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Police : En Corse aussi, le malaise va grandissant


José Fanchi le Mercredi 19 Décembre 2018 à 17:06

Le malaise est perceptible et va grandissant. Il se propage à grande vitesse sur l’ensemble du pays. Après les gilets jaunes, les policiers viennent grossir les rangs de la contestation. Le taux de suicides est impressionnant. Ils sont devenus une cible. Ils se disent abandonnés et estiment leurs revendications légitimes



Le commissariat d'Ajaccio (Photos Michel Luccioni)
Le commissariat d'Ajaccio (Photos Michel Luccioni)
A quelques jours de Noël, le gouvernement sera-t-il en mesure de satisfaire les diverses revendications demandées qui remontent du terrain ? Mobilisés depuis le 17 novembre pour dénoncer de manière générale la cherté de la vie, les gilets jaunes, toujours mobilisés, ont donné quelques idées. Et le président de la République et son gouvernement se retrouvent désormais confrontés à une contestation grandissante. Les policiers sont en effet entrés dans la danse. Ils disent leur mécontentement. Ils ne vont pas tarder à monter au créneau. 
Ainsi, les organisations syndicales de la police nationale ont appelé les équipes et n’assurer, hier, qu’un service minimum. Mobilisée depuis quelques semaines sur des manifestations plus ou moins violentes ou encore sur des attaques terroristes comme à Strasbourg, la profession se dit en bout de course. Les hommes sont  épuisés et non récompensés. Les négociations engagées avec le ministre de l’intérieur sont loin d’être concluantes. 


21 millions d'heures supplémentaires non payées
L’un des rapporteurs de la Commission d’enquête du Sénat a été clair sur la situation actuelle de la police :  "Je ne connais pas d'autre administration ou d'autre entreprise qui traite si mal ses employés. Cela a été un choc de le découvrir." Déclaration faite au terme de six mois d'enquête. La commission s'est constituée dans un contexte morbide où le nombre de suicides de policiers explose. Ils sont passés de 36 à 50 cas entre 2016 et 2017, tandis que 13 étaient déjà à déplorer à la fin du mois de mars 2018. Depuis l'attentat de Magnanville , les flics ont compris qu'ils étaient devenus une cible, si bien qu’à côté des syndicats, ils se constituent en associations de policiers en colère et n'hésitent plus à manifester publiquement leur désarroi. Un contexte enfin où, en dépit d'une sensible augmentation budgétaire, l'institution parvient à accumuler quelque 21 millions d'heures supplémentaires non payées, tandis que les moyens matériels se dégradent, que les tâches indues s'envolent (gardes statiques, extractions judiciaires...) et que les vies personnelles se délitent sous la charge imposée. 

Pierre Azema
Pierre Azema
​Des difficultés en Corse aussi
Pierre Azema, Conseiller Technique au bureau départemental d’Unité SGP-Police de la Corse-du-Sud fait partie de ces contestataires qui ne savent plus quoi faire devant une situation qu’ils jugent catastrophique. Il le dit sans ménagement, dénonce l’inertie du ministère de tutelle et l’ensemble de la classe politique :
«Nous avons été sollicités pour le maintien de l’ordre dans différentes villes, avec les incidents et heurts qui ont fait beaucoup de blessés. Il semble pourtant que le gouvernement n’entende pas toutes nos problématiques et cela dure depuis plusieurs années. Nous avons été dernièrement reçus par le gouvernement mais sans résultat aucun. Nous n’avons pas d’autres moyens que de taper du poing sur la table et entamer des actions. Nous avons besoin d’être entendus par notre hiérarchie, nous ne sommes pas des mendiants. Vous avez vu le nombre de suicides ?  Nous sommes au bord du gouffre, aucune décision forte n’a été prise. Il existe trois professions qui sont les derniers recours pour la population : la Police nationale la Gendarmerie et les Pompiers. Nous côtoyons tous les jours la détresse humaine et nous voyons notre société s’enfoncer vers le chaos. Les pouvoirs publics ont balayé d’un revers de main nos analyses et nous sommes le dernier rempart face à une volonté de certains groupuscules de détruire notre société. C’est à notre tour de dire aujourd’hui ava basta, nous en avons assez ! »


Les heures sup. et les primes…
Les syndicats de police son effarés par les divers textes et décisions prises à leur encontre par leur hiérarchie et les gouvernants, à savoir : vote de l’instauration des 3 jours de carence en arrêt maladie, prévision de baisse budgétaire, recherche perpétuelle de la rentabilité du service public et volonté de toucher à un statut spécial pour la retraite
En clair, l’absence d’argent  semble être l’unique réponse de la hiérarchie, notamment en ce qui concerne les enveloppes pour les heures supplémentaires, ce vieux serpent de mer qui revient  avec chaque gouvernement. Les primes exceptionnelles sont autant de revendications qui poussent les personnels à descendre de nouveau dans la rue comme cela a été le cas en 2012, avec les conséquences que l’on sait. Voici ce que dit le syndicat :
« Unité SGP Police se bat contre l’administration depuis des mois pour que la vie familiale de nos collègues puisse se concilier avec notre métier. L’administration refuse la vacation forte que nous essayons d’imposer. C’est le seul cycle horaire qui permet aux collègues de terrain d’avoir une vie. Nous avons autant de difficulté en Corse. L’éloignement géographique est important, la police fait l’objet de discrimination par rapport aux gendarmes. La fameuse double campagne dont ils bénéficient n’a jamais été transposée pour nous donner une équité. La vie est plus chère en Corse, chacun en est conscient et nous demandons la revalorisation de la prime de transport et sa généralisation.  Nous demandons également l’arrêt des tâches qui n’ont aucun rapport avec notre profession, sans oublier la faiblesse des effectifs, fortement insuffisante. Le déroulement de notre carrière est bloqué et l’avancement  au sein des différents services de police de l’île est insuffisant. Le bureau départemental attend de pied ferme le ministre de tutelle, le premier ministre.» 


La justice aussi
Elle n’est pas directement liée, mais la journée d’action des professionnels de la justice ne passe pas inaperçue. Elle vient tout simplement grossir les rangs d’une contestation déjà très importante. Pour preuve, à Ajaccio, les avocats ont décidé de se joindre à la journée d’action nationale comme ils le font depuis le début.
J. F