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Spéculation foncière : Pour le RN "la Corse est redevenue une terre de pression et de violence"


V.L. le Lundi 12 Juin 2023 à 11:21

A l'occasion d'une conférence de presse donnée samedi à Ajaccio, les représentants du Rassemblement national en Corse ont formulé des propositions visant à lutter contre la dépossession et la spéculation foncière.
Le chef de file du RN, François Filoni, revient pour CNI sur les proposition de son parti notamment en matière de droits de succession, afin de préserver les patrimoines familiaux et freiner la spéculation immobilière.



- Pourquoi avez-vous décider de prendre la parole maintenant, quelques jours après le quatrième comité stratégique relatif à l'avenir institutionnel de la Corse, dédié au foncier, à l'urbanisme et à la spéculation immobilière ?
- Parce que notre constat est sans appel : avec des prix qui explosent, un foncier sous haute tension, une présence mafieuse omniprésente et une violence contre les biens qui renaît de ses cendres, la Corse est redevenue en moins d'une décennie une terre de pression et de violence. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. En dix ans, les prix du foncier ont augmenté quatre fois plus vite que sur le continent. La bande du littoral représente 60% des ventes et 80% du montant des transactions. Les insulaires de souche sont pratiquement exclus de ces transactions faute de revenus suffisants ou de garantie bancaire.
Les communes situées à proximité du littoral sont pratiquement toutes devenues "zones non accessibles" pour les insulaires. Une étude récente de l'Agence de l'Urbanisme et de l'Environnement de la Corse confirme notre analyse en fixant même dans son rapport les zones devenues "inaccessibles" au commun des mortels.

- Ne regrettez-vous pas de ne pas pouvoir participer aux discussions de Beauvau ?
- Oui, d’autant que notre constat découle d’organismes officiels et qu’il met en avant la carence des exécutifs successifs dans la lutte contre les activités spéculatives. En Corse, 72 000 habitations sont déclarées comme secondaires, soit 28,8 % du parc de logements. C’est trois fois plus que la moyenne selon l’institut France de Province (9,7 %). Ce taux place la Corse au niveau des départements français qui ont les parts les plus importantes de résidences secondaires et ce mouvement ne semble pas faiblir : 54,3 % des nouvelles constructions sont des résidences secondaires contre 11,2 % en moyenne sur le continent. Ce sont majoritairement des appartements plus petits et plus anciens que les résidences principales et leurs propriétaires sont plus âgés et plus aisés. 37 % des résidences secondaires situées en Corse appartiennent à des résidents insulaires et les propriétaires étrangers sont peu nombreux (8 %).
La Corse est la région la plus pauvre de France, mais, paradoxalement, elle possède le plus faible nombre d'HLM par habitant avec 15 000 logements pour un parc de logement d’environ 250 000 logements. Le prix à la location de ces logements au mètre carré est parmi les plus élevés de France. Ces logements sociaux sont, pour la plupart, concentrés sur les deux principales agglomérations. Cette absence de rééquilibrage de l'offre entre l'urbain et le rural favorise la désertification de l’intérieur et la spéculation sur le littoral. La déconstruction des arrêtés Miot et leur extinction en 2027 ainsi que les inégalités sociales favorisent la dépossession de la terre des insulaires de souche. Aujourd’hui, ce sont 9 000 habitations à loyer modéré qui font défaut, d’autant que, selon l’INSEE, 32 700 personnes vivent dans un logement suroccupé. Cette situation pose aussi les enjeux en matière de lutte contre la spéculation foncière et les inégalités.

- Vos solutions diffèrent des propositions de l’Exécutif de Corse ? 
- Le constat étant terminé et partagé, il nous faut traiter les causes du problème à la racine et non ses conséquences. Pour cela, il faut bien comprendre les conséquences de la fin des arrêtés Miot et les règles, les lois et le cadre européen qui se juxtaposent. C’est donc par la loi que nous allons agir. Depuis 1801, les héritiers de biens immobiliers situés en Corse ne paient des droits de succession que sur la moitié de la valeur estimée du bien. Alors que la fin de ce régime dérogatoire était prévue pour janvier 2018, la loi visant à favoriser l'assainissement cadastral et la résorption du désordre de la propriété prolonge l'avantage fiscal pour 10 ans. Le retour au droit commun est donc programmé pour le 1er janvier 2028. Selon les auteurs de la loi, le maintien de l'exception corse pour 10 ans vise à laisser le temps au Girtec (Groupement d'intérêt public chargé de la reconstitution des titres de propriété en Corse) de mettre un terme au désordre de la propriété en Corse et de poursuive son entreprise de reconstitution des titres. Avec la fin des arrêtés Miot et de l’indivision, les Corses doivent préparer la transmission de leur patrimoine à leurs proches dans un environnement spéculatif et maffieux qui fait la part belle aux charognards. Ce droit du sang historique, très souvent complexe, doit faire l’objet d’une modification afin d’éviter que les Corses ne soient obligés de vendre leur patrimoine immobilier pour régler les droits de succession. Cela est bien entendu valable pour les Corses de souche et d’adoption, et plus largement pour la communauté nationale. Le patrimoine immobilier est la racine de la famille. Si la racine meurt, la famille meurt et c’est notre modèle sociétal basé sur la famille, la commune et l’État qui disparaît.

- En quoi consiste votre proposition de loi inscrite dans la niche parlementaire ?
- Les droits de succession constituent l’impôt le plus détesté par les Français, et pour cause, de tous les pays européens, c’est chez nous qu’il est le plus élevé. En matière de droits de succession, comme en général, la France détient le record de la plus lourde imposition de l’OCDE, en particulier sur les petites et moyennes successions. Quinze pays de l’OCDE les ont tout bonnement supprimés. En Belgique, l’exonération est le double de la France avec 200 000 euros par enfant, en Allemagne, les patrimoines sont exonérés jusqu’à 400 000 euros par enfant et petit-enfant et jusqu’à 1 million d’euros en Italie. Notre objectif n’est pas d’exonérer les plus gros patrimoines, qui continueront d’être soumis aux droits de succession et de donation, mais d’exonérer l’essentiel des petits et moyens patrimoines, ceux des classes moyennes.
Le lien direct entre le racket fiscal sur les successions et l’accès à la propriété et l’accès aux logements des Français et plus particulièrement les Corses de souche est clair : dans l'impossibilité de payer les droits de succession, les héritiers renoncent et perdent le bien familial. De plus, faute de revenus suffisants, beaucoup sont contraints de demander un logement social. Cette situation favorise la spéculation, les profiteurs et les charognards. Elle ne permet plus, aux plus modestes d’entre nous et à notre jeunesse, d’accéder à la propriété. Nos propositions visent à faire cesser la spoliation et la confiscation des patrimoines familiaux en supprimant le matraquage fiscal profondément injuste des petits propriétaires qui transmettent le fruit des efforts et des sacrifices de toute une vie de travail à leurs enfants.