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Calvi : Le Festival du Vent pourrait-il être ressuscité ?


Olivier Bianconi le Dimanche 5 Décembre 2021 à 19:53

La Balagne, pionnière dans le domaine du tourisme, fut à l’origine de l’un des premiers syndicats d’initiatives de l’île, fondé à Calvi en 1906. Plus d’un siècle plus tard, à l’aube de l’an 2022, le besoin d’un souffle nouveau se fait ressentir dans la cité Semper Fidelis.
La période estivale qui s’étend de début avril à fin octobre, connait depuis des années sur les ailes de saison, un manque certain de dynamisme et d’attractivité. Nombre d’établissements tirent leurs rideaux fin septembre, laissant aux visiteurs un octobre assez morne.
La splendeur de la baie, le charme de la citadelle, la convivialité du port de plaisance, et la grande plage ne suffisent plus. Le Festival de Jazz créé en 1987, et le Festival du Vent en 1992, disparus tous deux dans les années 2013-2014, ont laissé un vide que rien n’est venu combler, tant du point de vue de l’attractivité touristique engendrée, que de celui de l’intérêt local. Depuis, leurs fantômes hantent la cité. Les professionnels du tourisme étudient actuellement la stratégie à adopter pour inverser la tendance. L’évènementiel en serait l’axe privilégié.

A Paris, CNI a rencontré Serge Orru, créateur et longtemps président du Festiventu. Installé depuis septembre dernier dans les murs de l’ancienne mairie du 4e arrondissement avec L’Académie du Climat, il revient pour nos lecteurs sur son parcours et donne des réponses aux questions que la Balagne se pose



Crédit photo Studio Luis/Crystal Pictures
Crédit photo Studio Luis/Crystal Pictures
- Après 40 ans au service de l’environnement, de la culture et des droits de l’Homme, vous venez de prendre vos nouvelles fonctions en présidant L’Académie du Climat, pouvez-vous nous présenter sa mission ? 
- Nous venons de nous installer dans un bel immeuble haussmannien à proximité de l’Hôtel de Ville de Paris. Nous avons créé au cœur de la capitale, un lieu participatif et pluridisciplinaire, éducatif et gratuit pour former les jeunes aux enjeux environnementaux, à la biodiversité, et les accompagner dans l’élaboration de projets en faveur du péril climatique. Avec une équipe d’une trentaine de personnes, je poursuis donc sous une autre forme le travail initié par le Festival de Vent.


- Le Festival du Vent de Calvi est inauguré en 1992, pouvez vous revenir sur la genèse de cet évènement ? 
- C’est une création et une organisation en tandem avec mon épouse Carina Orru, aujourd’hui directrice RSE à la Coupe du Monde de Rugby. Comme pour la réalisation d’un film, il est le fruit de nos racines, expériences passées, de nos voyages, rencontres, convictions et engagements. Je suis issu du monde du tourisme mais également attaché à l’univers cinématographique, au théâtre et à la musique, domaines dans lesquelles j’ai travaillé. Le Festival du Vent en est l’évolution. Il fut pluridisciplinaire car je suis curieux de tout ! Nous le voulions s’adressant à tous, quel que soit l’âge, l’origine, ou l’orientation politique. Il fallait aussi investir l’espace disponible et ne pas se cantonner à un seul lieu. Une équipe solide et de très nombreux bénévoles vont permettre à cet événement rassemblant l’écologie, la science, le sport, l’art, les droits humains et sociaux, l’économie et la sociologie, d’exister pendant 22 ans !


- Le Festival du Vent était programmé fin octobre, y avait-il aussi une volonté de prolongation de la saison touristique ? 
- J’ai été directeur de centres de vacances, notamment à Calvi, puis directeur du département France de Touristra, la question de l’allongement de la saison touristique ne m’était donc pas inconnue. Mais plus qu’un festival de fin de saison, nous voulions au contraire créer le début d’une nouvelle saison. Festiventu pouvait rassembler certaine année jusqu’à 45 000 personnes à Calvi fin octobre ! 


- Le Festiventu a été à l’origine de prises de conscience d’envergure nationale, pouvez-vous en parler ? 
- Par sa capacité à rassembler, à fédérer, par son bouillonnement et ses réseaux, le festival était avant-gardiste et productif. Les nombreuses conférences organisées étaient de vrais espaces d’échange, de partage et de liberté. Je me souviens d’une conférence avec Léo Battesti, où dans la même salle se trouvaient plastiqueurs et plastiqués, qui arrivaient pourtant à se parler. En matière d’environnement, le festival a notamment initié depuis Calvi en 1999, la campagne « Halte aux plastiques ! », qui va permettre une baisse drastique des sacs à usage unique en France, de 20 milliards à moins d’1 milliard en 2013 dernière année du festival ! La campagne « OUI au papier recyclé » a permis l’utilisation du recyclé lors de l’élection présidentielle de 2007. D’autres, campagnes concerneront les piles électriques ou encore les mégots de cigarette, avec toujours l’objectif de sensibiliser à la nécessité de changer nos mauvaises habitudes, et de trouver quand c’est possible des solutions de remploi.


- Après 22 années de programmation le Festival du Vent s’éteint. Quelles en sont les raisons ? 
- Le festival était populaire mais nous étions aussi critiqués. Nous avons pendant des années été taxé de communistes, de nationalistes et même de libéraux ! Mais les attaques ne nous ont jamais découragé.  Je pense que Carina et moi-même, nos équipes et les bénévoles étaient fatigués de la charge qu’a pu représenter l’organisation d’un tel évènement. Le Festiventu s’était des équipes à Paris et Calvi, des bénévoles, des réseaux, et 1 million ½ d’euros par an de budget, dont je tiens à le préciser, l’essentiel était financé par des subventions privées. La baisse de la subvention de la CTC et d’autres mauvais coups finiront par nous convaincre que l’heure de refermer cet important chapitre de notre vie était arrivée. 


- Pensez vous qu’il soit possible aujourd’hui de ressusciter le festival ?  
- Je reste propriétaire du nom et je crois que le festival continu d’exister d’une certaine manière. Si un évènement à Calvi s’inquiétait des problématiques liées aux enjeux environnementaux et humains, je serais très heureux de pouvoir l’aider. Aujourd’hui il me semble important de valoriser la Citadelle de Calvi, il faut la mettre à l’honneur ! Je me souviens de Citadella in Festa, de Blaise Orsini et de René Caumer. Il faut aujourd’hui saluer le travail d’A Filetta et du Svegliu Calvese, et encourager les initiatives nouvelles ! Le vent souffle encore…

Serge Orru, créateur et longtemps président du Festiventu
Serge Orru, créateur et longtemps président du Festiventu