la première… »
 
Les choses changent ?
 « Pas trop. Mais ils regardent de plus près notre travail, s’arrangent en tout cas pour savoir ce que l’on fait,  s’intéressent de très près à nos recherches. A travers les différents salons auxquels on participe, on s’en rend mieux compte. Ils sentent… En terme de communication, nous avons une approche complètement différente de l’approche grand public, ce que nous appelons nous dans le jargon du parfum, « le mastige », une contraction entre la masse et le prestige, c'est-à-dire des parfums dits de luxe mais vendus pour la masse… »
  
Durant la conférence, vous avez cité François Coty, est-ce un clin d’œil à l’histoire ? 
 «C’était un grand homme. Indépendamment du fait qu’il soit Corse, ça reste le plus grand des parfumeurs. L’exemple. Je n’ai pas la prétention de suivre le même chemin. Dommage qu’il soit tombé dans l’oubli de la part du grand public. Son groupe a été racheté et ne communique plus. François Coty reste le plus grand, il a apporté de nombreuses choses et notamment l’invention de cette parfumerie moderne il y a plus d’un siècle. »
J. F.

Hommages…

Jean Biancucci, maire de Cutuli e Curtichjatu : « C’est un enfant du village qui a beaucoup de mérite. Il a développé à la fois une idée, une passion, un métier. Il s’installe aujourd’hui au niveau international car il est sur un parcours magnifique et bien entendu, jonché de difficultés. Il vient de recevoir la juste récompense au niveau international et cela rejaillit sur sa famille, sur sa commune, sur la Corse. Il est tout à fait normal qu’aujourd’hui nous rendions hommage à Marc-Antoine. Nous avons même pris la précaution de le recevoir au hameau de Peddi Muredda, c'est-à-dire chez lui, dans son quartier. C’est aussi une manière de dire que l’on peut, à travers les richesses du pays, les potentialités qu’il offre, travailler sur place avec autant de richesses. C’est un impact économique car au-delà de Marc-Antoine, au-delà de la créativité, de la volonté d’aller vers la création, il y a aussi une entreprise qui se développe, qui a des marchés. Ce que nous lui souhaitons, c’est beaucoup de succès. Nous serons toujours là pour l’appuyer et l’encourager à poursuivre un parcours aussi brillant. »
 
Jean-Jacques Ferrara, président de la CAPA : « Lorsque Jean Biancucci m’a fait part de rendre hommage à l’enfant du village, j’ai tout de suite accepté. Je l’avais rencontré à la mairie d’Ajaccio lors de sa réception par le député-maire et j’ai très vite adhéré à la démarche, à son parcours, à son extraordinaire travail. J’ai voulu associer la CAPA à cet événement parce que je pense que dans le cadre de notre volonté de développer le territoire, il y a peut-être une voie qui n’a pas été explorée, celle des plantes à parfum. J’ai échangé avec Marc Antoine Corticchiato sur ce sujet. Nous avons le terroir qui se prête parfaitement aux plantes à parfum et nous avons les talents sur place comme Marc-Antoine, qui sont en mesure de le développer… »
J. F.