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Après 20 ans d’attente, la Corse, enfin dotée d’un PADDUC !


Nicole Mari le Vendredi 2 Octobre 2015 à 16:34

La version définitive du Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) a été adoptée, vendredi en fin de matinée, à l’Assemblée de Corse (CTC) par 36 voix pour, 12 contre et 3 absences. Les Nationalistes, qui ont obtenu gain de cause sur les espaces stratégiques agricoles et des assurances sur les ZNIEFF, ont voté pour, à l’exception d’U Rinnovu. La droite et la Gauche républicaine ont voté contre. Une délibération, de dernière minute, demandant l’avis du Conseil d’Etat, a été rejetée.



Après 20 ans d’attente, la Corse, enfin dotée d’un PADDUC !
Après cinq ans de genèse, quatre débats houleux, des dizaines d’heures d’âpres négociations en commission sur des amendements parfois arrachés au forceps, des avancées, des reculs, des controverses, des craintes et des oppositions fortes, le PADDUC, ce plan attendu depuis 20 ans, a, enfin, été définitivement adopté à quelques semaines de la fin de la mandature. Il aura fallu que l’Exécutif, comme les Nationalistes lâchent du lest, le premier sur les espaces stratégiques agricoles, les seconds sur les espaces remarquables. Sur les 44 amendements, 2/3 ont été rejetés et 1/3 co-écrits. Les Nationalistes ont obtenu la sécurisation de l’inconstructibilité des 105 000 hectares d’espaces agricoles et la garantie des compensations qui doivent être proposées en amont. Femu a Corsica, qui avait fait de ses deux amendements sur les espaces agricoles, une condition sine qua non, a obtenu satisfaction. Les Modérés n’ont pu, à cause d’une impasse juridique, obtenir la réintégration immédiate de tous les espaces remarquables, mais la garantie qu’ils le seront lors de la révision annuelle, l’an prochain. La droite a vu l’essentiel de ses amendements rejetés, à l’exception de celui demandant la création d’installation de stockage de déchets non dangereux au titre des équipements structurants pour la Corse.
 
L’Exécutif satisfait
Sachant désormais le vote acquis, avant même qu’il n'intervienne, la conseillère exécutive en charge de son élaboration, Maria Guidicelli, ne cache pas sa satisfaction : « Enfin, notre île est mise sur les rails d’un développement que nous ambitionnons au service de notre peuple et de notre identité. Ce PADDUC est résolument solidaire, équitable et régulateur. Je comprends que ce modèle de société ne soit pas partagé sur tous les bancs de l’hémicycle. Ceux, qui ne partagent pas notre approche, sont reconnus pour leur constance dans leurs convictions ». Elle salue le consensus qui a permis « d’œuvrer au service de la Corse et de son peuple. Aujourd’hui, nous n’allons pas célébrer la victoire d’un parti ou d’un groupe, mais la victoire de la Corse qui, pour la première fois, exprime sa capacité à déclarer sa foi dans un avenir meilleur. C’est une ère nouvelle qui s’ouvre. Nous devons veiller à ce que le PADDUC se décline dans les objectifs que nous leur avons assignés : un PADDUC pour la Corse et pour les Corses. C’est un bébé bien joufflu et bien portant qui vient de naître ».
 
Une victoire politique
Une satisfaction largement partagée par Josepha Giacometti, élue de Corsica Libera, qui insiste sur la victoire politique de ce vote : « Nous avons démontré notre capacité de dire, ici, ce que nous voulions et de décider de notre destin. Ce sont les élus de la Corse, et non des cabinets extérieurs, qui ont travaillé à le définir ensemble. Sur le chemin de la paix, ce PADDUC est la reconnaissance de la nécessité d’œuvrer pour la préservation de notre terre, ce qui est fondamental pour nous. Le mouvement national a longtemps dit ce que nous ne voulons pas. Ce que nous sommes est, aujourd’hui, reconnu et mis au centre d’un projet. Nous avons, désormais, grâce à ce document, un cadre et les moyens de le réaliser ».
 
Une condition sine qua non
Plus circonspect, Femu a Corsica s’attache à expliquer le compromis arraché et les raisons de son vote final, sans nier, pour autant, les divergences qui demeurent. « Notre état d’esprit est de rechercher le consensus le plus large possible pour la défense des intérêts collectifs du peuple corse. L’intérêt général commande d’élaborer ensemble des compromis. Nous avons l’impression de redonner un sens global et partagé à des éléments politiques, qui étaient épars sur les espaces agricoles, et dire, enfin, que la Corse a vocation à redevenir une terre de production et que la terre n’est pas une marchandise », précise Jean-Christophe Angelini, président du groupe. Gilles Simeoni revient sur les points d’achoppement avec l’Exécutif : « Nous votons un document amendé parce qu’il y a eu un changement fondamental. Nous avons pris acte de la difficulté juridique concernant les espaces remarquables, nous étions enfermés dans une impasse. Dès l’an prochain, des espaces qui, pour nous, ont vocation à être intégrés le seront. Concernant les espaces stratégiques agricoles, nos deux amendements, garantissant leur intangibilité et leur inconstructibilité, ont été repris in extenso. C’était la condition sine qua non de notre vote ».
 
Pas de solution corso-corse
Mesuré également le Front de Gauche qui, par la voix du président du groupe, Étienne Bastelica, relativise la portée du PADDUC : « Nous voterons ce document parce qu’il résulte d’un grand travail de démocratie. Tout le monde a fait un pas. Pour nous, Communistes, il n’est pas un choix de société, parce qu’il est voté au même moment où le peuple corse subit les conditions socioéconomiques de la politique européenne. Je voudrais savoir ce qu’on va faire pour les agriculteurs qui se suicident parce qu’ils n’arrivent plus à vivre de leur travail. Des politiques essayent de les faire disparaître et ce n’est pas parce qu’on leur donne la possibilité de construire une auberge qu’on va réduire la dépendance. Il n’y aura pas de solution corso-corse aux problèmes que nous vivons. La bataille de la justice sociale ne fait que commencer, nous ferons en sorte de la poursuivre ».
 
Trois griefs
Seule voix nationaliste discordante, le leader d’U Rinnovu, Paul Félix Benedetti demeure dans une logique de contestation. « Je suis très heureux de savoir qu’il y a une volonté affirmée de maintenir un patrimoine foncier dans le giron de l’agriculture, mais les terres à plus forte potentialité ne représentent que 40 000 hectares, 2500 sont en zone tacitement urbaines. C’est une rétrogradation ! Qui plus est, la notion des surfaces d’enjeux régionaux est ambiguë et farfelue, il aurait été plus sage de retirer ces surfaces qui ouvrent la porte à la spéculation. Pour les espaces remarquables, plutôt que de discuter à l’emporte pièces de ces zones à intégrer ou à enlever, il aurait été préférable de conserver les Znieffs et les sites déjà inscrits. Ne pas l’avoir fait va ouvrir la voie à de nombreuses contestations. Le 3ème grief est l’absence de seuil mis à la progression de l’urbanisation qui est 10 fois supérieure à l’accroissement de nos richesses ».
 
Un leurre
Le rejet est encore plus net chez Aline Castellani, présidente du groupe La Gauche Républicaine, qui ne cache pas son désappointement : « Ce document, que vous allez voter, n’est qu’un compromis sans aucun lien avec ce qu’aurait du être un vrai projet de développement pour la Corse. Il traduit votre volonté de faire voter un PADDUC déconnecté de la réalité et ce, pour des raisons exclusivement politiques. Au nom de la paix, ce document installe une rupture d’égalité entre les Corses. Je regrette que vous l’ayez négocié avec les groupes nationalistes pour obtenir un consensus alors que nous étions en droit d’espérer que les membres de la majorité auraient été entendus. Ce n’était qu’un leurre ! Je voterai contre ! ».
 
Un bébé mort-né
Comme attendu, le vote est, également, fortement négatif à droite qui prédit des recours juridiques en cascade : « L’objectif du législateur était de faire une loi de juste équilibre entre protection et développement et non une loi de blocage. Au nom de la paix, cela reste un projet de non développement, sans aucune vision prospective, qui va engendrer un sentiment d’injustice très fort. Notre groupe a déposé 5 amendements pour réduire les fragilités juridiques de ce PADDUC qui avait pour objectif principal de sécuriser les documents d’urbanisme. Ils ont tous été rejetés, sauf un sur les déchets. Tous les amendements pris en compte viennent affaiblir le document et accroitre les fragilités juridiques. Le carcan et les contraintes seront insurmontables pour les communes. L’Exécutif n’a pas voulu entendre. Ce document est plus qu’attaquable ! Plus vous l’avez sécurisé, plus vous l’avez vicié, plus vous l’avez rendu illégal ! Ce PADDUC sera, demain, entre les mains du juge. Le bébé n’est ni joufflu, ni en bonne santé, il est mort-né ! », déplore Stéphanie Grimaldi, élue du groupe Rassembler pour la Corse.
 
36 voix pour
Le vote nominal s’est effectué sur cinq délibérations. Sur le projet proprement dit, la quasi-totalité de la majorité territoriale et les Nationalistes de Corsica Libera et de Femu a Corsica ont voté pour. Dix élus de droite, Aline Castellani de la Gauche Républicaine et Paul-Félix Benedetti ont voté contre. Trois élus étaient absents : Anne-Marie Natali et Antoine Sindali du groupe Rassembler pour la Corse, et Marie-Paule Houdemer, élue de la Gauche républicaine. Au total, le PADDUC est adopté par 36 voix pour, 12 contre et 3 absents. Une délibération de dernière minute, demandant au gouvernement que les recours éventuels contre le PADDUC soient portés directement devant le Conseil d’Etat, sans passer par le truchement du Tribunal administratif, a été rejetée par 19 contre, 13 pour, 14 abstentions, une non-participation et 3 absents. Femu a Corsica et Corsica Libera se sont abstenus, U Rinnovu, la droite et le Front de Gauche ont voté contre.
 
N.M.