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Spéculation foncière : Le gouvernement refuse de renforcer le droit de préemption de la Collectivité de Corse


Nicole Mari le Samedi 30 Octobre 2021 à 19:09

Lors du débat sur le projet de loi de finances 2022 qui est en cours à l’Assemblée nationale, le député de la première circonscription de Haute-Corse, membre du groupe Libertés & Territoires, Michel Castellani a soulevé la question de la spéculation foncière et immobilière en Corse. Il a demandé au gouvernement de traiter le problème sur le fond, notamment en renforçant le droit de préemption de la Collectivité de Corse, et en permettant au PADDUC de maîtriser la proportion de résidences secondaires par zone. Fin de non-recevoir de Joël Giraud, secrétaire d’État chargé de la ruralité, qui a expliqué que la situation en Corse n’était pas pire qu’ailleurs, et parfois même meilleure ! Il propose de travailler sur le sujet dans le cadre du Programme exceptionnel d’investissement (PEI) pour la Corse.



Michel Castellani, député nationaliste de la première circonscription de Haute-Corse, membre du groupe Libertés & Territoires.
Michel Castellani, député nationaliste de la première circonscription de Haute-Corse, membre du groupe Libertés & Territoires.
« En Corse, la spéculation foncière et immobilière est galopante. Le coût du logement augmente deux fois plus vite que sur le continent et le prix du foncier explose. 40 % des habitations sont des résidences secondaires ». Le député nationaliste de la 1ère circonscription de Haute-Corse et membre du groupe parlementaire Libertés & Territoires, Michel Castellani, a profité du débat sur le projet de loi de finances 2022, qui se tient actuellement à l’Assemblée nationale, pour marteler la problématique du logement et de la dépossession foncière très prégnante dans l’île. Et d’autant plus douloureuse, explique le député de Bastia, « qu’un Corse sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, se retrouve dans des habitations sans confort ou établies dans des zones isolées » et que « la Corse possède paradoxalement le plus faible nombre de logements HLM par habitant. Il s’établit ainsi un déclassement par la richesse, les Corses étant littéralement poussés hors de leur sol ». La lutte contre la spéculation foncière et immobilière est, depuis l’accession des Nationalistes aux responsabilités fin 2015, une des grandes priorités du pouvoir territorial qui ne dispose, cependant, que de compétences et de moyens limités.
 
La maitrise du foncier
En attendant une hypothétique évolution constitutionnelle, les députés nationalistes font feu de tous bois pour tenter d’enrayer la flambée des prix. Avec leur groupe Libertés et territoires, ils ont déposé une proposition de loi visant à réguler cette dynamique en créant une nouvelle taxation sur les résidences secondaires, dont le produit bénéficierait à l’office foncier de la Collectivité de Corse « Afin de favoriser la construction de logements abordables, mon groupe propose de renforcer le droit de préemption de la Collectivité de Corse. Nous souhaitons également donner la possibilité au PADDUC (Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse) de mieux maîtriser la proportion de résidences secondaires par zone. Les communes pourraient ainsi mieux gérer leur foncier en vue de l’accession à la propriété ou de l’établissement de logements sociaux », indique Michel Castellani. Avant d’interpeller le gouvernement : « Vous engagez-vous à reprendre ces dispositions telles qu’elles avaient été votées en Commission à l’Assemblée nationale ? Et plus largement – c’est important –, êtes-vous disposé à traiter sur le fond, en collaboration avec les élus de Corse, la question de la maîtrise du foncier dans l’île ? ».

Michel Castellani : « Etes-vous disposés à traiter sur le fond la question de la maîtrise du foncier dans l’île ? »

Rien d’exceptionnel !
Le moins que l’on puisse dire est que le secrétaire d’État chargé de la ruralité, Joël Giraud, qui se charge de répondre, n’est guère convaincu d’une telle nécessité ! « Ce constat n’est pas spécifique à la Corse, mais il est vrai que la dynamique est un peu plus élevée dans l’île qu’ailleurs. Je sais que cette inflation foncière est un sujet d’attention majeur, que le gouvernement partage avec vous et avec l’ensemble des élus et des habitants de la Corse ». Ce qui ne l’empêche pas d’affirmer dans la foulée que si la hausse du coût du foncier est effectivement importante dans l’île, elle n’a, selon lui, rien d’exceptionnel. « La situation corse est comparable, dans son ensemble, avec celle des communes du littoral continental, en particulier méditerranéen et atlantique. Par exemple, la part des résidences secondaires, qui s’établit à 37 %, est proche des moyennes continentales, qui vont de 25 % dans le département des Pyrénées-Atlantiques à 57 % dans le Gard. La vacance du parc de logements des communes littorales de Corse est inférieure à la moyenne de celle des communes du littoral continental. Le nombre de logements neufs non vendus est élevé en Corse, ce qui signifie qu’il y a un peu de stock disponible, et davantage que sur le continent. Les prix moyens des logements neufs des communes littorales de Haute-Corse se situent parmi les moins élevés en 2019. Le prix des maisons reste en moyenne inférieur à ceux des zones les plus prisées des secteurs littoraux continentaux des Pyrénées-Atlantiques et des Alpes-Maritimes. Le prix des terrains à bâtir se situe également dans une fourchette basse en Corse, de même que les loyers médians », déroule-t-il.

Joël Giraud : « La nécessité de légiférer ne paraît pas évidente »

Pas de nécessité
Des chiffres que Joël Giraud s’empresse néanmoins immédiatement de relativiser : « Il existe certes des écarts très importants au sein de ces moyennes. Je le sais bien, pour habiter un département des Alpes où ces moyennes ne veulent quelquefois pas dire grand-chose. Il est vrai que quelques biens vendus le sont à des prix extrêmement élevés – c’est une réalité ! – et sont parfois inaccessibles aux collectivités territoriales, mais seuls une trentaine de biens ont été vendus entre 3 et 5 millions d’euros au cours des dix dernières années ». Dans ces conditions, estime-t-il « la nécessité de légiférer ne paraît pas évidente. Elle est même difficile à justifier sur le plan juridique. Au vu des chiffres évoqués, la disposition que vous proposez entraînerait un risque majeur de rupture d’égalité et présenterait donc un sérieux risque d’inconstitutionnalité ». Une nouvelle fin nette de non-recevoir aux parlementaires corses que le secrétaire d’Etat à la ruralité tente de noyer dans un flou artistique, en assurant que le gouvernement « considère toutefois avec beaucoup d’attention cette question et expertise différentes propositions, notamment – mais pas exclusivement – d’ordre fiscal. Je reste à votre disposition pour travailler sur ce sujet très particulier, notamment dans le cadre de la mise en œuvre du Programme exceptionnel d’investissement pour la Corse ».
Une heure après, une motion appuyant la demande des députés était votée à l’Assemblée de Corse par la majorité nationaliste. Autrement dit, le dialogue de sourds continue.
 
N.M.