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Corse : Le feuilleton constitutionnel


Jacques RENUCCI le Vendredi 23 Février 2018 à 19:11

Au baromètre des échanges sur l'inscription de la Corse dans la Constitution, l'Etat souffle le chaud et le froid, car il n'est pas dans sa nature de lâcher sur ses prérogatives.



Corse : Le feuilleton constitutionnel
Pendant que le monde suit son cours, avec ses drames, ses sagas et ses bonheurs, l'île a sa télé-réalité ponctuelle, sa drogue douce, – et comment celle-ci aurait-elle pu être autre qu'institutionnelle ? Le décor est planté depuis semble-t-il des lustres, au point que l'archéologie préventive aurait à gratter pour des années à travers un paysage immuable, couches et sous-couches presque à l'identique, le paysage d'une île insatisfaite mais qui croit connaître la recette pour aller mieux : celle qui passe par un changement de statut.
  Et nous voici à nouveau tous juristes, tous constituants, à démêler ce que sera le nouveau rapport de la Corse à l'ensemble national, à la lumière parcimonieuse qui nous vient des réunions entre les services de l'Etat, les élus, les personnalités compétentes de la société civile régionale, sur l'inscription de la Corse dans la Constitution.
   
Une invitation solennellement formulée par le Président de la République sur ce thème, cela ne se refuse pas. Il y a de notre côté un manifeste élan positif à l'oeuvre, chacun y met du sien, avec plus ou moins de bonne volonté de voir les choses aboutir à des résultats concrets. Mais le climat n'est pas à la confiance. Il est vrai que, depuis des décennies, lorsque l'île proposait une initiative, comme paraît-il, elle en avait statutairement le droit, les gouvernements successifs lisaient les délibérations ad hoc d'un derrière distrait. Mais oublions les contentieux du passé.
   
Pour l'insulaire naïf, l'histoire se résume au jour le jour à une incantation numérologique, comme si l'on pronostiquait sur les résultats d'un tirage pour atteindre le gros lot... 72, 73, 74, sans compter les alinéas. Pourquoi, au-delà de ce formalisme envahissant, ne pas partir d'un principe simple : l'article qui concerne la Corse reste encore à écrire. Aux politiques de proposer leurs desiderata, aux juristes de traiter techniquement cette nomenclature, sachant que la moindre audace sur la voie de la spécificité sera plus disputée et discutée que l'héritage de Johnny. Car l'Etat, avec le Constituant en première ligne, répugne à l'idée de fragiliser le système de la Nation en entamant le principe d'égalité entre les territoires.
   
Partons donc du principe que l'article sur la Corse n'existe pas encore. L'île doit mettre en avant ses attentes spécifiques, argumenter au mieux en fonction de ses intérêts. Tout cela, une fois l'étape actuelle franchie, ne demande désormais qu'une confrontation à l'épreuve de la réalité. On ne parle pas de la réalité radieuse de la Corse quasi omnipotente, ancrée dans les nouvelles prérogatives de la panacée attendue, mais de la réalité plus aléatoire du Congrès en réunion à Versailles. Là, rien n'est gagné d'avance et on pourrait bien avoir gaspillé du temps et de la salive pour rien, avec un douloureux retour à la case départ et le sentiment que, comme Pénélope (celle d'Ulysse, pas celle de Fillon), il va falloir sur le métier remettre l'ouvrage. Et dans la bibliothèque de la collectivité, ranger Dickens - « De grandes espérances » – pour passer à Balzac - « Illusions perdues »...  

Corse : Le feuilleton constitutionnel