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Christelle Combette : « Nous émettons des réserves sur le choix de SFR pour le très haut débit »


Nicole Mari le Samedi 30 Juin 2018 à 23:48

Lors de la session du 29 juin, l’Assemblée de Corse a validé l’attribution de la Délégation de service public (DSP) pour la construction, l’installation et l’exploitation du très haut débit à la société SFR Collectivités. Le choix, issu de l’appel d’offres, a généré des inquiétudes sur la capacité de l’opérateur à mener à terme les travaux censés durer 5 ans, notamment celle du groupe Per l’Avvene qui n’a pas participé au vote. La conseillère territoriale, Christelle Combette, explique, à Corse Net infos, des craintes et des réserves que les garanties obtenues par l’Exécutif n’ont pas levées.



Christelle Combette, conseillère territoriale du groupe Per l'Avvene.
Christelle Combette, conseillère territoriale du groupe Per l'Avvene.
- Pourquoi vous êtes-vous élevés contre le choix de l’Exécutif ?
- Nous ne sommes ni pour, ni contre le projet. Nous ne remettons pas en cause le choix qui a été fait par les conseillers de la CAO (Commission d’appel d’offres) sur un dossier qui est très technique. Ce dossier, qui nous a été présenté en séance par le président de l’Exécutif, est la preuve d’un important travail de fond. Nous reconnaissons le sérieux du travail fait par les services de la Collectivité. Mais, quand on se renseigne sur les marchés d’une telle importance qui ont été émis par d’autres collectivités, on se rend compte que l’opérateur, qui a obtenu la DSP, n’est pas forcément très fiable. C’est pour cela que nous émettons de grosses réserves sur le choix du délégataire.
 
- Quelles réserves ?
- Des réserves, à la fois, sociales et économiques. Elles partent de faits, d’écueils, qui se sont produits dans d’autres collectivités d’autres régions ou microrégions. Cet opérateur a pour stratégie de répondre aux appels d’offres par une offre très basse pour emporter le marché et, ensuite, de négocier avec des entreprises pour les faire travailler à des prix très bas, en-dessous du marché. Nous avons peur que les entreprises locales ne soient contraintes de travailler à perte. Elles sont d’ailleurs inquiètes quand à la stratégie habituelle de cet opérateur par rapport à ces sous-traitants.
 
- Craignez-vous que les travaux de génie civil, présentés comme une aubaine économique pour les entreprises corses, ne se retournent contre elles ?
- Tout à fait ! D’autant que, pour l’instant, excepté dans une démarche commerciale, SFR n’est pas du tout implanté en Corse. Ce qui suppose tout un travail de constitution et de formation d’équipes qui ne semble, pour l’instant, pas avéré et ne ressort pas, de manière claire et certaine, dans le dossier. Même si la Collectivité a demandé des garanties, que nous ne contestons pas, et qu’il semble évident que les entreprises locales seront interrogées, rien ne dit dans quelles conditions, elles travailleront. Travailler à perte n’est pas une solution !
 
- Vous semblez craindre, aussi, que le marché ne soit pas mené à terme. Pourquoi ?
- C’est le risque qui pèse sur toutes les attributions de marchés publics. D’autant plus lorsqu’on choisit une entreprise qui rencontre des difficultés financières, comme c’est actuellement le cas pour SFR au niveau national. Lorsqu’on choisit une entreprise qui ne répond pas forcément à des critères de responsabilité sociale, on a du mal à imaginer qu’elle puisse réaliser les travaux dans les délais qui lui sont impartis. Dans de nombreux endroits où SFR a été choisi, elle n’a pas rempli ses obligations, elle n’a respecté ni les délais, ni le cahier des charges. Ce sont des critères essentiels ! A Bastia, par deux fois, cet opérateur n’a pas réussi à répondre à la mission qui lui a été confiée...
 
- L’offre de SFR étant de loin la mieux-disante, l’Exécutif n’a pu la refuser et a multiplié les garanties. Que fallait-il faire selon vous : annuler l’appel d’offres ?
- Nous ne sommes pas aux responsabilités. Même si nous avons étudié le dossier en profondeur, nous n’avons pas rencontré les opérateurs qui ont répondu à l’appel d’offres. L’Exécutif a sélectionné des critères auxquels SFR a répondu et qui lui ont permis d’être retenu. Il est vrai que le code des marchés publics rendait ce refus difficile. Les garanties, prises par la collectivité en cas de non-respect de clause, sont rassurantes. Mais, pourquoi pas, effectivement, annuler le marché et essayer de travailler différemment ?
 
- Auriez-vous préféré l’opérateur historique en Corse : Orange ?
- Non ! Pas du tout ! Cinq opérateurs ont été retenus dans la deuxième phase, notre groupe ne s’est positionné ni pour l’un, ni pour l’autre. Cependant, je pense que c’est un dossier important pour les Corses et pour les entreprises corses qui ont besoin de très haut débit. Aujourd’hui, si on n’est pas connecté, on est isolé ! Les Corses nous attendent sur ce dossier et j’ai des doutes sur l’effectivité de la mise en place du très haut débit dans les cinq ans à-venir. J’ai peur que ce soit un échec et que, dans cinq ans, la Corse ne soit toujours pas entrée dans le numérique.
 
Propos recueillis par Nicole MARI