Ajaccio : Comment les mathématiques viennent au secours de la médecine ?

Aider les médecins à poser des diagnostics plus vite et à trouver les traitements les plus adaptés à chaque patient grâce aux mathématiques. C’est l’objectif des recherches que mène le Pr Dominique Barbolosi depuis près de 40 ans. Le chercheur insulaire organise vendredi et samedi un colloque consacrée à la modélisation des mathématiques appliquée à la médecine à l’hôtel la Parata à Ajaccio.  Réservé aux professionnels, cet évènement qui regroupera des médecins et chercheurs de très haut niveau a pour objectifs de montrer les travaux qui ont déjà été effectués en la matière, d’échanger les expériences et pourquoi pas de faire germer de futures collaborations pour accélérer la dynamique de cette discipline prometteuse et encore peu connue. 
 
Basée à l’Institut Paoli-Calmettes, au sein Centre de Recherches en Cancérologie de Marseille,  l’équipe du Pr Barbolosi, pionnière dans son domaine, consacre ses travaux à l’utilisation de l’outil mathématiques pour l’ensemble de l’oncologie. « Il y a un certain nombre de questions qui sont toujours ouvertes sur le cancer. Par exemple, si une personne développe la maladie et qu’elle est traitée par chirurgie, il est possible qu’elle connaisse une récidive face à laquelle le médecin devra mettre un nouveau traitement en place. Mais il y a un flou pour savoir si le cancer va récidiver chez une personne, car la biologie ne fournit pas de critères satisfaisants pour cela. Il existe bien des critères comme des gènes qui mutent, des enzymes, qui peuvent aider à savoir cela, mais il n’y a pas de certitude », indique le chercheur. Il détaille que si pris séparément ces critères ne présument pas de l’aptitude d’une personne à connaitre une récidive de son cancer, la combinaison de ces marqueurs biologiques va quant à elle donner quelque chose de beaucoup plus informatif. « C’est là que les méthodes mathématiques interviennent afin de faire gagner beaucoup de temps », note-t-il en exposant : « Pour simplifier, on peut prendre la métaphore de la préparation d’un gâteau. On sait qu’il faut de la farine, des œufs et de l’huile. Mais il y un nombre de combinaisons incalculables au niveau des quantités à incorporer de chaque ingrédient. Et il n’est pas possible d’essayer toutes les combinaisons possibles pour un jour trouver la bonne recette pour faire le gâteau que l’on veut. Ainsi, lorsque les biologistes voient des ingrédients qui jouent un rôle, les modèles mathématiques permettent d’analyser de grands volumes de données afin de chercher les combinaisons de ces différents facteurs qui vont fournir un critère beaucoup plus informatif. Cette méthode a pour but de fournir un jour aux médecins un marqueur numérique, par analogie aux marqueurs numériques ».

Dans la même logique, le Pr Barbolosi et son équipe travaillent aussi notamment autour des différents traitements proposés face aux cancers. « Aujourd’hui, on parle beaucoup d’immunothérapie. C’est une grande avancée, mais on s’aperçoit que malheureusement pris seul, cela ne marche que pour 20% des gens. Pour les autres malades, il va falloir combiner ces nouvelles thérapies avec d’autres traitements comme la chimiothérapie », signale-t-il pointant là aussi l’intérêt des mathématiques pour aider les médecins à décider quel traitement donner, quelle dose et dans quel ordre en fonction de ce à quoi leurs patients réagiront le mieux. « Il y a une infinité de combinaison qu’il n’est pas possible de tester. Donc on cherche à développer des outils algorithmiques où c’est la machine effectuera des calculs à partir des analyses des patients et des données déjà entrées », dévoile-t-il. 
 
Face aux perspectives d’évolution que connaît sa discipline et aux avancées qu’elle pourrait apporter, le Pr Barbolosi s’astreint depuis plusieurs années à développer un axe de recherches à l’Université de Corse qui intéresse particulièrement cette dernière.  « Cela pourrait être intéressant car cela permettrait ensuite de collaborer avec des médecins locaux qui pourraient poser leurs problèmes sur lesquels travailleraient des étudiants, et en retour on avancerait plus vite pour développer un outil qui pourra servir et être diffusé dans le monde entier », livre le chercheur qui confie encore la nécessité de trouver des étudiants pour continuer à développer ces recherches. D’ores et déjà, à Corte une jeune femme a choisi de faire sa thèse sur l’application des mathématiques au cancer métastatique de la tyroïde sous la co-tutelle du Pr Barbolosi et de ses collègues de l'Université Pasquale Paoli. Une fierté pour le mathématicien qui souhaite plus que jamais diffuser l’information sur son domaine d’action afin d’attirer de nouveaux talents. « Beaucoup de jeunes ne se tournent plus ni vers les mathématiques ni vers la physique parce qu’ils ne voient pas ce qu’ils peuvent en faire. Par contre, si on leur donne du sens, on pourra avoir une résurgence de candidatures », glisse-t-il.