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Corse : l’élevage porcin traditionnel menacé par l'introduction d'une mesure "discriminatoire"


Thibaud KEREBEL le Mercredi 10 Mai 2023 à 17:31

Alors que l’accession aux aides européennes risque de se compliquer pour les éleveurs porcins de Corse, les Chambres d’agriculture craignent une disparition totale de la filière sur l’île. Pour dénoncer cette « discrimination », un rassemblement sera organisé ce jeudi 11 mai devant la sous-préfecture de Corte.



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En janvier dernier, les Chambres d’agriculture de Corse s’étaient inquiétées du devenir des élevages caprins, à cause de nouvelles normes sanctionnant les surfaces peu productives (comme le maquis). Cette fois, c’est la filière porcine qui semble menacée par des règles annoncées début mai, et dictées par la politique agricole commune. « Ce qui se profile, c’est la disparition de l’élevage porcin traditionnel corse. On veut favoriser l’importation de porcs élevés ailleurs, c’est incompréhensible et c’est une honte ! », s’indigne Joseph Colombani, président de la Chambre d’agriculture de la Haute-Corse.

Concrètement, les subventions européennes allouées aux éleveurs sont conditionnées par un « taux de chargement », c’est à dire le ratio d’animaux par hectare d’exploitation. En clair, en dessous d’un certain seuil, impossible d’accéder aux aides financières. Or, les nouvelles règles indiquent que ce taux de chargement sera maintenant calculé sur la base des animaux abattus et non plus sur « la réalité du cheptel », explique Joseph Colombani.

Seuls les porcs charcutiers abattus entre le 1er Octobre N-1 et le 31 mars de l’année N seront comptabilisés pour ce nouveau calcul. Ce qui exclut donc, de fait, « les truies mères, les porcelets qui sont vendus vivants ou abattus en dehors de cette période, et les porcs des jeunes agriculteurs en phase de démarrage, qui n’abattent par les premières années ». De nombreux éleveurs risquent ainsi de ne plus pouvoir prétendre aux aides surfaciques, pour cause de rendement trop faible.

Une mesure jugée discriminatoire

Mais ce qui accentue la colère de Joseph Colombani, c’est que les porcs importés sur l’île pour y être abattus seront, eux, inclus dans ce calcul. « Des bêtes qui n’ont jamais vu le moindre début d’un gland ou d’une châtaigne vont servir à obtenir une aide sur les taux de chargement des chênaies et des châtaigneraies. C’est la cerise sur le gâteau. » Et alors que cette mesure est propre à la Corse, le président départemental de la Chambre d’agriculture dénonce sans hésiter une forme de « discrimination ».

« Pourquoi ça ne s’applique qu’à la Corse ? Pourquoi est-ce qu’ils décident, en Corse, de ce que va être notre vie à nous ? J’ai appelé le ministère, mais je n’ai jamais eu de réponse. » Pour essayer de faire bouger les choses, la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de Haute-Corse organisera un rassemblement de contestation devant la sous-préfecture de Corte ce jeudi 11 mai à 14 h. « On fait appel à toutes les personnes qui veulent dénoncer cette injustice et l’ensemble des injustices dont souffre l’agriculture corse ! »

Sûr de lui, Joseph Colombani certifie d’ailleurs que « si on attaque cette mesure au tribunal administratif, elle est obligée de tomber ». « Le système choisi permet de subventionner des porcs importés. C’est un contresens par rapport à l’aide européenne, puisque ça ne favorise pas du tout l’utilisation des chênaies et des châtaigneraies. En plus, c’est une décision qui a été prise sans concertation, alors que la loi donne à la Corse autorité de gestion. Normalement, elle a son mot à dire sur des décisions prises par la France concernant spécifiquement la Corse. »