Conseil municipal de Bastia.
« C'est un Conseil municipal historique, extraordinaire ! », n’a pu s’empêcher d’ironiser le maire de Bastia, Pierre Savelli, à la fin d’une séance de rentrée étonnamment consensuelle, qui s’est déroulée au pas de charge, sans une polémique, sans aucun accroc, ni anicroche, ni même l’ombre d’un débat… Tellement amorphe qu’elle a tranché, en effet, de façon saisissante avec la routine ordinaire d’un Conseil où, d’habitude, tous les prétextes, même parfois les plus futiles ou les plus inattendus, sont bons pour s’affronter et tirer la couverture à soi. Une atonie d’autant plus remarquable en pleine campagne électorale et à quatre jours du 1er tour de scrutin de la départementale partielle du 3ème canton de Bastia, qui se tiendra les 2 et 9 octobre prochains. Le signe, peut-être aussi, que ce scrutin ne passionne pas les foules ! Mais, il est vrai, à la décharge des élus, que l’ordre du jour étant si ténu et quelque peu rebattu qu’ils n’avaient rien de bien passionnant à se mettre sous la dent. Une information, cependant : la désignation de Pierre Savelli et de sa suppléante, Leslie Pellegri, pour siéger au sein du comité de gestion du futur parc naturel marin du Cap Corse. Et un dossier plaisant : le nouvel adressage de trois rues dans le quartier du Fangu.
Des adresses pas convenables !
Qui l’eut crû ! Certaines rues de Bastia n’ont pas de nom ! Dans les nouveaux quartiers d’extension urbaine du Fangu, d’Erbajolu ou du Sud, des impasses, des rues et des places n’ont pas été baptisées. Un oubli qui n’est pas neutre et pose aux habitants, comme au service public, un réel problème d’adressage. Quelle adresse donnée quand on n’en a pas ? Dans le quartier du Fangu, par exemple, 1800 riverains n’ont pas d’adresse convenable. Résultat : le courrier et les colis n’arrivent pas, les services à domicile ou les secours, médecins ou pompiers, tardent à intervenir, les informations cadastrales sont incomplètes, les listes électorales faussées, les impôts mal recouvrés et la population plus difficile à recenser ! C’est pourquoi, indique Jean-Joseph Massoni, adjoint délégué aux finances : « Le 18 mai dernier, nous avons signé, avec la DGFIP (Direction générale des Finances publiques), une convention partenariale visant à fiabiliser les valeurs locatives des propriétés bâties et les bases fiscales, et à améliorer l’adressage. Pour améliorer l'adressage en français et en corse, nous avons mis en place un processus et défini trois zones prioritaires et un calendrier : la zone n°1 concerne le quartier du Fangu et de l’Annonciade que l’on traite maintenant. La zone n°2 concerne le quartier d’Erbajolu et sera traitée en 2017. La zone n°3 concerne Bastia Sud et sera traitée en 2018 ».
En souvenir d’artistes
Dans le quartier du Fangu où 46 numéros de rues ont été virtuellement créés, 1788 riverains sont touchés par cette opération. Trois rues ont été baptisées, chacune d’un nom émanant du travail réalisé sur la signalétique. La première, une impasse comprise entre Le Rivoli et le Desk, derrière le Forum du Fangu, s’appelle, désormais, « U Carrughjettu Julie Zani Barboni / Impasse Julie Zani Barboni », en hommage à une musicienne bastiaise, issue d’une famille de négociants en sel et en savon de la rue Napoléon, fondatrice du groupe folklorique Cantu di Cirnu en 1951. La seconde, une rue située derrière les résidences des terrasses du Fangu, dont la continuité de la rue du Père André Marie et de la rue du juge Falcone, prend le nom de « Carrughju Georges Cinquini / Rue Georges Cinquini » en mémoire d’un artiste peintre bastiais du 20ème siècle. La troisième, une rue qui va du rond-point du Forum du Fangu jusqu’au rond-point de Montepianu, est nommée « Carrughju François Agostini / Rue François Agostini », en référence à un compositeur né à Oletta qui fut directeur de l’Opéra de Paris. La rue de l’Alyssum, du nom d’une plante à fleurs blanches qui a toujours poussé dans le quartier, est doublée d’un nom corse : « Carrughju di l’Allissu corsu ». Les noms ont été adoptés à l’unanimité.
500 noms de rues
« Souvent, les gens utilisent comme adresse le nom de leur immeuble ou de leur résidence. Ce sont des noms un peu commerciaux qui n’évoquent pas grand chose et qui ne nous satisfont pas. Voilà pourquoi la municipalité a voulu donner des noms qui portent du sens et sont en résonnance avec l’histoire de notre ville. Les trois rues, aujourd’hui nommées, portent le nom d’artistes locaux du patrimoine bastiais », commente Philippe Peretti, adjoint au patrimoine et membre du groupe de travail sur la signalétique bilingue. « Ce groupe de travail, présidé pendant longtemps par Georges De Zerbi qui s’était entouré d’érudits et de savants, a fait, à la municipalité, des propositions de noms bilingues pour nos 500 rues bastiaises. Il s’agit d’une signalétique bilingue, pas d’une traduction du corse au français et du français au corse. Souvent des dénominations anciennes sont proposées à côté de dénominations utilisées depuis un ou deux siècles environ. Il s’agit même quelquefois d’apporter un nom nouveau. C’est un travail considérable qui a été effectué ! », ajoute-t-il.
Si le sujet fait indéniablement consensus, l’élu de l’opposition, Jean Zuccarelli, s’interroge sur la frilosité de la nouvelle mandature à puiser dans l’arsenal proposé pour étendre la double signalétique corse-français à toute la ville : « Pourquoi avons-nous stoppé la signalétique bilingue là où elle est simple à afficher ? Par exemple, sur le boulevard ou dans le quartier du Centre ? ».
Pas si facile !
Pas question réplique le maire nationaliste de laisser un tel chantier en friche ! « L'appellation bilingue, quand il s'agit de donner un second nom, pose un problème au niveau de la poste, des impôts et du cadastre, mais nous allons le faire », affirme Pierre Savelli. « On ne peut passer changer 500 noms de rues comme ça ! Ce n’est pas facile ! Il faut modifier beaucoup de choses administrativement, notamment son adresse aux hypothèques, à l’Ordre des notaires, au cadastre, à la Poste… C’est pour cela que la municipalité a décidé de changer les noms, d’apporter un nom complémentaire quand cela ne posait pas de problèmes », renchérit Philippe Peretti. « Il y a aussi un problème financier qu’on ne peut cacher. Des rues nécessitent la pose de 10 ou 15 plaques bilingues, voire 20 ou 25. Il y a également des problèmes règlementaires. Nous devons être en accord avec tous ceux qui utilisent ces noms. Une adresse a une grande valeur juridique. Une propriété est toujours définie par son adresse, c’est le fondement même de la propriété. Il faut, donc, faire très attention quand on change ou modifie un nom de lieu ».
En bref, une belle adresse se mérite ! En attendant, les Bastiais pourront, peut-être, bientôt, consulter la liste des 500 noms. Une demande de l’élu communiste, Francis Riolacci, que le maire a agréé.
Affaire à suivre…
N.M.