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Aquarius : "Un message ambigu des présidents" selon Paul Antoine Luciani


Jacques RENUCCI le Mercredi 13 Juin 2018 à 17:39

Pour Paul Antoine Luciani, conseiller municipal communiste d'Ajaccio, Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni, avec l'affaire de l'Aquarius, ont voulu à peu de frais donner du nationalisme une image humaniste



On aurait souhaité pouvoir saluer comme un geste humanitaire de grande portée la proposition (inattendue) de Messieurs Simeoni et Talamoni de porter secours aux 630 migrants de l’Aquarius.  Ces déshérités, « et nos frères pourtant », ont été sauvés in extremis de la noyade par l’action désintéressée d’une Organisation non gouvernementale, SOS Méditerranée. Mais ils ont été refoulés par l’Italie et Malte, deux Etats souverains, membres de l’Union Européenne.
 

 

La France s’est tue et n’a rien proposé : le gouvernement a eu beau protester, après coup, de son respect des protocoles internationaux en matière de secours en mer dû aux migrants, il reste que la tradition française de solidarité internationale et de fraternité humaine a été bafouée par ce silence coupable. Seule l’Espagne (qui vient de changer de gouvernement) a sauvé l’honneur de l’Europe en accueillant à Valence les bateaux (ils sont trois désormais) porteurs d’une terrible misère humaine.
 

 

C’est dans ce contexte, et dans ce silence national indigne, que l’exécutif de la CdC, se substituant au gouvernement défaillant (seul habilité à remplir cette tâche), a proposé d’ouvrir un « port corse » pour « porter secours » à ces malheureux.
 
 

Ce faisant, et on ne l’a pas suffisamment relevé, Messieurs Simeoni et Talamoni n’ont pas demandé que la France accueille et garde en Corse ces migrants refoulés par les ports italiens et maltais. Rappelant les principes humanitaires les plus élémentaires, ils se sont contentés de leur lancer, verbalement, une bouée de sauvetage, sans indiquer avec quels moyens et avec quels personnels, ils envisageaient de leur « porter secours ». Un tel message à caractère général ne pouvait donc avoir aucune efficacité pratique, et ils le savaient pertinemment.
 
 

Mais il suggérait, en creux, et à peu de frais, que les autorités locales corses étaient plus humaines et généreuses que celles du « pays ami ». Il présentait en outre un autre avantage politique pour les deux chefs nationalistes : il permettait de donner d’eux-mêmes une image humaniste, à l’exact opposé de l’idéologie xénophobe diffusée partout en Europe par les partis nationalistes. Elle confortait l’idée reçue (très contestable) d’une Corse historiquement accueillante et hospitalière, ignorant les dérives racistes et xénophobes que l’on constate partout ailleurs… comme si l’on pouvait oublier que c’est aussi en Corse que le Front National de Marine Le Pen a fait ses meilleurs scores…
 
 

En définitive, on voit bien que Messieurs Simeoni et Talamoni ont apporté une contribution délibérément spectaculaire, et ambiguë, dans un débat à dimension nationale, européenne et surtout humaine. Un débat où les Etats autant que les consciences sont directement interpellés. Peuvent-ils éviter un questionnement public quant aux arrière-pensées qu’on leur prête ? Certainement pas. Sauront-ils convaincre de la pureté de leurs intentions ? On peut en douter…
 

Paul Antoine Luciani,
Conseiller municipal d’Ajaccio