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Corses, nous demandons à Hollande de soutenir la voie démocratique sur l'île


le Jeudi 27 Juin 2013 à 22:02

Sous ce titre, le Nouvel observateur publie une tribune qui, signée par des universitaires, des responsables associatifs, des responsables syndicaux, des chefs d'entreprise et des journalistes, attire l'attention du président de la République sur la reconnaissance de la langue corse et le statut de coofficialité que vient de lui octroyer l'assemblée territoriale… Voici le contenu de cette tribune.



François Hollande à Ajaccio en Mars 2012
François Hollande à Ajaccio en Mars 2012
Voie démocratique ou violence clandestine ? Pour notre part nous avons choisi, et ce depuis des années voire des dizaines d’années pour certains d’entre nous. Nous avons lutté, luttons et lutterons pour la démocratie par la démocratie à visage découvert. Notre condamnation de la violence est sans appel.
Cette voie semblait retrouver les faveurs de la population corse, et plus encore de sa jeunesse. Personne n’aime les drames, les départs en prison de jeunes de 20 ans, les blessés et les morts.
Cette voie semblait réussir et déboucher sur des solutions concernant de vieilles revendications du territoire en ce qui concerne ses spécificités culturelles ou économiques. Le résultat était là : la violence clandestine politique avait bel et bien diminué.
La voie démocratique est notre credo et notre espérance. Cette voie est actuellement fragilisée. Nous en voulons pour preuve deux exemples : la posture prise à notre égard par le ministre de l'Intérieur  ; le positionnement actuel du gouvernement sur la place de la langue corse.
Évidemment, la reconnaissance de la langue corse et un changement institutionnel n’ont pas pour ambition de résoudre ni les problèmes de criminalités, ni les difficultés sociales et économiques de la Corse. 

Nous ne voulons pas être otages d’ambitions personnelles
Le ministre de l’Intérieur ne doit pas se servir de la Corse pour ses ambitions personnelles. Manuel Valls est actuellement tout en posture. Sur la Corse, il a tout faux après ses déclarations maladroites sur une culture corse faite de violence, il a très récemment rejeté la demande des élus avec morgue et dédain en direct à la télévision. Tant sur la forme que sur le fond, cela n'est pas acceptable.
Nous trouvons injuste que la Corse ait toujours comme interlocuteurs quasi-uniques des ministres de l’Intérieur, jacobins de part leur essence ou le devenant par démagogie électoraliste continentale. Toujours dans des postures autoritaires, voire autoritaristes, ils viennent en Corse interpréter  un rôle dans une pièce de théâtre que les Corses n'ont eux-mêmes pas envie de jouer.
Pierre Joxe l'avait d'ailleurs compris, ayant su, d'abord écouter puis répondre. En un mot, dialoguer.
Le Premier ministre est, lui, légitime pour venir en Corse et répondre à l’ensemble des pistes ouvertes par la démocratie. Les ministres chargés de l'Education, de la Jeunesse, de la Décentralisation, de la Culture doivent eux aussi s’emparer des débats actuels.

Votre promesse a généré l’espoir
Candidat, Monsieur le Président, vous affirmiez à travers la promesse n°56 de votre programme  : "Je ferai ratifier la charte des langues minoritaires ou régionales".
L’assemblée territoriale corse, émanation que l'on peut qualifier de démocratique, vous en conviendrez, usant de son pouvoir d’interpellation, a formulé une demande de co-officialité langue corse/ langue française. Ont voté favorablement le PS, PCF, une partie de l'UMP, les autonomistes, les nationalistes. Pas un seul vote n'a été formulé contre cette proposition.
Mais si cette revendication n'est pas une solution à tous les problèmes corses, est-elle pour autant à balayer d’un revers d’une main ministérielle, au détour d'une discussion ? Michel Rocard l'avait déjà analysé il y a déjà plus de dix ans, avec vérité.
Nous ne souhaitons pas débattre de l’opportunité de cette mesure. Nous pourrions mais tel n'est pas là notre propos.

Une démarche démocratique éreintée
Nous voulons surtout et simplement souligner la démarche.
Deux ans de travail, qui succèdent à une longue évolution des mentalités, deux jours de débat, des dizaines d’amendements discutés… ont prévalu à un vote largement majoritaire lui même, résultat d'une démarche fortement démocratique.
La réponse à la promesse du président et à la demande des élus semble donc sans appel : cette aspiration forte (90% de la population favorable à cette évolution) qui rejoignait dans l’esprit une promesse électorale et dans les faits l’expression de notre démocratie représentative, a été refusée.
On nous oppose des arguments juridiques émanant de son éventuelle non constitutionnalité. Ces arguments sont réels mais futiles. La Constitution est la résultante d’une volonté politique, elle a été l’objet de moult évolutions et amendements. Par ailleurs, sur d'autres sujets, notamment fiscaux, vous n'avez pas hésité à chercher des solutions alternatives aux décisions du Conseil constitutionnel.
Des choix clairs
Cette réponse pose donc deux problèmes :
- La voie démocratique est elle la plus efficace ? Nous continuons à penser véritablement que oui mais beaucoup vont s’en détourner, notamment les plus jeunes. Ils se demandent simplement "à quoi bon voter ?"
- La radicalisation menace. Un désastre humain s’annonce. Les démocrates de gauche, de droite, autonomistes ou nationalistes le paieront dans leur vie quotidienne : les extrêmes, plus encore qu'ailleurs, se renforceront.
Que leur répondre : une promesse d’un président de la République et un vote des représentants démocratiquement élus… ne valent elles rien ?
 Nous vous lançons donc un appel,
Monsieur le Président de la République, soutenez notre credo démocratique, ne renoncez pas à vos promesses, écoutez la voix de la représentation démocratique. Nous ne voulons absolument pas d’un retour de la violence clandestine. Monsieur le président, votre responsabilité est engagée : aidez-nous à redonner de l'espérance à nos jeunes et moins jeunes. Notre jeunesse, qui est aussi la vôtre, est comme pour vous notre priorité numéro un. Aidons-la à grandir dans une Corse apaisée au sein d'une France apaisée, loin des polémiques politiciennes.
La tribune est signée par Vannina Bernard-Leoni, universitaire, Louis Ducreux, responsable syndical, Didier Grassi, responsable syndical, Petru Mari, journaliste, Ludovic Martel, universitaire, Carina Orru, responsable associative, Raphael Papi, universitaire, Philippe Pasqualini, chef d'entreprise, Jean-Louis Santoni, responsable associatif.