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Bastia : Forte mobilisation à la manifestation de soutien aux trois jeunes nationalistes condamnés


Nicole Mari et Carole Heiligenstein le Samedi 15 Octobre 2016 à 18:35

Plus de 3000 manifestants se sont rassemblés devant le Palais de justice de Bastia en début d'après-midi à l'appel de trois syndicats étudiants (Ghjuventù Indipendentista (GI), Ghjuventù Paolina, Cunsulta di a Ghjuventù Corsa) pour protester contre les lourdes condamnations de trois jeunes nationalistes Niculaiu Battini, Stefanu Tomasini et Ghjiseppu-Maria Verdi. Parmi eux, les leaders et les élus nationalistes des quatre principales formations, mais aussi des maires de partis traditionnels, la Ligue des droits de l’Homme (LDH), des syndicats et des associations… La manifestation s’est déroulée sous la pluie et dans le calme et a fini devant les grilles de la préfecture avec l’annonce de la grève de la faim, à partir du soir même, d’étudiants de la GI en l’église de Corte. Reportage vidéos de Carole Heiligenstein.



« Liberta ». Ce simple mot sur une banderole résume, à la fois, l’objet de la manifestation de soutien aux trois jeunes Corses condamnés, le 6 octobre dernier à Paris, mais aussi le combat que mènent les Nationalistes depuis des années pour l’amnistie des prisonniers politiques corses et l’arrêt des poursuites contre les recherchés. C’est derrière cette banderole qu’environ 3000 personnes ont bravé la pluie, samedi après-midi à Bastia, pour protester dans le calme contre les lourdes condamnations à des peines allant de 5 à 8 ans d’emprisonnement de Niculaiu Battini, Stefanu Tomasini et Ghjiseppu-Maria Verdi. Ces trois jeunes nationalistes, âgés de 22 à 24 ans, ont été jugés par la cour d'assises spéciale de Paris pour une tentative d’attentat à la voiture-bélier contre la sous-préfecture de Corte en 2012. Les deux premiers sont emprisonnés à Fresnes, le troisième est en fuite et sous le coup d’un mandat d’arrêt. Un verdict unanimement décrié dans l’île. La manifestation a démarré au Palais de justice vers 14 heures pour rejoindre tranquillement, aux cris de « Liberta », le fond du Boulevard Paoli et les grilles de la Préfecture de Haute-Corse.
 
De nombreux élus
En tête du cortège, la jeunesse en nombre, notamment les étudiants des trois syndicats nationalistes majoritaires à l’Université de Corte, la Ghjuventù Indipendentista, la Ghjuventù Paolina et la Cunsulta di a Ghjuventù Corsa. Dans la foule, tous les leaders nationalistes et les élus et militants des trois grandes formations : Femu a Corsica, Corsica Libera et U Rinnovu, l’ensemble du Conseil exécutif de la Collectivité territoriale de Corse autour de son président, Gilles Simeoni, notamment le président de l’ADEC (Agence de développement de la Corse) et leader du PNC (Partitu di a Nazione Corsa), Jean-Christophe Angelini, le président de l’Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, le leader d’U Rinnovu, Paul-Félix Benedetti, le maire de Bastia, Pierre Savelli, et les élus d’Inseme per Bastia, le maire-adjoint de Patrimoniu, Jean-Baptiste Arena… le maire de Santa-Maria di Lota, Guy Armanet, et une partie de son Conseil municipal… et quelques élus des partis traditionnels : le maire de Furiani, Michel Simonpietri, et son conseiller municipal adjoint et vice-président de la CAB, Louis Pozzo di Borgo, le maire de Bustanico, Pierre Taddei, le maire de San Lorenzo, Jérome Negroni… Etaient également présents des représentants de nombreuses associations, comme la Ligue des droits de l’Homme, Parlemu Corsu, Bastia 1905, A Piazzetta…
 
Une grève de la faim
Devant les grilles de la préfecture, les syndicats étudiants ont prononcé une allocution appelant les Corses à rester mobilisés et annonçant l’entrée en grève de la faim d’étudiants de la GI : « Nous restons mobilisés. Cette manifestation n’est qu’une étape dans le mouvement de protestation engagé à l’occasion de ce procès et de son issue. C’est d’ailleurs parce que la mobilisation doit s’accentuer et parce que nous n’abandonnerons pas que plusieurs militants de la GI entament, dès ce soir, une grève de la faim illimitée dans la chapelle Sainte Croix à Corte. D’autres actions d’envergure seront organisées dans les jours et les semaines à-venir. Le rapport de forces populaire avec Paris doit s’intensifier et, parce que nous sommes unis et déterminés, nous gagnerons. Un capieremu micca ! Libertà per Tomasini et Battini ! Amnistia per i prigiuneri e ricercati pulitici ». La manifestation s’est close sur le rituel Dio vi salvi Regina. 
 
Rester mobilisés
Pour les jeunes, pas question d’en rester là : « Nous continuerons à nous mobiliser à Corte et dans toutes les villes de Corse. Nous organiserons des rassemblements. Sur ce point-là, on ne va pas lâcher ! Parce que c’est inacceptable ! Quand on voit le différentiel au niveau des peines, quand on voit qu’un violeur prend 6 ans de prison et que pour une dégradation de porte d’un commissariat ou d’une gendarmerie, un jeune Corse prend 8 ans !  C’est une justice à deux vitesses. Il faut que l’Etat s’engage de lui-même vers le dialogue et vers la paix pour qu’on puisse avancer. Ça passe par l’amnistie générale des prisonniers politiques », explique François-Marie Perfettini, militant de la CGC. « On pourra dire si cette manifestation est un succès ou non à partir du moment où Niculaiu Battini et Stefanu Tomasini seront libérés et où les recherches de Ghjiseppu-Maria Verdi seront arrêtées. Nous sommes dans l’attente. Cette manifestation n’est pas la dernière. Elle n’est pas un objectif, mais une étape pour aller vers la libération de tous les prisonniers politiques corses. Pour cela, la mobilisation doit croître encore », ajoute Arnaud Gabrielli, porte-parole de la GP.
 
Entre prudence et espoir
Prudence également face à l’annonce, le matin même, par le ministère de la justice qu’il fait droit à la demande formulée, conjointement, par Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni, de rapprocher à Borgu les deux jeunes condamnés. « On verra si ça se fait. Le rapprochement est une bonne chose, ça fait longtemps qu’on le demande, mais ce n’est qu’une étape. L’étape définitive, c’est leur libération. Ça fait suffisamment longtemps qu’ils sont en prison. Les dossiers sont vides. Le jugement est une parodie de justice », commente François-Marie Perfettini. Le rapprochement devrait intervenir dans quelques jours.
 
L’émotion d’une mère
Maria Marcantoni-Tomasini, la mère de l’un des jeunes condamnés, veut y croire : « Cette manifestation me donne un sentiment d’espoir. Je commence à croire au rapprochement de Stéphane. Il a fallu quitter Paris sans lui. Ça a été vraiment atroce ! Nous avons ressenti une grande colère et beaucoup de haine ! J’ai été très haineuse face à ce verdict puisque rien ne ressortait comme d’habitude du procès. Le mandat de dépôt à la barre, ça m’a choqué ! Stéphane menotté qui nous a fait un signe, c’était insupportable ! On n’y pensait pas ! Il nous avait dit que ça pouvait être le cas, il est parti avec son sac, mais jamais je n’aurais cru que ça aurait pu se produire ». Elle raconte avoir des nouvelles rassurantes de son fils : « Stéphane va bien. Il avait, après ses huit mois de liberté, la crainte de ne pas se réhabituer à la prison. Autour de lui, tout un réseau s’est mis en place pour lui envoyer de la nourriture et des vêtements chauds ». Le rapprochement, c’est la « merveilleuse nouvelle » de la journée, avoue-t-elle : « Ça change tout ! Fini Fresnes ! Fini de prendre l’avion au petit matin, de courir prendre des bus, d’être bousculés, houspillés. On va redevenir humain ! A Fresnes, on n’est plus rien, on est comme eux, on est détenus. On nous dépouille de tout et eux, encore plus. Avec les parents de Nicolas, tout ce qu’on espère, c’est qu’ils rentrent au moins en Corse. Il semble qu’il resterait trois mois effectifs pour Stéphane à effectuer en détention ».
 
N.M.
 
 

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