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CDC : Pas question de remettre en cause les grands axes de l’approvisionnement énergétique de la Corse !


Nicole Mari le Jeudi 25 Octobre 2018 à 15:52

L’approvisionnement énergétique de la Corse a fait l’objet de pas moins de deux questions orales à l’ouverture de la session d’octobre de l’Assemblée de Corse qui se tient, jeudi et vendredi, à Ajaccio. La première, posée le groupe Per l’Avvene, concerne la remise en cause par l’ex-ministre de l’écologie, Nicolas Hulot, de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). La seconde, posée par Femu a Corsica, porte sur les aménagements énergétiques suite aux récentes intempéries. Le conseiller exécutif de la Collectivité de Corse (CDC) et président de l’agence d’aménagement durable, d’urbanisme et d'énergie (AUE), Jean Biancucci, a réaffirmé qu’il n’était pas question de remettre en cause les grands principes de la PPE votée en 2015.



La nouvelle centrale de Lucciana.
La nouvelle centrale de Lucciana.
La démission de Nicolas Hulot et son remplacement à la tête du ministère de l’écologie par François De Rugy change-t-elle la donne en matière de futur approvisionnement énergétique de la Corse ? La question est d’actualité, d’autant que le ministre démissionnaire a laissé en héritage un courrier où il remettait explicitement en cause la solution d’amenée du gaz en Corse et la puissance du Cycle Combiné Gaz à Ajaccio. « Au-delà de ces deux ouvrages utiles pour la Corse, c’est en fait purement et simplement la remise en cause de la PPE et de ses fondamentaux », remarque le groupe Per l’Avvene. Le groupe de droite rappelle l’enthousiasme des élus territoriaux qui, fin 2015, ont adhéré à cette PPE, première du genre, par un vote à l’unanimité moins une voix. « Nous étions tous heureux et fiers de cette programmation. Elle permettait de nous assurer que la Corse ne vivrait plus jamais un mars 2005 et que les années fioul lourd étaient derrière nous ».
 
Une PPE en suspens
Une certitude apportée par un décret ministériel signé conjointement par le Premier Ministre et par la ministre de l’écologie de l’époque, Ségolène Royal, qui avait fait des déclarations sans aucune ambiguïté. « Aujourd’hui, tout est remis en cause et même si nous entendons ici et là que c’est la lettre de la dernière journée et de la dernière heure d’un ministre démissionnaire, il n’en demeure pas moins que les écrits restent », s’inquiète Per l’Avvene. Il demande à l’Exécutif de faire connaître sa position sur la mise en œuvre effective du PPE « sachant que des réflexions et des analyses devraient être entreprises dans les prochaines semaines pour élaborer la nouvelle PPE. Si la Corse ne donne pas son avis notamment par votre positionnement clair et précis, c’est sûrement des considérations, qui n’auront rien à voir avec notre île, qui prévaudront ».
 
Le cas de l’Extrême-Sud
Dans la foulée, Femu a Corsica enfonce le clou sur les incertitudes qui pèsent sur l’avenir énergétique de la Corse. S’appuyant sur les brutales intempéries qui se sont abattues, la semaine dernière, et sur les méfaits du changement climatique, le groupe de la majorité territoriale s’est attardé sur le cas de l’Extrême-Sud. « La région Porto-Vecchiaise a été victime d’une très violente activité orageuse il y a quelques jours. Plusieurs milliers de clients d’EDF ont été momentanément privés d’électricité et de réseau téléphonique. Même si les services d’EDF ont été très réactifs puisqu’en une vingtaine de minutes tout était rentré dans l’ordre, cet épisode, dont les spécialistes annoncent la multiplication, doit nous alerter. L’Extrême Sud a souvent été considérée à tort comme privilégiée. Bien que la région soit en forte expansion, il s’avère que beau- coup d’infrastructures y sont obsolètes ». Il interpelle, donc, l’Exécutif sur le développement des équipements et la valorisation des ressources énergétiques de ce territoire et demande « des informations sur la fiabilité des équipements existants, la sécurité d’approvisionnement en électricité en Corse et plus particulièrement dans la région Porto-Vecchiaise qui mérite une attention particulière. Quelles mesures sont envisagées concernant l’avenir énergétique de l’Extrême Sud et de la Corse en général ? ».

Jean Biancucci, président de l'AUE. Photo Michel Luccioni.
Jean Biancucci, président de l'AUE. Photo Michel Luccioni.
Pas de remise en cause
La réponse du président de l’AUE, Jean Biancucci, est sans ambages. Il rappelle, d’abord, trois aménagements à réaliser : « La construction dans les plus brefs délais d’un nouvel équipement industriel d’une puissance de 250 MW en région ajaccienne, qui remplacera l’actuelle centrale du Vazziu. Le renouvellement de la station de conversion de la liaison SACOI de Lucciana, qui reste indispensable afin de couvrir les besoins. Le gazoduc avec une barge au large de Lucciana et un ouvrage de transport de gaz pour relier l’ouvrage d’amenée de la molécule de gaz à la centrale de Lucciana et au cycle combiné gaz d’Ajaccio. Ces points ont fait l’objet d’un large consensus et ont été votés par notre Assemblée, il n’est pas question aujourd’hui de les remettre en cause ». Puis, il revient sur le courrier de l’ex-ministre Hulot et s’inscrit en faux contre les inquiétudes du groupe de droite. « Récemment, avec le Président de l’Exécutif, nous avons eu une réunion avec la Préfète, le représentant de la Commission de régulation de l’énergie et la directrice de l’Energie au ministère de l’Ecologie qui ont publiquement affirmé que le courrier du ministre avait été mal interprété, et qu’il n’était en aucun cas question de remettre en cause la PPE et son contenu. Suite à cette réunion, il a été acté la co-saisine CDC-ETAT du GIRTEC pour répondre aux premières interrogations sur le niveau de risque foncier, susceptible de compromettre ou de retarder la réalisation du projet ». La première réunion se déroule aujourd’hui.
 
Un plan de rénovation du bâti
Concernant le Gazoduc, il a fait remarquer que « la phase de dialogue concurrentiel est en cours. Trois candidats sont intéressés par le projet et travailleront prochainement, notamment avec le GIRTEC, sur les différents tracés possibles. Si tout se passe bien, un candidat sera désigné dans les prochaines semaines et on pourra alors entamer la phase opérationnelle ». Pour lui, la question est claire : « Il n’est pas question que l’Exécutif remette en cause les grands principes votés en 2015 ». Au-delà de ces grandes infrastructures, il confirme aussi que « la PPE révisée intègrera un développement sans précédant des EnR (énergies renouvelables) et de la MDE (Maitrise de l’énergie), via notamment un grand plan de rénovation du bâti ».
 
Le carrefour de l’Extrême-Sud
Répondant sur le cas particulier de l’Extrême-Sud et des coupures électriques, Jean Biancucci fait un point de la situation : « Le poste de Portivechju est, en quelque sorte, un carrefour névralgique de la partie Sud du système électrique. Il est à la fois connecté par deux lignes venant de Bunifaziu au Sud - où se raccorde le câble SARCO avec la Sardaigne- et par deux lignes venant du Nord - Pruprià et Ghisunaccia. L’extrême violence des orages de la semaine dernière sur la région Porto-Vecchiaise a provoqué, sur ce poste, la perte simultanée des deux lignes venant du Nord et également la perte de plusieurs centrales photovoltaïques. Ce faisant, la Corse a été séparée électriquement de la Sardaigne au niveau du poste de Portivechju. Afin d’éviter une perte en cascade d’autres moyens de production et d’éloigner le risque de black out du système électrique, les automatismes de protection du réseau électrique ont fonctionné en enclenchant un délestage de niveau 3 se traduisant par des coupures électriques pour près de 80 000 clients sur l’ensemble du territoire. Si ces mécanismes de protection permettent de rééquilibrer le système électrique de manière quasi-instantanée, il est nécessaire de remettre progressivement en route les moyens de production du territoire de manière concomitante avec la réalimentation de l’ensemble des clients. Le relestage de la semaine dernière a été réalisé en moins de 20 minutes, voire moins de 3 minutes pour les premiers abonnés ».
 
Des investissements en cours
Le président de l’AUE reconnaît, néanmoins, que « si cette capacité de réaction semble attester de la fiabilité des équipements qui viennent sécuriser le système électrique, il est vrai que ce système comporte des faiblesses intrinsèques à nos spécificités de Zone non-interconnectée ». Il annonce son intention d’œuvrer à « la construction d’un système électrique résilient qui doit être en mesure de s’adapter aux évènements climatiques à répétition ». Il précise, également, qu’EDF investit près de 40 millions € chaque année sur les réseaux électriques du territoire et que des renforcements en cours sur le poste de Portivechju devraient être finalisés d’ici à la fin de l’année. « Ces travaux visent justement à limiter les risques de découplages avec la Sardaigne et à augmenter la robustesse du poste. Néanmoins, il n’y aura jamais de risque zéro », prévient-il. Il conclut sur la révision en cours de la PPE qui « a vocation à tout mettre en œuvre pour assurer la sécurité du système. Cette révision vise, d’une part, à actualiser les objectifs de la période 2019-2023, et d’autre part, à ajouter une programmation supplémentaire sur la période 2024-2028. Les mesures à venir devront être en phase avec l’objectif d’autonomie énergétique à horizon 2050 ».
 
N.M.