C’est, sans doute, le premier vrai budget de rigueur ! Avec près de 14 millions € en moins de dotation d’Etat pour 2015, la Collectivité territoriale de Corse rentre brutalement et de plain pied dans la stricte période d’assainissement des finances publiques nationales programmée jusqu’en 2017. Alors que jusqu’à présent, elle avait réussi à maintenir cette dotation, elle doit, en plus, faire face au plafonnement de ses propres recettes fiscales, notamment celles issues de la fiscalité du tabac en raison de l’alignement progressif des tarifs sur la norme continentale. Les perspectives n’étant guère meilleures du côté des ressources de la fiscalité indirecte (Taxe sur les produits pétroliers, cartes grises…), le spectre de la disette, qui planait depuis deux ans sur les finances insulaires, devient, désormais, réalité. C’est toute la structure financière de la CTC qui s’en trouve bouleversée !
Des arbitrages serrés
Ces dures réalités ont pesé sur la définition des orientations budgétaires de l’exercice 2015 qui se caractérisent par un souci accru de prudence et des arbitrages politiques serrés. « Nous avons fait des choix que nous assumons. Nous ne pouvions pas, en raison du PEI (Plan exceptionnel d’investissements) qui court jusqu’en 2022, faire le choix impossible de diminuer l’investissement. Il n’y avait, donc, pas d’autre choix que de serrer sur le fonctionnement, ce qui passe par la suppression des dépenses inutiles, un effort de gestion des offices et agences et la maîtrise de la masse salariale », explique le président de l'Exécutif, Paul Giacobbi. S’il assure que cette marge de manœuvre réduite ne plombera pas le soutien à l’économie, à la formation, au logement, aux transports et à la solidarité territoriale avec les communes et les intercommunalités, il en appelle à la nécessité de repenser les interventions de la CTC et à un partage de responsabilités avec les autres collectivités.
Pas de pression fiscale
Cinq priorités ont, donc, été arrêtées. La 1ère est d’améliorer l’épargne brute en ajustant les dépenses de fonctionnement et en réduisant les charges de personnels. La 2ème est de maintenir la capacité de financement à 220 millions €. La 3ème est de limiter le recours à l’emprunt à 29 millions €. La 4ème est de saisir toutes les opportunités de financement complémentaires et de conserver celles existantes. La 5ème est de limiter l’impact fiscal sur les ménages. « Nous ne voulons pas actionner le levier fiscal et augmenter la taxe sur les carburants. Ceci pour deux raisons : d’abord parce que les ménages sont déjà largement touchés par la hausse du prix des carburants. Ensuite, parce que l’état de fluidité du marché des carburants ne permet pas de bénéficier de prix compétitifs. Ce serait, donc, injuste pour la population ». Paul Giacobbi avoue, cependant, que ce n’est que reculer pour mieux sauter et qu’en 2016, l’effort de rigueur s’intensifiant, la question d’une augmentation de la pression fiscale ne pourra plus être évacuée.
Un budget insincère
Si le président Giacobbi s’estime très satisfait et même « fier » d’avoir résolu cette difficile équation budgétaire, sa feuille de route ne trouve pas grâce aux yeux de l’opposition qui tire à boulets rouges sur sa gestion. Comme d’habitude, Antoinette Santoni-Brunelli, du groupe Rassembler pour la Corse, ouvre le feu sans faire dans la dentelle. « Vous nous promettez des miracles avec tout l’aplomb qui vous caractérise ! C’est tellement séduisant que je ne doute pas que votre majorité vous rende hommage. Sauf que dans la réalité, vous faites le contraire ! Comme on le constate à chaque compte administratif depuis 2011 », lance-t-elle à Paul Giacobbi, chiffres à l’appui. Elle dénonce, de nouveau, avec constance, l’augmentation des effectifs de personnels et pointe 190 embauches supplémentaires depuis 2010. Elle fustige un budget « porteur de rigueur », une dette « abyssale », un principe d’annualité budgétaire « foulé aux pieds » et se demande comment l’Exécutif va financer les dépenses courantes de fonctionnement et d’investissement. « Les crédits, qui seront ouverts en 2015, ne serviront, en réalité, qu’à payer une partie des dettes de 2014. Nous sommes entrés dans la dérive d’une collectivité qui vit avec un an de retard ! Vous nous condamnez à boucher les trous du passé. Votre budget est, déjà, dans sa préparation, insincère ! »
Une gestion inefficace
A sa suite, Jean Biancucci, du groupe Femu A Corsica, ne se prive pas d’enfoncer le clou et tacle « une méthode de gestion qui s’est avérée inappropriée, inefficace, en décalage constant avec la réalité ». Il rappelle que son groupe politique a lancé, en vain, des appels à la prudence et à la rigueur. « Dès 2011, nous vous avons demandé d’être rigoureux, de bien ajuster le tir, de réduire la voilure au plan du fonctionnement, de vous inscrire dans une perspective de résultat, de performance. Vous avez préféré laisser filer. Nous aurons de la peine à maintenir le navire au-dessus de la ligue de flottaison ». Il critique les choix faits depuis deux mandatures, renvoyant la droite et la gauche dos à dos : « Il faudra expliquer à notre peuple, comment en 12 ans vous n’avez pu assurer le décollage économique et social de la Corse, comment la Corse a loupé son rattrapage historique et comment l’endettement global est passé de 50 millions € en avril 2004 à 373 millions € aujourd’hui. Force est de constater que nous avons loupé le coche ! Nous sommes à la remorque et si cela continue, nous aurons, bientôt, les huissiers à la porte ! ».
Un traitement inégal
Les propositions budgétaires ne soulèvent pas non plus l’enthousiasme de Paul-Félix Benedetti qui n’y voit rien « d’innovant ». Le leader d’U Rinnovu, s’en prend à « l’attitude actuelle de la France par rapport à la Corse et aux restrictions budgétaires que nous devons subir du fait d’une incurie nationale ». Il estime que la dotation publique affectée à l’île est 5 fois inférieure à ce qu’elle aurait du être. Parlant d’un « traitement inégal », il interroge : « Quelle est la région qui a perdu 10% de sa capacité d’auto-investissement par le fait du Prince ! ».
A sa suite, Etienne Bastelica, président du groupe Front de gauche, rejette en bloc la politique de rigueur, tant au niveau national que local : « Nous arrivons au point de rupture de la rigueur ». Il stigmatise « le millefeuille d’aides aux entreprises » et « le bluff idéologique qui dit que la France est en faillite et qu’il faut diminuer les dotations publiques ». Prenant le contre-pied des choix de l’Exécutif territorial, il propose une hausse sélective des impôts reposant sur une justice fiscale dans le cadre d'une réforme de la fiscalité globale des entreprises et des ménages.
Une réforme fiscale
Dans ce chœur ouvertement critique, les autres partis de gauche viennent à la rescousse de la majorité. Aline Castellani, présidente du groupe La Gauche républicaine, salue « la pertinence des orientations budgétaires 2015 » et leur « pragmatisme ». Elle demande que l’emploi soit « une priorité absolue » et la mise en place d’une politique de développement ambitieuse.
Même si Antoine Orsini, président du groupe Corse Social Démocrate et président de la Commission des finances, approuve globalement les orientations proposées, il estime que la Corse ne traverse pas une crise conjoncturelle, mais « une crise structurelle de nos ressources budgétaires et fiscales. Il faut utiliser la disette financière pour faire des choix. Pour faire mieux avec moins et se donner les moyens d’avoir plus, il faut une réforme fiscale ». Réforme qu’il va présenter la semaine prochaine lors de la session spéciale sur la réforme institutionnelle. « Plutôt que d’attendre le retour d’un Etat providence qui n’existe plus, il serait plus raisonnable de demander une CTC plus décisionnaire, plus maîtresse de ses choix » conclut-il.
Le débat sur les orientations budgétaires ne débouchant pas sur un vote, les élus se retrouveront dans 15 jours pour discuter et voter le budget.
N.M.
Des arbitrages serrés
Ces dures réalités ont pesé sur la définition des orientations budgétaires de l’exercice 2015 qui se caractérisent par un souci accru de prudence et des arbitrages politiques serrés. « Nous avons fait des choix que nous assumons. Nous ne pouvions pas, en raison du PEI (Plan exceptionnel d’investissements) qui court jusqu’en 2022, faire le choix impossible de diminuer l’investissement. Il n’y avait, donc, pas d’autre choix que de serrer sur le fonctionnement, ce qui passe par la suppression des dépenses inutiles, un effort de gestion des offices et agences et la maîtrise de la masse salariale », explique le président de l'Exécutif, Paul Giacobbi. S’il assure que cette marge de manœuvre réduite ne plombera pas le soutien à l’économie, à la formation, au logement, aux transports et à la solidarité territoriale avec les communes et les intercommunalités, il en appelle à la nécessité de repenser les interventions de la CTC et à un partage de responsabilités avec les autres collectivités.
Pas de pression fiscale
Cinq priorités ont, donc, été arrêtées. La 1ère est d’améliorer l’épargne brute en ajustant les dépenses de fonctionnement et en réduisant les charges de personnels. La 2ème est de maintenir la capacité de financement à 220 millions €. La 3ème est de limiter le recours à l’emprunt à 29 millions €. La 4ème est de saisir toutes les opportunités de financement complémentaires et de conserver celles existantes. La 5ème est de limiter l’impact fiscal sur les ménages. « Nous ne voulons pas actionner le levier fiscal et augmenter la taxe sur les carburants. Ceci pour deux raisons : d’abord parce que les ménages sont déjà largement touchés par la hausse du prix des carburants. Ensuite, parce que l’état de fluidité du marché des carburants ne permet pas de bénéficier de prix compétitifs. Ce serait, donc, injuste pour la population ». Paul Giacobbi avoue, cependant, que ce n’est que reculer pour mieux sauter et qu’en 2016, l’effort de rigueur s’intensifiant, la question d’une augmentation de la pression fiscale ne pourra plus être évacuée.
Un budget insincère
Si le président Giacobbi s’estime très satisfait et même « fier » d’avoir résolu cette difficile équation budgétaire, sa feuille de route ne trouve pas grâce aux yeux de l’opposition qui tire à boulets rouges sur sa gestion. Comme d’habitude, Antoinette Santoni-Brunelli, du groupe Rassembler pour la Corse, ouvre le feu sans faire dans la dentelle. « Vous nous promettez des miracles avec tout l’aplomb qui vous caractérise ! C’est tellement séduisant que je ne doute pas que votre majorité vous rende hommage. Sauf que dans la réalité, vous faites le contraire ! Comme on le constate à chaque compte administratif depuis 2011 », lance-t-elle à Paul Giacobbi, chiffres à l’appui. Elle dénonce, de nouveau, avec constance, l’augmentation des effectifs de personnels et pointe 190 embauches supplémentaires depuis 2010. Elle fustige un budget « porteur de rigueur », une dette « abyssale », un principe d’annualité budgétaire « foulé aux pieds » et se demande comment l’Exécutif va financer les dépenses courantes de fonctionnement et d’investissement. « Les crédits, qui seront ouverts en 2015, ne serviront, en réalité, qu’à payer une partie des dettes de 2014. Nous sommes entrés dans la dérive d’une collectivité qui vit avec un an de retard ! Vous nous condamnez à boucher les trous du passé. Votre budget est, déjà, dans sa préparation, insincère ! »
Une gestion inefficace
A sa suite, Jean Biancucci, du groupe Femu A Corsica, ne se prive pas d’enfoncer le clou et tacle « une méthode de gestion qui s’est avérée inappropriée, inefficace, en décalage constant avec la réalité ». Il rappelle que son groupe politique a lancé, en vain, des appels à la prudence et à la rigueur. « Dès 2011, nous vous avons demandé d’être rigoureux, de bien ajuster le tir, de réduire la voilure au plan du fonctionnement, de vous inscrire dans une perspective de résultat, de performance. Vous avez préféré laisser filer. Nous aurons de la peine à maintenir le navire au-dessus de la ligue de flottaison ». Il critique les choix faits depuis deux mandatures, renvoyant la droite et la gauche dos à dos : « Il faudra expliquer à notre peuple, comment en 12 ans vous n’avez pu assurer le décollage économique et social de la Corse, comment la Corse a loupé son rattrapage historique et comment l’endettement global est passé de 50 millions € en avril 2004 à 373 millions € aujourd’hui. Force est de constater que nous avons loupé le coche ! Nous sommes à la remorque et si cela continue, nous aurons, bientôt, les huissiers à la porte ! ».
Un traitement inégal
Les propositions budgétaires ne soulèvent pas non plus l’enthousiasme de Paul-Félix Benedetti qui n’y voit rien « d’innovant ». Le leader d’U Rinnovu, s’en prend à « l’attitude actuelle de la France par rapport à la Corse et aux restrictions budgétaires que nous devons subir du fait d’une incurie nationale ». Il estime que la dotation publique affectée à l’île est 5 fois inférieure à ce qu’elle aurait du être. Parlant d’un « traitement inégal », il interroge : « Quelle est la région qui a perdu 10% de sa capacité d’auto-investissement par le fait du Prince ! ».
A sa suite, Etienne Bastelica, président du groupe Front de gauche, rejette en bloc la politique de rigueur, tant au niveau national que local : « Nous arrivons au point de rupture de la rigueur ». Il stigmatise « le millefeuille d’aides aux entreprises » et « le bluff idéologique qui dit que la France est en faillite et qu’il faut diminuer les dotations publiques ». Prenant le contre-pied des choix de l’Exécutif territorial, il propose une hausse sélective des impôts reposant sur une justice fiscale dans le cadre d'une réforme de la fiscalité globale des entreprises et des ménages.
Une réforme fiscale
Dans ce chœur ouvertement critique, les autres partis de gauche viennent à la rescousse de la majorité. Aline Castellani, présidente du groupe La Gauche républicaine, salue « la pertinence des orientations budgétaires 2015 » et leur « pragmatisme ». Elle demande que l’emploi soit « une priorité absolue » et la mise en place d’une politique de développement ambitieuse.
Même si Antoine Orsini, président du groupe Corse Social Démocrate et président de la Commission des finances, approuve globalement les orientations proposées, il estime que la Corse ne traverse pas une crise conjoncturelle, mais « une crise structurelle de nos ressources budgétaires et fiscales. Il faut utiliser la disette financière pour faire des choix. Pour faire mieux avec moins et se donner les moyens d’avoir plus, il faut une réforme fiscale ». Réforme qu’il va présenter la semaine prochaine lors de la session spéciale sur la réforme institutionnelle. « Plutôt que d’attendre le retour d’un Etat providence qui n’existe plus, il serait plus raisonnable de demander une CTC plus décisionnaire, plus maîtresse de ses choix » conclut-il.
Le débat sur les orientations budgétaires ne débouchant pas sur un vote, les élus se retrouveront dans 15 jours pour discuter et voter le budget.
N.M.