Sur un chemin de randonnée en Haute-Corse, un touriste hongrois abandonne les restes d’un sandwich au jambon qu’il a acheté dans son pays. Peu de temps après, un sanglier mange la fin du sandwich, et meurt quelques heures plus tard, avant d’être découvert par un pêcheur dans une rivière. C’est le premier cas de peste porcine africaine en Corse. Si le scénario peut inquiéter, il ne s’agit en réalité que d’un exercice, visant à tester le plan d'intervention sanitaire d'urgence, et réalisé conjointement ce jeudi par les services de l’État, la Chambre d’agriculture de la Corse, l’Office français de la biodiversité, la Fédération départementale des chasseurs et les lieutenants de louveterie.
Une simulation qui doit permettre de coordonner tous les services concernés, en vue d’une éventuelle crise sur le territoire. “À travers cet exercice, on teste notre manière de réagir pour gérer une telle crise”, explique Michel Prosic, préfet de Haute-Corse. “On peut avoir des points de vue différents, des techniques différentes, mais le but est de se tester individuellement et collectivement, afin de définir une bonne méthode de travail. À la fin de l’exercice, on aura un retour d’expérience, et on verra les points d’amélioration pour être prêts le jour J à gérer une telle situation.”
Cet exercice se déroule sur cinq grands axes, comme le détaille Pierre Havet, directeur départemental des services vétérinaires. “Il y a d’abord la mise en action de tous les services concernés, d’où l’importance de l’exercice aujourd’hui. On a ensuite une prévention dans les ports et aéroports, avec l’affichage d’informations pour les transporteurs et les voyageurs sur le risque d’emmener le virus avec eux. On prévient aussi les éleveurs, qui doivent limiter l’accès à leurs animaux, et les confiner si besoin. Les chasseurs sont ensuite prévenus, et on essaie alors, avec tous ces éléments, de limiter la propagation de la maladie.”
100 % de mortalité
Si un tel sujet a été choisi pour cet exercice, c’est parce que les risques liés à la peste porcine africaine sont bien réels. Originaire d’Afrique subsaharienne, cette maladie est apparue pour la première fois en Europe en 1957, lorsqu’un cas a été découvert au Portugal. Ce virus s’est ensuite propagé sur tout le continent, et particulièrement dans les pays d’Europe de l’Est, comme la Pologne, l’Estonie ou la Lituanie, mais aussi en Sardaigne et dans d’autres régions italiennes à partir de 1978.
Des cas détectés proches de la Corse, et qui inquiètent, notamment à cause de l’extrême contagion de la maladie. “L’Homme n’est pas impacté par ce virus, mais il décime des populations entières de suidés, d’autant plus qu’il n’y a pas de vaccin”, indique Pierre Havet. “La peste porcine africaine peut arriver en Corse via les denrées alimentaires, comme de la charcuterie contaminée, c’est pourquoi on demande aux voyageurs de ne pas faire entrer de nourriture à base de porc, ou alors de ne pas la jeter dans la nature après consommation. La maladie peut aussi se transmettre par contact direct, de groin à groin ou par l’urine, ce qui veut dire que nos chaussures et nos vêtements peuvent être des vecteurs. C’est pour ça qu’on recommande aux chasseurs, s’ils sont aussi éleveurs, de changer de tenue en revenant de la chasse.”
Une contagion par les vêtements, c’est ce qui est arrivé à des chasseurs en Italie, comme l’explique Jacques Marie, membre de la Fédération des chasseurs de Haute-Corse. “La peste porcine africaine a été importée à Gênes par des chasseurs qui allaient chasser le sanglier en Roumanie ou en Bulgarie, et dont les véhicules avaient été contaminés. On connaît le mécanisme, et on ne veut surtout pas que ça se passe en Corse.” La peste porcine inquiète, d’autant plus qu’elle aurait des conséquences économiques graves sur le territoire. “Si l’épidémie arrive dans toute la Corse, en tant que chasseurs, on n’aura plus de gibier, et les agriculteurs n’auront plus de quoi travailler, donc tout le monde ira droit dans le mur”, déplore Jacques Marie.
Pierre Havet, quant à lui, précise “qu’il n’y aurait plus de sangliers et de cochons sur le territoire, et donc il ne pourrait plus y avoir de production de charcuterie sèche ni de commercialisation de viande”. “On serait dans une situation de blocage.” Si aucun cas n’a pour le moment été détecté en Corse, cet exercice sert aussi à savoir réagir en cas d’urgence. “Si l'outil agricole et industriel que représente le porc dans notre île devait être touché, on doit être prêts, ne rien laisser à l’amateurisme, et faire preuve de professionnalisme pour que la réponse soit juste, coordonnée et efficace”, conclut Michel Prosic.