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Pierre-Jean Luciani président du Conseil départemental de la Corse-du-Sud : Du duel à distance au chjiami e rispondi


José Fanchi le Jeudi 2 Avril 2015 à 19:32

La politique n’est certainement pas un long fleuve tranquille ! Il se passe de drôles de choses au Conseil Départemental de la Corse du Sud. Le Chjami e Rispondi s’est installé au sortir de l’élection de Pierre-Jean Luciani à la présidence. Jean-Jacques Panunzi et Marcel Francisci n’ayant pu se départager après deux tours de scrutin avec 11 voix chacun, il a fallu avoir recours au troisième tour. Jean-Jacques Panunzi a donc décidé de retirer sa candidature et de présenter celle de Delphine Orsoni. Les voix obtenues par cette dernière se sont reportées sur le président sortant. Dès lors, Pierre-Jean Luciani s’est présenté à son tour et après une nouvelle égalité à 11/11, le membre de la majorité municipale ajaccienne a été élu au bénéfice de l’âge



(Photos Marilyne Santi)
(Photos Marilyne Santi)
Tout avait parfaitement commencé dans une salle abondamment garnie où il fallait jouer des coudes durant de longues minutes. Le doyen d’âge a naturellement pris le fauteuil de président de séance avec Valérie Bozzi, la benjamine de l’assemblée à ses côtés.
L’élu Ajaccien a considéré ce rôle comme un honneur de siéger à cette place (il a été longtemps vice-président du Conseil Général) : « C’est effectivement un honneur de siéger à cette place, fut-elle éphémère… » Mais c’est aussi un plaisir d’accueillir les élus des élections départementales qui se sont déroulées dans d’excellentes conditions. Je vous rappelle que la participation au scrutin de Corse a été la plus importante de France, preuve de l’attachement du citoyen aux départements. Gardez ce moment en mémoire, il est important. Vous êtes dans une collectivité dont l’avenir reste à écrire. Soyez fiers de notre institution. »
 
Trois tours de scrutin
On procéda aussitôt au vote pour la présidence du Conseil Départemental. Au terme du scrutin et comme on s’y attendait, les listes Panunzi et Francisci obtinrent onze voix chacune. La suspension de séance s’imposait au sortir de ce vote et c’est au terme de cette heure de concertation entre les deux groupes que l’on passa au deuxième tour du scrutin.
Le seul moment de suspense de cette matinée aura finalement été la suspension de séance, moment de détente pour tout le monde au point que la salle de délibération ressemblait à une agora. Des groupes se formèrent, chacun racontait la sienne mais d’aucuns - il en existe encore -   avaient leur petite idée sur la question. Etaient-ce les plus fins observateurs ? Comme ce supporter qui, élevant la voix, racontait à qui voulait l’entendre : « A onze partout, ça continue et ça dure, on n’en sortira pas. L’on se dirige tout droit vers une élection au bénéfice de l’âge ! »
 
Lapsus révélateur ?
C’est vrai qu’il ne fallait pas être devin pour faire ce genre d’annonce, mais il n’avait pas tort dans la mesure où au troisième scrutin, le scénario envisagé allait se produire, surtout lorsque Pierre-Jean Luciani annonça sa candidature par la voix de Marcel Francisci.
Revenons un tantinet en arrière pour rappeler les propos du Conseiller Ajaccien lorsqu’il disait que « c’était un honneur d’être assis à la place du président, » honneur éphémère avait-il ajouté… On connaît la suite !
Toujours est-il que sa candidature n’a pas plu à tous le monde. On s’en doutait un peu. Avec, en toile de fond, cette question que pouvaient se poser bon nombre d’observateurs : Une telle élection peut-elle avoir des conséquences ?
Au terme de la suspension, c’est Marcel Francisci qui prenait la parole pour signifier la candidature de Pierre-Jean Luciani au troisième tour. Réplique immédiate de Jean-Jacques Panunzi : « Je retire ma candidature au profit de Delphine Orsoni. » Silence de cathédrale dans la salle.
Comme on pouvait s’y attendre, les voix (11) de Delphine Orsoni se sont reportées sur le nom de Jean-Jacques Panunzi, les onze autres sur celui de Pierre-Jean Luciani. Ce dernier étant élu au bénéfice de l’âge. 
 
La politique-passion
Applaudissements, plébiscite, « allez Pierre-Jean » sur l’air des lampions, la salle plutôt recueillie s’est soudainement enflammée l’espace de quelques minutes. Le nouveau président, visiblement ému, on  le serait à moins, s’adressa alors à l’assistance : « La politique, c’est une passion depuis mon plus jeune âge. Voilà une trentaine d’années que je promène ma silhouette à travers les hémicycles. La mairie d’Ajaccio aux côtés de Charles Ornano, l’Assemblée de Corse, le Conseil Général, je crois avoir assez d’expérience et de connaissances dans ces domaines. »
Pierre Jean Luciani a en effet baigné dans la politique depuis son plus jeune âge dans les rangs Gaullistes et Bonapartistes, mais aussi dans le syndicalisme (FO) lorsqu’il était en fonction à EDF/GDF et dans les mouvements associatifs avec la création de l’Association duc San Rucchellu où il a beaucoup œuvré par la réfection de la petite église de la rue Fesch.   L'assemblée procéda ensuite à la désignation des membres de la commission permanente. Pierre-Jean Luciani, nouveau président, proposa que le nombre des membres soit porté à 22, soit l'ensemble des conseillers élus au vote public.
 Jean-Jacques Panunzi réclama, de son côté, un vote à bulletins secrets pour établir le nombre des élus devant siéger dans cette commission permanente. Une nouvelle suspension de séance fut de nouveau décidée et la reprise fixée à 15 h 30. 

Chjami e rispondi à rallonge…

Revenons un instant sur les débats et les tours de scrutin de la matinée pour simplement signaler quelques mouvements d’humeur ci et là, sans tapage aucun, bien au contraire. On a tout de même senti qu’il se passait quelque chose entre les groupes et surtout entre les hommes. On a même vu des gestes d’humeur très discrets qui pouvait signifier quelque chose d’important entre un élu du rural et l’ancien président. Traitrise ? Certainement pas, mais comportement soudain ou préparé plus sûrement. Toujours est-il que bon nombre d’observateurs ont entendu la petite phrase : « Sors-moi de là ou… »
En clair, si cet incident ne s’était pas produit, il aurait pu sans doute se passer autre chose dans le scrutin précédant. Sans doute cela aurait changé la donne et l’on aurait alors assisté à une réélection…Mais bon, il ne s’est absolument rien passé !
La reprise s’est faite le plus normalement du monde avec, au programme, le vote pour une Commission permanente de 22 membres et l’élection de quatre vice-présidents. Nous avons assisté cette fois à une authentique partie de cache-cache et une bataille de textes officiels à propos de la réglementation sur un vote à bulletin public que préconisait Marcel Francisci ou à bulletin secret comme le demandait Jean-Jacques Panunzi. Le Règlement intérieur prend-t-il le pas sur le règlement territorial ? Chacun y est allé de ses connaissances.
La suspension de séance s’imposait à nouveau à la demande de Jean-Jacques Panunzi.
Une chose est sûre, le vote a été plus tendu qu’on ne pouvait l’imaginer. Un peu comme une saynette qui aurait été écrite à l’avance…
 
Imbroglio et Settimana Santa…
 
Malgré l’intervention de François Colonna pour rappeler l’article 21-31 du code des collectivités territoriale, nous voilà repartis pour une bonne heure de suspension, avec ces quelques mots de Jean-Jacques Panunzi : « Nous allons vers le blocage de l’institution. Le règlement intérieur doit impérativement s’appliquer. Il y aura blocage lorsque nous voterons les rapports et autres budgets. Il faut qu’il se dégage une majorité de cette assemblée. Je fais appel à votre sagesse et demande de ce fait une nouvelle suspension. » Puis s’adressant à Pierre-Jean Luciani : « Vous avez décidé de déroger au règlement intérieur. »
Avant de quitter la salle, Jean-Jacques Panunzi s’est adressé à la table de la presse régionale : « Nous sommes en pleine Semaine Sainte. Jésus a été trahi par les siens mais il est ressuscité le troisième jour… »
Dès la reprise, Marcel Francisci intervenait de nouveau : « Je donne raison à François Colonna et retire ma demande de vote public. »
Le vote pour une Commission Permanente a donné une nouvelle égalité (onze voix pour et onze voix contre) mais a été adopté par le président, ce qui n’eut pas l’heur de plaire à Jean-Jacques Panunzi qui demanda une nouvelle suspension de séance au sortir de laquelle Marcel Francisci intervint de nouveau pour demander d’éviter tout blocage. Jean-Jacques Panunzi demanda une fois encore un vote à bulletin secret. La proposition de Marcel Francisci fut néanmoins retenue.
Cela n’a pas empêché Jean-Jacques Panunzi de déclarer : « Je demande que soit consigné au procès verbal le non respect du règlement intérieur qui a été outrepassé. Je fais constater aux personnes présentes que vous avez modifié le mode de scrutin. Vous appliqué votre règle  à chaque délibération. En clair, vous tordez le cou à la démocratie ! »
Le vote ayant été adopté par la voix prépondérante du président du Conseil Départemental, il a été accordé une nouvelle suspension d’une heure pour l’élection des quatre vice-présidents.
J.F.