Les médecins de la maison médicale de garde de Porto-Vecchio sont en grève. Depuis presque une semaine, ils ont choisi de suspendre leurs consultations dans le cadre d’un mouvement national porté par le groupe Médecins pour demain. Une action qui vise à protester contre le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 qu’ils jugent susceptible de dégrader la qualité des soins pour les patients. « L’heure est grave, pas seulement pour le monde médical, mais aussi pour la façon dont les patients vont être pris en charge », dénonce le Dr Jean-François Lassus, président de l’Associu medicale di Corsica suttana. « Il y a des tas de mesures extrêmement coercitives contre le milieu médical qui ont été votées », explique-t-il en faisant référence à l’adoption du PLFSS par les députés ce mardi. Si Paul-André Colombani et Michel Castellani ont voté en faveur du projet de loi, François-Xavier Ceccoli et Laurent Marcangeli se sont abstenus.
Les médecins dénoncent notamment le risque de tomber dans « une médecine pseudo-libérale » où les praticiens « n'auront pas le choix que d'être à la botte de ce qui sera décidé par la Sécurité sociale et le ministère du Travail ». « L’idée, c’est que la Sécurité sociale pourra décider unilatéralement des honoraires des médecins et des amendes qui seront infligées aux médecins », souligne le Dr Lassus. « Le problème aussi, c'est que les médecins vont avoir des objectifs comptables, et que si ces objectifs ne sont pas remplis, le directeur de la Sécurité sociale va baisser les tarifs. Par exemple, la consultation est à 30 euros : s’il y a un objectif comptable qui repose sur une hausse autorisée du coût des actes par an, et que le coût dépasse ce qui était autorisé, le directeur pourra décider que la consultation repassera à 25 euros. C'est un exemple de situation un peu ubuesque. »
Selon lui, si les médecins auraient pu choisir de ne plus être conventionnés par la Sécurité sociale pour contrer cette situation, ce ne sera plus possible. « Jusque-là, seuls les honoraires des médecins qui n'étaient pas conventionnés par la Sécurité sociale ne l’étaient pas non plus, mais si vous prescrivez une radio, une analyse, tout ça était remboursé. Mais maintenant, il n'y aura plus de remboursement possible de ces actes, ce qui veut dire qu’un médecin qui ne veut plus être conventionné avec la Sécu, ses honoraires ne seront pas remboursés, mais ses actes non plus. Autrement dit, il ne pourra soigner qu'une toute petite frange de la population qui aura les moyens de payer la totalité des actes et médicaments, mais ça ne représente quasiment personne… »
Pour les 22 praticiens de Porto-Vecchio en grève, un autre point d’inquiétude majeur concerne le dossier médical partagé (DMP), qui deviendrait, selon eux, un outil de contrôle systématique des médecins. « Si la Sécurité sociale décide qu'il ne faut pas prescrire plus de tant de boîtes d'antibiotiques par an, ça va se voir sur le DMP, et les sanctions vont tomber aussitôt. L'effet pervers, c'est que, si on pense que vous avez besoin d'antibiotiques, de bon de transport, d’arrêt de travail, on va hésiter à faire une prescription, puisqu’on va être sanctionnés derrière. On ne sera plus libre d'exercer en tant que médecin selon le code de déontologie, notre savoir et nos compétences. » Pour appuyer ses propos, le médecin prend pour exemple « les analyses d’urine ». « L’un de nos confrères a été réprimandé parce qu’il a prescrit 60 analyses de trop sur une année, et qu'on lui a rappelé qu’il n'était pas forcément pertinent de prescrire des analyses d'urine à telle ou telle personne. Cette histoire de DMP, c'est pour surveiller ce genre de choses. »
Selon eux, c’est « la fin de la médecine libérale qui est en train de se jouer ». « Tout est fait pour qu'on n'ait pas d'autre moyen que d'exercer selon ce schéma-là. Les médecins et les patients sont pris dans une sorte de nasse avec l'abolition de certaines libertés. Mais c'est un accord de déontologie qui est remis en question. Quand on prescrit quelque chose, on ne le fait pas parce qu'on a un intérêt à le faire. On le fait parce qu'on pense que ça va être bon pour le patient. » Le Dr Lassus précise que la grève se poursuit à la maison médicale de garde de Porto-Vecchio. « Ça fait 12 ans que cette maison médicale fonctionne, il n’y a jamais eu un trou dans le planning. Mais aujourd’hui, on souhaite être vus et entendus pour alerter la population sur ce qui se joue vraiment, et pourquoi pas provoquer une réaction au niveau des confrères d'autres zones de l'île. »
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