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Procès en appel du féminicide de Julie Douib : l'accusé se livre


CNI avec AFP le Vendredi 20 Janvier 2023 à 20:21

"Je n'ai pas eu un procès juste et équitable": au premier jour de son procès en appel, vendredi à Ajaccio, l'ex-compagnon et meurtrier de Julie Douib, en mars 2019 à l'Ile Rousse, en Corse, a expliqué vouloir "se battre" pour ses enfants.



Le frère et la mère de Julie Douïb (Photo Michel Luccioni)
Le frère et la mère de Julie Douïb (Photo Michel Luccioni)
Ce féminicide avait d'autant plus choqué que la victime avait déposé plainte à de multiples reprises contre son futur meurtrier.
Crâne rasé, visage émacié, Bruno Garcia-Cruciani, 46 ans, vêtu d'un jeans bleu et d'un blouson, comparaît devant la cour d'assises d'appel jusqu'au 27 janvier. Il encourt la réclusion à perpétuité, peine à laquelle il avait déjà été condamné en juin 2021, devant la cour d'assises de Bastia, avec une période de sûreté de 22 ans et la privation de son autorité parentale.
"Je n'ai pas eu un procès juste et équitable (en raison de) la surmédiatisation de mon affaire", a-t-il déclaré vendredi devant la cour, appelant à ne "pas confondre justice et vengeance" et regrettant d'avoir été vu "comme quelqu'un de froid et d'arrogant".
"Le plus important, c'est mes enfants, ça fait quatre ans que je n'ai pas de nouvelles", a-t-il ajouté: "C'est très dur, plus dur que d'être enfermé".
"Certes, par mon geste, ils n'entendront plus la voix de leur mère", a-t-il reconnu. Mais "les écarter de leur père, c'est une deuxième punition": "Je me battrai, je n'abandonnerai jamais mes enfants".
Niant toute préméditation, l'accusé a répété ne pas "être allé pour tuer Julie". Lors de l'instruction, l'accusé avait reconnu s'être rendu au domicile de son ex-compagne, dont il était séparé depuis septembre 2018, et lui avoir tiré dessus, avant de se rendre aux gendarmes.
 

"Psychorigidité" et "immaturité"   

"Mes enfants, c'est ma vie", avait-il aussi affirmé devant un psychologue, avançant "une thèse accidentelle" pour expliquer la mort de Julie Douib, qu'il accusait d'"infidélité". Devant ce psychologue, il avait expliqué s'être rendu chez son ex-compagne "pour lui faire peur" et avoir "fait une grosse connerie".
"C'est épuisant de réentendre ce qu'il a fait à Julie et à ses enfants", a indiqué à l'AFP, en marge de l'audience, Lucien Douib, le père de Julie, partie civile avec sa femme, Violetta, et son fils Jordan.
Quant aux deux fils du couple, aujourd'hui âgés de 12 et 14 ans, ils n'assistent pas au procès. "Ils sont inquiets qu'un jour il sorte et qu'il les reprenne", a insisté leur grand-père: "Savoir qu'il a encore l'autorité parentale, comme il a fait appel, même si on a obtenu la délégation de l'autorité parentale, c'est dur. Il est toujours présent".
"La justice a autorisé que les correspondances du père ne soient lues que si les enfants le veulent, et comme ils ne veulent plus en entendre parler et qu'ils ne veulent pas le voir, de ce côté-là on avance. Mais ils en ont marre d'être trimbalés entre les avocats, les juges, les psychiatres", a-t-il expliqué.


Vendredi, la cour a entendu plusieurs témoins de moralité cités par la défense qui ont fait valoir les qualités, notamment de père, de M. Garcia-Cruciani. Deux d'entre eux, évoquant des événements auxquels ils n'avaient pas assisté, ont été repris par la présidente: "Dans une cour d'assises, on ne se base pas sur des oui dires", a-t-elle lâché, cinglante.
Diffusés à l'audience, deux extraits vidéos ont montré l'accusé violenter sa mère, malade d'Alzheimer.
Interrogé, un psychologue a expliqué que la personnalité de Bruno Garcia-Cruciani était marquée par une "psychorigidité", "une part d'impulsivité" et de l'"immaturité" liée à "l'absence du père". Un père qui aurait été violent envers ses enfants, selon la soeur aînée de l'accusé.
30e des 146 féminicides recensés en 2019, ce meurtre avait entraîné un "Grenelle" contre les violences conjugales, en septembre 2019. 46 mesures en étaient sorties, dont le déploiement de bracelets anti-rapprochement.

La salle d'audience (Photo Michel Luccioni)
La salle d'audience (Photo Michel Luccioni)