Apres une longue hésitation, vous êtes finalement candidate dans la course aux législatives ?
Oui c’est une décision que j’ai murie en réfléchissant tranquillement durant quelques mois. Ce que je voudrais mettre en avant, c’est qu’il s’agit là d’une candidature de conviction, d’abord parce que j'ai toujours été très engagée pour la Corse et parce que je considère qu'aujourd'hui il nous faut porter haut et fort les attentes des Corses, puis dès lors que les Corses sont capables d'exprimer leurs besoins et leurs attentes. Nous l'avons vu d’ailleurs à l'Assemblée de Corse, où nous avons construit de grands consensus, aussi bien autour du PADDUC que par exemple de l'office foncier ou encore des arrêtés Miot, etc ... de véritables consensus construits ici, mais qui se sont concrétisés par le vote à l'Assemblée nationale. D’ailleurs je me souviens très bien avoir été à l'Assemblée nationale lorsqu’il a été question de voter la loi sur le PADDUC en 2011. J'étais dans les travées de l'assemblée et je voyais les députés lever la main à l'unanimité concernant le projet de loi sur le padduc, puis après les sénateurs. Là aussi une belle unanimité. J’ai acquis la certitude que, en Corse, fiers de notre singularité, nous avions à franchir un pas qui nous permettrait de porter nos ambitions, nos attentes au plus haut niveau, et donc à l'Assemblée nationale.
Donc c’est le premier sujet, et puis c’est aussi une candidature pour agir, parce que je veux revendiquer ce qui a toujours été ma conviction profonde : c'est que la politique, ce n'est pas un espace où l'on figure, où l'on se représente, mais un espace où l’on agit, on travaille, donc je souhaite travailler pour la Corse et être active. Ça c'est le deuxième sujet, et pour cela il faut avoir un projet pour la Corse. Un projet réaliste et réalisable. J’ai mené la réflexion sur le Padduc, et pour moi il y a deux grands axes qui sous-tendront le projet que je voudrais défendre pour ma circonscription, et au-delà bien sûr pour la Corse.
Quels seront les grands axes de votre programme ?
Le premier axe sera celui qui consistera à lutter contre les ruptures qui impactent la Corse : les ruptures sociales, culturelles et économiques, les fractures territoriales et les fractures culturelles aussi.
Pour cela il faudra répondre aux besoins essentiels des Corses, c'est-à-dire leur quotidien : pouvoir se loger, accéder à la santé, à l'éducation et surtout pouvoir travailler.
Cela m'amène au deuxième axe de de la candidature que je porterai : le travail, l'emploi et donc l'activité économique. Je souhaite pour cela faire de cette ambition d’un développement économique innovant un axe important de ma campagne, parce que si nous voulons distribuer de la richesse il faut en produire. Là aussi, je reste cohérente par rapport à ce que nous avons acté dans le Padduc. Ce document a changé le paradigme : il a réorienté développement de l'île, non plus comme cela a été le cas pendant tant d’années vers cette économie résidentielle de la rente, mais plutôt vers une économie productive.
Il nous faut maintenant innover, et investiguer les nouveaux secteurs, et je voudrais également pouvoir le porter
Enfin, pour terminer, c'est aussi une candidature citoyenne parce que je considère que rien ne se décrétera à partir des ministères parisiens pour la Corse. Tout se construira ici et une candidature citoyenne c’est celle qui permet d’écouter le peuple corse, de lui donner la parole, et de relayer cette parole.
Qu’est qui vous a tant fait hésiter du coup ?
Vous savez, je crois qu’il fallait aussi le temps de la réflexion dans un contexte national complexe, et puis également dans un contexte local, où pour moi il y a une chose qui me semble essentielle : c’est une candidature à la législative dans une année électorale riche. Et bien, une candidature aux législatives suppose effectivement d'avoir la capacité de rassembler, d'avoir la capacité de rapprocher parfois des points de vue qui peuvent à priori paraître assez éloignés les uns par rapport aux autres. J'ai donc voulu entendre et écouter un petit peu autour de moi ce que pouvaient exprimer les élus et habitants de la circonscription. Donc j'ai pris le temps de de la réflexion. J'ai pris aussi le temps du recul, et parce que j’ai voulu toujours privilégié mon engagement pour la Corse, il m’avait donc semblé à un moment donné que mener une campagne pour les législatives pourrait peut-être être de nature à me rendre moins disponible pour la Corse. Puis, chemin faisant, j'ai considéré que non seulement cela ne me rendrait pas moins disponible, mais que ça me permettrait effectivement d'exprimer un point de vue, et peut-être demain de confronter ce point de vue au-delà de la circonscription avec d'autres démarches, qui sont d'ailleurs initiées partout dans les circonscriptions, pour construire une alternative et proposer en tout cas un projet rénové à la fin de l'année pour la Corse.
A quel moment avez-vous eu le déclic ?
Je n’ai pas véritablement eu de déclic. Vous savez, je suis quelqu'un d'assez réfléchie, pragmatique et dans l'échange, donc une conviction profonde : aujourd'hui nous sommes dans une situation de mutations politiques profondes. J'ai cette conscience-là, et donc la conviction qu’il faut certainement changer d'approche politique. La construction qu’il nous faut mener pour la Corse ne passera plus par des idéologies enfermées dans des partis, mais dans un espace renouvelé. Pour moi, c'est un élément essentiel, alors j'ai écouté l'ensemble des candidats à la présidentielle, et je considère qu’il y a un espace de travail qui est aujourd'hui proposé.
J'ai d’ailleurs fait une demande d'investiture auprès du mouvement en Marche ! que j'aurai ou pas, nous verrons bien.
Pas de réponse pour le moment ?
Nous n’y sommes pas encore, nous allons nous plier à la procédure, qui est extrêmement pointilleuse, selon un calendrier que je ne connais pas, et semble-t-il qu’aucun des candidats à l'investiture ne connait. Ce sera vraisemblablement très proche de la présidentielle. Cela dit ce n’est pas forcément déterminant pour moi : j'ai la conviction du projet que je porte, de la méthode aussi que je veux mettre en avant, et de l'expérience qui est la mienne. Donc nous verrons bien le moment venu.
A Ajaccio M. Casasoprana est lui aussi candidat à l’investiture, y’en a-t-il d’autres ?
A ma connaissance nous ne sommes que deux.
Comment visualisez-vous cette élection pour l’instant ?
Sur la circonscription, si l’on regarde un petit peu les forces en présence, on a d’abord le candidat qui succède à Laurent Marcangeli, qui va effectivement défendre la position portée au niveau national par François Fillon, donc vous l’avez bien compris : de ce point de vue-là il n'y a aucune ambigüité. Nous allons confronter nos approches diamétralement opposées. C’est une évidence, mais c’est bien pour le débat. Ensuite, la gauche de la gauche, il y aura des candidatures que je respecte tout à fait, et qui sont sous-tendues par des valeurs humanistes auxquelles j'adhère. Simplement, je pars du principe que ces valeurs humanistes peuvent s’exercer dans un cadre peut-être plus réaliste : celui qui nous oblige à regarder l’entreprise comme un atout pour le développement économique, et je veux mettre l’accent là-dessus.
Véritablement, ma candidature s’inscrira en complémentarité, en concurrence, mais pas dans des affrontements stériles et agressifs.
Ce n’est absolument pas ma façon de faire et de procéder.
On sait qu'il y aura une candidature nationaliste. Vous avez souvent entretenu de très bons rapports avec les nationalistes, notamment la section ajaccienne de Corsica Libera par exemple, donc quels seront vos rapports à l’avenir ? Mêmes choses qu'à gauche ?
Oui, écoutez je ne vais pas refaire la démonstration qui a été la mienne durant les cinq dernières années où nous avons travaillé, et où nous avons pu ensemble porter des dossiers et aboutir de manière positive. Vous le savez, je veux être la candidature du peuple corse dans la République, voilà mon credo. Bien évidemment la candidature nationaliste s'exprimera différemment, donc ce sera là que nous verrons nos divergences, que je revendique de la même manière que leur candidat le ferait, mais encore une fois dans le respect de nos opinions. Je n’ai jamais eu de réticences à travailler avec l’ensemble des sensibilités, qu'elles soient de gauche, de droite ou nationaliste, et c’est ce qui guidera mon engagement demain.
Un dernier mot peut-être sur l’état de la gauche, une gauche qui donnait l’impression d’avoir perdu ses repères suite à plusieurs défaites, pensez-vous pouvoir la restructurer ?
On ne va pas se mentir, cette candidature a aussi pour but de faire entendre une voix à l’égard de cette gauche-là, qui attend de nous un projet lisible, une innovation, une méthode nouvelle. Je crois que c’est véritablement le moment de s’exprimer les uns et les autres dans nos circonscriptions, de confronter nos approches - je les pense quand même être relativement convergentes -, éventuellement de regarder quelles pourraient être nos différences et in fine construire ensemble un projet commun. Aujourd’hui, la gauche a été secouée, elle a fait le bilan de ses échecs, et je pense qu’elle est maintenant en capacité de reconstruire et de rassembler. C’est aussi dans cette perspective là que je m’inscris.