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PADDUC : Maria Guidicelli rassure les conseillers généraux de Haute-Corse


Nicole Mari le Mercredi 26 Juin 2013 à 17:47

Maria Guidicelli, conseillère exécutive en charge de l’élaboration du PADDUC (Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse), poursuit sa tournée d’explication et de concertation auprès des élus insulaires. Mercredi matin, pendant près de deux heures, elle a présenté les grandes orientations du futur plan aux conseillers généraux de Haute-Corse et tenté d’apaiser un désarroi patent. Au cœur des inquiétudes : la sécurisation des documents d’urbanisme et la clarification des règles après l’annulation par la justice de 11 PLU en 2012 et au moment où la loi Duflot prévoit que leur élaboration sera désormais intercommunale. Réaction, en vidéo, de Maria Guidicelli, à l’issue de la réunion.



Joseph Castelli, président du Conseil général de Haute Corse, et Maria Guidicelli, conseillère exécutive en charge du PADDUC.
Joseph Castelli, président du Conseil général de Haute Corse, et Maria Guidicelli, conseillère exécutive en charge du PADDUC.
L’exercice est bien rodé. Depuis plusieurs mois, Maria Guidicelli sillonne inlassablement l’île pour expliquer, convaincre, écouter, rassurer, mais aussi prendre le pouls des élus locaux de tous niveaux qui attendent, souvent avec impatience, parfois avec scepticisme, l’élaboration du futur plan d’aménagement et de développement de la Corse. Une méthode de concertation et d’échange qui fait l’unanimité. Elle a été décidée par l’Exécutif de l’Assemblée de Corse (CTC) afin d’éviter l’impasse où s’était englué l’Exécutif précédent qui avait tenté, en vain, de passer en force. L’objectif est, donc, de co-élaborer le futur plan et de le soumettre au débat public afin de lui donner une légitimité censée assurer sa pérennité. Après avoir rencontré les conseillers généraux de Corse du Sud, mardi, c’est, donc, devant ceux de Haute-Corse que Maria Guidicelli s’est livrée, mercredi matin, durant près de deux heures, à une longue séance d’explication.
 
Un si petit nombre d’élus
Le moins que l’on puisse dire, pourtant, c’est que la réunion, que l’on pensait très attendue sur un sujet aussi brûlant, n’a pas fait recette. Seuls 17 élus sur les 30 que compte le département du Nord étaient présents. Le président, Joseph Castelli, a du vérifier que le quorum était atteint pour ouvrir la séance. Certains n’ont pas caché leur déception devant ce désintérêt flagrant pour ce dossier majeur qui doit définir, voire inventer un nouveau modèle de développement pour les 20 ans à-venir. Cette compétence unique, dont, seule la Corse dispose et qui lui a été confiée par la loi du 22 janvier 2002, est lourde d’enjeux locaux. Quand on sait que la plupart des conseillers généraux sont également maires et, donc, en charge de l’établissement des documents d’urbanisme qui est au cœur de la problématique du PADDUC… on ne peut manquer de s’étonner ! Néanmoins, ce désintérêt n’a pas entamé la détermination de Maria Guidicelli.
 
Trois actes
« Je suis venue dans cette assemblée chercher votre expertise », déclare-t-elle en préambule. « La Corse n’a plus le temps d’attendre. Si nous voulons construire un avenir en fonction de nos besoins propres, il faut agir de manière rapide pour faire face à l’urgence sociale ». Et de brosser un sombre tableau d’une île où « 20% de la population vit sous le seuil de pauvreté » et qui cumule disparités territoriales et fractures entre zones urbanisées et zones de montagne. Elle propose de répondre à ce défi en trois actes. Le 1er a fait valider par la CTC, en juillet 2012, le choix politique d'un modèle de développement spécifique adapté aux réalités insulaires. Le 2nd, en cours d’élaboration, est la déclinaison technique de ce modèle en Projet d’aménagement et de développement durable. Le 3ème sera la transcription spatiale de ce projet en un Schéma d’aménagement (SAT) avec « une localisation cartographique et précise des espaces stratégiques pour organiser le développement de l’île et qui s’établira sur des critères restant à déterminer ».
 
Opposable aux tiers
Le projet de développement se décline autour de cinq axes majeurs : une économie productive basée sur la valorisation des savoir-faire insulaires, l’exploitation des ressources naturelles, notamment énergétiques, la réduction de la double fracture sociale et territoriale par le biais d’une fiscalité redistributive, la spécificité culturelle, patrimoniale et linguistique…
En ce qui concerne la question prégnante de l’aménagement du territoire, « le PADDUC vaut Directive territoriale d’aménagement (DTA), c’est-à-dire qu’il va s’intercaler entre la loi et les documents d’urbanisme de portée inférieure comme les PLU (Plan local d’urbanisme) et les SCOT (Schéma de cohérence territoriale) qui devront être compatibles avec lui. Dans les communes n’ayant pas de carte communale, il sera directement opposable aux tiers », précise Maria Guidicelli.
 
Sécuriser les PLU
L’objectif affiché est de sécuriser le cadre d’élaboration des documents urbanistiques communaux. « La loi littorale, qui date de 1986, est basée sur des concepts flous, approximatifs, qui donnent lieu à des interprétations juridiques. Les Tribunaux administratifs prennent des décisions qui font jurisprudence. Ainsi, les contentieux font et défont les documents d’urbanisme ! Il faut clarifier les notions », ajoute-t-elle. A la notion d’hameau nouveau, la conseillère exécutive préfère celle de « hameau traditionnel qui prend en compte les réalités patrimoniales ». Elle prévient : « On ne va pas adapter la loi, mais la rendre efficace et opérationnelle ». Une autre question fondamentale est la cartographie qui sera établie à deux niveaux d’échelle : spécifique en fonction des territoires et stratégique.
 
Une péréquation fiscale
Autre point crucial : la redistribution des richesses à travers une fiscalité particulière. Par exemple, sont envisagées des taxes sur la fréquentation touristique ou sur les plus values spéculatives, dont les recettes seraient dévolues au service de l’habitat permanent dans les zones les plus pauvres (montagne et intérieur). Par mesure de précaution et pour ne pas pénaliser les Corses, l’idée est de différencier fiscalement les résidences secondaires des insulaires de celles des gens extérieurs. « Le PADDUC ne sera pas un super PLU, mais un document régional qui va devoir respecter les équilibres des territoires. Le cadre ne doit pas être seulement contraignant, mais aussi facilitateur », conclut Maria Guidicelli.
 
L’inquiétude des élus
C’est le conseiller général et maire de San Martino di Lota, Jean-Jacques Padovani, qui ouvre le débat en posant les questions qui taraudent les élus locaux : « Les maires vont-ils devoir modifier ou reconstruire les PLU en cours en fonction des éléments du PADDUC ? Faut-il continuer à élaborer les PLU ou surseoir en attendant l’écriture et le vote du PADDUC ? ». Les ambitions de développement de la montagne et de péréquation fiscale soulèvent le scepticisme de Pierre-Louis Nicolai, élu du canton de Campoloro-Moriani, qui exprime ainsi un sentiment quasi-général dans la salle. « Les PLU intercommunaux ? On a déjà du mal à faire des PLU communaux ? », lâche-t-il, dubitatif. Même réserve du côté de Hyacinthe Mattei. Le conseiller général de l’île Rousse et maire de Monticello regrette l’absence d’un document de programmation financière : « C’est une erreur ! On va faire un beau plan et on n’aura pas les moyens de le mettre en œuvre. On parle de développement productif et de rééquilibrage des territoires… Avec quels moyens ? ».
 
Une réponse de Normand
La réponse de Maria Guidicelli sera remarquable de prudence. Si, en avril, à Ajaccio, à la CTC, au lendemain de l’affaire de la Testa Ventilegna, elle s’était déclarée favorable au report de l’adoption par les communes des documents d’urbanisme jusqu’au vote du PADDUC… Deux mois après, à Bastia, elle affirme : « Les PLU en cours d’élaboration doivent continuer », recommandant aux maires d’utiliser l’assistance à maîtrise d’ouvrage offerte par l’agence de l’urbanisme. Des élus ayant soulevé la problématique de la déclassification de certains espaces remarquables ou boisés, elle indique, diplomate, qu’il faut expertiser les atlas et vérifier la réalité des classifications. « On va vérifier si ce qui était remarquable, il y a dix ans, l’est encore ! ». Néanmoins, c’est le Conseil des sites qui décide et continuera de décider de la classification des espaces à protéger.
 
Des ateliers thématiques
« Tout le monde attend le PADDUC comme le Messie, or il va définir des règles qui s’appliquent à tous. Il fera beaucoup de mécontents. Un maire aura le pouvoir de rendre quelqu’un riche ou pauvre, il aura, donc, besoin du soutien de la population dans l’élaboration des PLU », commente Ange-Pierre Vivoni. L’élu du canton de Sagro Di Santa Giulia, maire de Sisco et président de l’association des maires de Haute-Corse, estime qu’il y a urgence. L’enjeu est, tout à la fois, de lutter contre la spéculation immobilière et la violence qui gangrène l’île.
Maria Guidicelli poursuivra inlassablement ses rencontres avec les élus, mais aussi les socio-professionnels et les responsables institutionnels et associatifs. Le 6 juillet, à Pigna, elle inaugurera une série de rencontre de terrains dans le cadre d’ateliers thématiques régionaux. En octobre, le projet de PADDUC sera débattu à la CTC. Au printemps 2014, le document finalisé reviendra devant l’Assemblée territoriale. Le PADDUC pourrait, si tout va bien, être applicable fin 2014 (cf vidéo de Maria Guidicelli).
 
N.M.
 
Maria Guidicelli répond aux questions des élus et dévoile un calendrier d’action.