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Les "fainéants" dans la rue


Jacques RENUCCI le Lundi 11 Septembre 2017 à 16:30

Les organisateurs des manifestations contre le nouveau code du travail mobilisent aussi leurs troupes sur l'indignation concernant le mépris que le Président de la République nourrirait envers les classes populaires.



Les "fainéants" dans la rue
A de rares exceptions près, les appels à manifester ne font plus recette. On sent bien que les slogans, les banderoles et les drapeaux appartiennent aux luttes du passé. La plupart du temps, tout se passe comme si les protestations ou les revendications étaient jouées d'avance et que la rue n'avait plus son mot à dire. Pourtant, il arrive que le destin se mêle de secouer cette résignation. Ainsi, si Emmanuel Macron avait voulu dynamiser le test social du mouvement contre la réforme du travail, il ne s'y serait pas pris autrement. En évoquant, au détour d'une phrase – prononcée à l'étranger de surcroît – son opposition radicale aux « fainéants », il n'a pas fait qu'indigner, il a provoqué aussi un sursaut mobilisateur inespéré à l'heure de la division syndicale sur la participation aux cortèges.  

« Le mépris des hommes est fréquent chez les politiques, mais confidentiel », écrivait André Malraux. Autres temps, autres mœurs. Le « parler vrai » est passé par là, et Macron en est l'un des adeptes. Tout dire, et sans fioritures, même si cela oblige ensuite à des rétropédalages pénibles, à de laborieuses explications de texte, soit directement, soit par ministres interposés. Quoi qu'il en soit, avec notre nouveau Président, les « sans-dents » de Hollande ont fait des petits. On se souvient des ouvrières illettrées des abattoirs Gap, des habitants du bassin minier dévastés par l'alcoolisme et le tabagisme, des syndicalistes à qui le président expliquait que « la meilleure façon de se payer un costard, c'est de travailler. » Fillon n'aurait pas parlé autrement. Cette dépréciation des classes populaires, il faut le dire, n'est pas que de Macron. Lorsque Mélenchon, sénateur prospère, parle vulgairement, c'est pour « faire peuple », comme si le peuple ne pratiquait que l'expression triviale et trouvait ses limites dans la grossièreté complice. Lorsque les analystes politiques analysent le vote protestataire, surtout lorsqu'il touche au FN, ils trouvent une explication électorale commode et rassurante dans l'ignorance et le sous-développement culturel des électeurs concernés.  

Avec Macron, pétri de supériorité technocratique, il ne s'agit pas d'un mépris de classe – comme il l'a souvent répété, il n'est pas un héritier et il s'est fait lui-même – mais d'un mépris de caste, celle des hauts fonctionnaires, des puissants de l'administration et de la finance, qui gèrent le réel hors de la réalité des gens, en ne se rendant pas compte de ce qui chez eux peut passer pour de l'arrogance. Certes, le Président doit habiter sa fonction avec la hauteur et la distance nécessaires, mais celles-ci n'incluent pas la déconsidération pour certaines catégories défavorisées de citoyens. De ceux-là comme des autres, il a aussi la charge et, si leur situation est mauvaise, le devoir de l'améliorer.