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Après l’attentat qui a visé une dirigeante de l’association, « U Levante » s’indigne, mobilise et dépose plainte


Jean-François Vinciguerra le Jeudi 24 Novembre 2016 à 18:18

Il y a quelques jours, dans la nuit du 20 au 21 novembre, à Sotta, une dirigeante d’U Levante a été la cible d’un attentat à l’explosif visant son domicile. Attentat d’autant plus criminel que le membre de la direction collégiale était à son domicile et aurait pu tout aussi bien périr dans l’explosion, notamment dans la cuisine, qui a volé en éclat. Ses collègues de l’association ont organisé une conférence de presse hier au milieu de la journée au palais des congrès d’Ajaccio, en présence de nombreuses personnalités et avec l’appui et le soutien d’un très grand nombre d’organisations dont celles du Collectif Loi Littoral



Après l’attentat qui a visé une dirigeante de l’association, « U Levante » s’indigne, mobilise et dépose plainte
La direction collégiale était au grand complet jeudi après-midi et la salle bien trop exigüe pour contenir les nombreuses personnes venues soutenir U Levante dans sa démarche. Le porte-parole a commencé apporter un certains nombre de précisions relatives à l’attentat :
-       La victime n’était pas une simple militante mais membre à part entière de la direction collégiale d’u Levantu
-       Elle dormait seule dans sa maison au moment de l’explosion et si elle s’était trouvée dans la cuisine elle aurait sans doute pu être tuée
-       Juste avant l’explosion, un voisin a vu arriver - tous feux éteints – une voiture et une moto. Il a d’ailleurs témoigné devant les gendarmes. Il s’agit bien d’un attentat organisé, réfléchi, commis par plusieurs personnes. En clair, une «œuvre de professionnels »

C’est l'association qui est visée…

La responsable visée par  l’attentat est plus particulièrement chargée des dossiers du Sud et de l’Extrême Sud. C’est vraisemblablement pour cette raison que l’association s’est sentie particulièrement visée. Pour maître Tomasi, l’avocat de l’association une chose est quasi certaine :
« A travers la personne de cette dirigeante, c’est clairement l’association qui a été visée À l’évidence, l’action d’U Levante dérange des intérêts puissants, que l’on peut qualifier de « mafieux », notamment dans le Sud et l’Extrême Sud de la Corse. Si, par la force des choses, nous ne pouvons pas identifier précisément le dossier qui est à l’origine de cet attentat, nous pouvons supposer que c’est bien dans un dossier de cette microrégion que les enquêteurs doivent rechercher les commanditaires. U Levante a porté plainte contre X pour cet acte ignoble et va demander aux procureurs d’Ajaccio et de Bastia, qui ont en mains plusieurs plaintes de l’association, un rendez-vous sur le thème de la sécurité des militants. »


- Un avertissement pour quoi faire ?
Dans bien des cas, U Levante est le dernier rempart face aux spéculateurs, à ceux qui construisent illégalement sur des sites remarquables ou dans des zones pourtant  reconnues comme inconstructibles par les juridictions administratives, et ce, avec la « bénédiction » des maires qui accordent les permis de construire, et celle de préfets qui préfèrent détourner le regard plutôt que d’exercer le contrôle de légalité qui leur incombe. On ne compte plus les P.L.U. illégaux, les constructions illégales sur des espaces remarquables, sur des zones agricoles ou dans la bande des 100 mètres de secteurs non urbanisés (107,8 % d’augmentation du nombre de logements autorisés en Corse au cours des 12 derniers mois, alors que c’est 25 % en Bretagne…


Maires et préfets : Faire appliquer la loi !
L’association pose la question de savoir s’il est subversif en Corse d’attendre des maires et des préfets qu’ils fassent appliquer la loi et les décisions qui émanent de la justice ?
« Si l’association U Levante est aujourd’hui ciblée, si l’intégrité physique de ses militants est menacée, c’est parce que notre association supplée la carence des maires et des autorités de l’État dans l’application de la loi, qu’elle combat les passe-droits et lutte à leur place contre les projets immobiliers illégaux sur notre littoral. »


Les maires : « quand on dénonce la « dérive mafieuse » qui gangrène la Corse, on pense aussitôt à la corruption ou à la « faiblesse » de certains maires – pas tous – qui n’hésitent pas à accorder des permis de construire en violation de la loi ou de décisions de justice définitives, voire – de façon plus sournoise – qui n’instruisent pas les demandes de permis dont ils sont saisis, de façon à ce que les pétitionnaires bénéficient, par le simple effet de l’écoulement du délai légal de 2 mois, d’un permis de construire tacite. Ils contribuent ainsi, avec une grande efficacité, à détruire l’État de droit et le bien commun de tous les Corses : notre terre. Leur excuse : « les pressions » de leurs électeurs ou des mafieux. Mais qui les a obligés à se présenter ? Ces excuses sont inacceptables. »


Les préfets : « force est de constater que si les préfets qui se succèdent en Corse, avaient donné l’exemple d’une application stricte de la loi et des décisions de justice, une telle dérive serait impossible ! Dans ce cas en effet, nos élus au cœur fragile pourraient, sans difficulté, convaincre les bétonneurs qu’il ne sert à rien de solliciter des permis illégaux, puisque ceux-ci seraient nécessairement censurés. Hélas, l’État se montre, en ce domaine, rarement à la hauteur de ses responsabilités. »
« La gravité de la situation actuelle nous conduit à interpeller solennellement les maires et les préfets. Nous les exhortons à un changement radical, révolutionnaire, quasiment subversif : qu’ils fassent appliquer la loi ! »
 
Les questions que l’on se pose
A la lecture du manuscrit préparé par les membres de la direction collégiale, des murmures s’élèvent de la salle archicomble. On pointe du doigt certains responsables, des noms sont prononcés… Le silence revenu, le porte-parole reprend :
  • "Quel exemple pour les citoyens que d’entendre un préfet déclarer froidement  « je ne suis pas tenu par les décisions de justice » ?
  • Quel exemple pour les citoyens que d’entendre un préfet déclarer  « je n’ai pas la même conception de la loi Littoral que le Tribunal administratif » ?
  • Quel exemple pour les citoyens que cette multitude de permis de construire non contestés par le préfet bien qu’attribués dans des zones jugées inconstructibles par les tribunaux ?
  • Le fait qu’U Levante et d’autres associations comme ABCDE, le Poulpe, le GARDE, soient à l’origine de l’annulation de la quasi-totalité des PLU déférés en justice n’est-il pas la manifestation tangible d’une situation anormale et dangereuse ?
  • Qui en Corse est responsable du contrôle de la légalité ? Qui viole sa mission ? C’est le préfet."
« Cet abandon de la défense de la loi dans trop de cas, depuis trop longtemps, ne peut être le produit du laxisme de tel ou tel Préfet. Elle traduit une volonté politique délibérée de laisser construire le plus possible en Corse. Notre terre est de plus en plus gavée, saturée de résidences secondaires, « développement économique oblige », puisque « quand le bâtiment va … ». Peu importe si l’argent sale finance ces projets immobiliers ! Malheur à ceux qui tenteront de s’y opposer ! Ainsi se détruit notre société, ainsi se bétonne la Corse, ainsi perdons-nous notre patrimoine commun, notre terre, ainsi prospère la Mafia. »


Les menaces, et après ?
Autre question que posent les membres d’U Levante qui se bat depuis de nombreuses années contre une bétonisation sans limite. Ils estiment qu’elle rapporte des millions à leurs auteurs, au détriment d’un peuple et d’une terre :
« À travers ce système, une société tout entière se retrouve gangrenée. Notre militante a été visée parce qu’elle n’est pas silencieuse, parce qu’elle n’accepte pas de baisser la tête face à ces menaces, parce qu’elle combat depuis de nombreuses années ce système qui conduit notre société vers la ruine. U Levante devient une cible car, dernier rempart contre la spéculation et la toute-bétonisation, l’association se retrouve face à des systèmes mafieux et des hommes en armes qui n’hésitent plus à franchir certains pas pour écarter quiconque se trouve en travers de leur chemin. Les enjeux financiers sont trop énormes. »


L’avenir, quel avenir ?
Les militants sont nombreux certes, on a pu le constater, jeudi, lors de cette conférence de presse mais l’association U Levante a lancé un véritable appel populaire afin que tous rejoignent l’association :
Quel avenir voulons-nous ? Est-ce un avenir qui verra cette terre vendue parcelle par parcelle jusqu’à ce que le peuple corse ne puisse  plus pouvoir y vivre ? Est-ce un avenir où les générations futures grandiront avec des barrières et des gardiens leur interdisant l’accès à leur terre ? Est-ce un avenir où les voyous et leurs complices régneront en maîtres ? L’association U Levante tient tête comme elle a toujours tenu tête, et se battra comme elle s’est toujours battue. Svegliatevi o ghjente, a nassa mafiosa si stringhje ogni ghjornu un pocu di più, dumane sarà troppu tardi. »


U Levante en appelle
 
  • A toutes les organisations afin qu’elles condamnent toute action menée contre ceux qui, en Corse, défendent la terre et dénoncent un système qu’on appelle la Mafia ;
  • Au Conseil exécutif et aux Conseillers de l’Assemblée de Corse ainsi qu’aux Préfets afin que, devant la justice, ce soient eux qui défèrent les PC et les documents d’urbanisme (PLU et cartes communales) illégaux ;
  • Aux maires afin que TOUS appliquent enfin le code de l’urbanisme et aient le courage de refuser les demandes de PC illégales ;
  • A la société tout entière.
J.-F. V.