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"Assurons-nous d’être à saturation avant de stopper la promotion de l’île" soutient Ange Santini, maire de Calvi


GCLM le Lundi 22 Mai 2023 à 17:44

Sécheresse, quotas, promotion touristique de la destination Corse... À l’approche de l'été, le maire de Calvi, Ange Santini, a abordé pour CNI les enjeux majeurs auxquels sa commune va être confrontée.



Ange Santini
Ange Santini
- Après cette première quinzaine de mai et les premiers retours que vous en avez eu, comment s’annonce cette nouvelle saison touristique à Calvi ?
- Nous avons coutume de dire que c’est à la fin du bal que l’on paye l’orchestre et les musiciens. Il faut, pour le moment, attendre de voir ce que va donner l’avant-saison. Les mois de septembre et octobre seront également à scruter avec attention avec les réservations de dernières minutes qui sont de plus en plus nombreuses. Mais globalement, avec les échos et les retombées que nous avons, je pense que la saison sera plutôt bonne. Sera-t-elle millésimée ? Nous le saurons avec le temps.
 
- Calvi voit sa population se multiplier pendant l’été. Comment votre commune se prépare-t-elle à un tel afflux ?
- C’est toujours difficile de s’y préparer pour une ville comme Calvi qui est une véritable station balnéaire, et passe d’un peu moins de 6 000 habitants à l’année à plusieurs dizaines de milliers de personnes pendant la saison. Cette préparation passe par toute sorte de choses : de l’embellissement, au nettoyage de la ville, des plages, etc. C’est une routine que nous connaissons depuis des dizaines d’années et qui est indispensable pour accueillir tout le monde comme il se doit.

- Le gouvernement alerte sur l'hypothèse d'un manque d'eau en Haute-Corse ce été. Comment concilier tourisme, urbanisme, et bonne gestion de l’eau pendant cette période ?
- C’est bien évidemment un problème réel et complexe qui nous touche. Nous pouvons peut-être nous dire que si nous avions pris nos précautions lors des cinquante années années, nous aurions pu avoir d’autres retenues. Aujourd’hui, c’est assez difficile d’avoir des projets : entre le moment où l’on y pense, et celui où on inaugure, il se passe dix, quinze, voire vingt ans donc notre seule attitude la rationalité de l’utilisation de l’eau. C'est sur ce plan là qu’il faut travailler et réfléchir, afin d’appeler au civisme des gens. Dans le cadre de l’urbanisme, c’est également compliqué d’empêcher les gens de construire, d’autant plus qu’il y a aussi des Calvais et des Calvaises qui sont concernés.

 
- Le maire de Brando a récemment pris une mesure interdisant de construire et de remplir les piscines. Pourriez-vous en faire de même ?
- Au moment où nous en parlons, Calvi n’a rien décidé, mais pourquoi pas ? En règle générale, la Balagne n’est pas un territoire impacté par la sécheresse, c’est important de le préciser. Mais dans l’avenir, dans un monde qui est en pleine mutation climatique, nous pouvons l’envisager. Nous ne sommes donc pas encore arrivés au feu rouge, mais il est tout de même à l’orange. Dans l’intérêt du bien commun, nous pourrions peut-être, sur certaines saisons, interdire l’usage des piscines qui reste un «luxe»…Il ne faut pas oublier que nous avons à quelques dizaines de mètres une immense et très belle piscine naturelle, qui pour l’instant, ne manque pas de ressources.

 - Quelles seraient les autres mesures restrictives pour économiser les ressources en eau ?
- Encore une fois, il faut faire appel à notre bon sens citoyen et prendre conscience que l’eau est désormais une denrée rare et n’est plus inépuisable. C’est donc sur la consommation qu’il faut sensibiliser. Mais j’ai tout de même l’impression qu’il y a une prise de conscience collective. Il faut continuer à aller en ce sens.  
 
- La présidente de l’Agence du Tourisme de la Corse, Angèle Bastiani, ne veut plus faire la promotion de la Corse en juillet et en août. Qu'en pensez-vous ?
- Je pense que lorsqu’on est responsable politique, on doit s’appuyer sur les forces vives de la Corse. S’agissant d’un sujet aussi crucial que la saison estivale, il me semble important qu’Angèle Bastiani, qui est aussi la Mairesse d’une ville amie et non pas concurrente, doit s’entourer de tous les avis et notamment des professionnels du tourisme. Si on ne s’entoure pas de ces forces vives, on peut avoir un effet boomerang avec une profession qui monte au créneau. Si effectivement, nous avons besoin de promotion pour l’avant et l’arrière-saison, nous en avons également besoin en juillet et août. Aussi, je ne pense pas que l’on soit à saturation durant cette période. Quelque part, le meilleur des régulateurs de la Corse, ce sont les transports. Nous ne sommes pas la Côte d’Azur... Sans passer par les airs ou la mer, notre île est inaccessible pour les touristes. Il y a des avions, des bateaux qui gèrent le flux. Lorsque celui-ci est saturé, il se règle tout seul. Assurons-nous d’être réellement à saturation avant de stopper la promotion de l’île. De plus, je pense que stopper toute communication autour de juillet et août alors que d’autres continuent à le faire, c’est prendre le risque de vider en partie la destination Corse. Nous sommes dans un monde concurrentiel où il est toujours bon de montrer qu’on existe, y compris dans ces périodes.


- Quel est votre avis sur les quotas touristiques ?
- Que serait la Corse sans le tourisme ? Nous savons que l’élément moteur de notre développement économique reste le tourisme. Sans tourisme, notre économie se retrouverait à néant. En parallèle, il faut effectivement réguler une sur-fréquentation des sites sensibles, c’est une évidence. Attention tout de même à ne pas faire pencher le balancier d’un extrême à un autre. Il faut concilier préservation de l’environnement et fréquentation. Je dis oui aux restrictions pour ne pas laisser la porte ouverte à tout et n’importe quoi, mais en veillant également à ne pas aller trop loin, et se retrouver avec un tourisme à l’agonie qui causera la perte de dizaine et dizaine d’emplois.

Enfin, concernant les préoccupations environnementales, comment faire de Calvi, et plus généralement de la Balagne, une destination plus verte ?
- C’est également une question compliquée. Nous avons la chance d’avoir à Calvi une plage et une pinède qui représentent une destination touristique ouverte sur la nature. Nous sommes aussi au départ du GR20. Comme vous l’avez dit, même si Calvi est la locomotive du tourisme en Balagne, c’est la région tout entière qui doit devenir plus verte, avec de nombreux atouts à notre disposition. Pour aller plus loin, il faudrait davantage faciliter l’accueil des véhicules électriques en installant plus de bornes de recharge. Nous pouvons aussi réfléchir à refaire notre station d'avitaillement en s’appuyant sur une énergie comme l’hydrogène qui est moins polluante. Mais cela prendra plusieurs années, et tout ne sera pas résolu en un claquement de doigts. Pour être honnête, faire de Calvi une destination verte par excellence, je n’y crois pas beaucoup. En revanche ce qui est possible et qui sera le cas dans les prochaines années, c’est de faire de la Balagne une région «labellisée» verte.